«LA MUSIQUE SENEGALAISE EST INFESTEE D’INTRUS»
Palabres avec… Daba SEYE, artiste- chanteuse
Elle a fait les chœurs de presque tous les artistes avant de se retrouver au -devant de la scène avec succès. A l’aise dans presque tous les genres, Daba Sèye vient de sortir un album de six titres. Bien entendu, c’est pour se faire une place au soleil. Dans cet entretien, elle flétrit la situation de la musique sénégalaise qui stagne, selon elle, par la faute de personnes qui sont loin d’être des musiciens. Entretien…
Daba, vous venez de mettre sur le marché un nouveau produit. Pouvez-vous nous en parler ?
J’ai travaillé pendant longtemps pour confectionner cet album. Cela m’a pris quatre ans, car je ne devais pas décevoir mes fans. Après avoir travaillé durant tout ce temps, j’ai fini par sortir un album de six titres intitulé « Nimou Nexxé Ni ». Comme je ne suis motivée que par la satisfaction du public, j’ai voulu leur offrir un bon produit.
Pourquoi ce titre assez provocateur ?
Je parle essentiellement de l’amour, de la beauté et de la complexité de la vie. C’est également pour aborder de belles choses de la vie. Je veux dire par là de l’amour, de la bonté, de la persévérance. Bref, de grandes qualités qui fondent la vie. J’ai donc voulu relever ce défi et j’ai sorti cet album. Vous pouvez constater par vous-même que j’ai grandi à tous les niveaux tant sur le plan vocal que sur le plan rythmique. Je ne peux pas chantonner ou faire dans la demi-mesure. Je pense que le moment venu, le public pourra juger de lui-même.
Pourquoi la récurrence de la thématique de l’amour. Est-ce un hommage à ton producteur de mari ?
Non, pas du tout ! C’est juste une coïncidence. C’est vrai que mon mari est très impliqué dans mon travail. C’est lui mon producteur et il a tout investi pour que cet album connaisse un grand succès.
Pourquoi n’avez-vous pas insisté sur le côté traditionnel qui fait votre force ?
J’ai fait mes « mbapaats » pour la chanson. Je n’ai pas brûlé les étapes. Sur le côté traditionnel, je ne peux vraiment pas l’occulter. J’ai appris à chanter sans micro. Dans cet album, il y a deux titres qui sont joués sur ce registre. Donc je ne peux pas me permettre de ne pas miser sur le volet traditionnel.
Juste un album de six titres. N’est-ce pas un signe d’essoufflement ?
Non, pas du tout ! Il faut savoir que la production musicale est très chère et cela ne nous rapporte pas grand-chose. On le fait juste pour satisfaire nos fans et pour ne pas se faire oublier du public.
On a aussi remarqué l’absence d’invités qui est une tradition musicale au Sénégal ?
A ce niveau, je ne suis pas du tout pressée. Je marche à mon rythme et je ne ferme la porte à personne. Cependant, j’avais contacté un collègue artiste, mais il était occupé et cela n’a pas abouti. Mais encore une fois, je n’exclus personne.
Là, vous pouvez le dire mais on parle de vos clashs avec Secka ou encore Coumba Gawlo ?
Ah, non ! Il faut arrêter. Je n’ai aucun problème avec un artiste sénégalais. Coumba Gawlo et Secka sont des aînés et des parents et je ne leur manquerai jamais de respect. Il s’agit juste d’interprétations et de mauvais procès. Encore une fois, Daba Séye n’a de problème avec aucun artiste sénégalais. Je rappelle que j’ai commencé par faire des chœurs pour de grands artistes. J’ai chanté pour presque tous les grands artistes. Mais c’est Assane Mboup qui m’a vraiment permis d’être professionnelle. J’ai travaillé avec tous les artistes. Je peux citer Salam Diallo, Fallou Dieng, Secka, Kiné Lam, Thione Seck et tant d ‘autres…
Vous disiez que vous n’alliez plus faire de chœur pour les artistes
Je pense que je devais marquer mon territoire et creuser mon trou. J’étais très sollicitée et c’est très facile de dormir sur ses lauriers. Il fallait vraiment que je fasse cette sortie pour calmer les ardeurs. N’empêche, par la suite, j’ai fait les chœurs pour Thione Seck et Kiné Lam . Donc je suis vraiment une chanteuse et je serai toujours ainsi.
On vous accuse d’être dépensière et de faire des folies pour votre habilement. On parle de vos fameuses lunettes à un million
C’est vraiment me faire un mauvais procès que de penser que je vais acheter des lunettes à un million. Je suis une artiste et j’aime bien les belles choses, mais je ne suis pas prête à faire des folies. C’est une amie qui m’avait offert ces lunettes et vraiment cela m’a causé un grand tort que d’entendre que j’ai dépensé cette folle somme pour juste frimer. Je m’inscris en faux contre cette assertion qui m’a vraiment porté préjudice
En 2016, quand vous preniez d’assaut le Grand Théâtre, certains doutaient de votre capacité à relever le défi. Pourtant ça avait été une réussite. Pourquoi vous n’y êtes- pas retournée ?
Je suis une chanteuse et j’ai cela dans le sang. Comme je l’avais annoncé, je ne suis vraiment pas obnubilée par le fait de remplir le Grand Théâtre. Même s’il y avait deux personnes, j’allais me produire et leur offrir un beau spectacle comme s’il y avait un millier de personnes dans la salle. Les temps sont durs et il ne faut vraiment pas toujours solliciter les fans pour ces spectacles. Je suis obligée de prendre cela en compte. Je peux vous dire que cette année 2019, je serai encore au Grand Théâtre. Ce sera au mois d’avril. Je ne suis pas du tout pressée et dans toute chose, je préfère y aller mollo- mollo, car cela fait partie de mon tempérament. Je ne suis pas pressée et je ne suis la concurrente de personne. J’ai un parcours dans la musique. J’ai également mon business à côté. Je vais souvent à Paris pour acheter des cheveux naturels que je revends à Dakar. J’ai une fidèle clientèle et cela marche grâce à Dieu.
Justement, pourquoi ne pas tenter le marché international ?
Je travaille dans mon coin et je marche sur les traces de nos aînés, Youssou Ndour, Papa Thione, père Ismaël Lô et tous les autres. Je suis très souvent en tournée aux USA. A chaque fois, j’y vais pour jouer en version acoustique
Était- il difficile de produire cet album après quatre ans de silence ?
Non, pas du tout ! C’est mon mari qui a entièrement produit cet album. Il a vraiment mis toutes ses économies sur ce produit. Il est vrai que certains amis, très bien placés dans ce pays, nous soutiennent et ils ne veulent même pas que je les cite. Mais pour l’essentiel, c’est mon mari qui a produit cet album. Seul mon premier album a été produit par feu Babacar Lo. Cependant pour le second et le troisième, on l’avait fait ensemble, mon mari et moi. Mais pour cette fois ci, il a décidé de tout prendre en charge. Dans le cadre du travail, je privilégie le respect comme je l’aurai fait pour n’importe quel producteur.
Votre mari a toujours été jusqu’ici dans l’ombre. Mais pour votre point de presse, il était au -devant …
Il a toujours été à mes côtés. Il me soutient depuis le départ. C’est vraiment lui qui détient toutes les idées. Il me pousse toujours au dépassement. Je ne suis qu’une chanteuse. Mais c’est lui la cheville ouvrière. C’est un artiste et très fin connaisseur. Sa présence, c’est pour montrer que seul mon succès lui importe.
Comment gérez-vous votre famille et toutes ces charges liées au boulot ?
C’est vrai que l’autre jour, en y pensant, j’ai encore pleuré. Je suis une personne très sensible. Cependant, je veille vraiment à l’éducation de mes enfants. Surtout sur le côté de la religion. Chaque vacance scolaire, je les envoie à l’école coranique. Il faut qu’ils apprennent à connaitre vraiment leur religion .Pour ce faire, je les envoie au Daara de Serigne Souhaibou. J’attache une grande importance à leur éducation religieuse.
Comment voyez-vous l’évolution de la musique ?
A vrai dire les choses ne marchent pas comme elles devraient l’être. On sort juste des albums pour continuer à exister, mais on n’y gagne rien. Je profite de l’occasion pour lancer un vibrant appel aux ténors. Et surtout à Youssou Ndour qui est la référence suprême dans la musique sénégalaise. Lui et ses collègues comme Thione Seck, Baba Maal, Ismaël Lo et tous les grands, doivent sérieusement se pencher sur l’avenir de notre musique. Ils n’ont pas le droit de vendanger leur formidable travail. Il y a des gens qui sont en train de tout gâcher dans notre milieu et ils n’en font pas partie. Il faut que les ténors prennent leur décision et qu’ils sauvent notre musique qui risque de mourir si on y prend garde. Il y a trop d’instruis. Il faut que nos grands soutiennent vraiment les artistes qui en veulent et qui ne songent pas à s’amuser avec notre métier.
Dans le duel entre Wally et Pape Diouf, les gens disent que vous êtes plus proche du dernier…
Ecoutez, il ne faut pas chercher la petite bête. Wally est mon fils et on a partagé le micro en de nombreuses circonstances. Tout le monde connait les relations particulières que j’entretiens avec son père. Quand à Pape Diouf, c’est lui-même qui m’a invitée et j’ai assuré les chœurs au sein de son orchestre à mes débuts. Je n’ai érigé aucune barrière entre les artistes. Il faut que les artistes sénégalais apprennent à collaborer et à travailler ensemble. C’est vraiment ce qui fait la force des artistes américains. S’il y a bien une chose qui me dérange, c’est le manque de collaboration qui existe entre les artistes de mon pays. Il faut changer cette perception et surtout nous faire confiance. Il faut vraiment que certaines pratiques disparaissent. Je pense que Youssou Ndour est la personne la mieux indiquée pour réunir tous les artistes en organisant régulièrement de grandes soirées ou six à sept artistes sont invités et mis au -devant de la scène.
Que pensez-vous de l’influence grandissant de l’afro beat et du rythme Nanja ?
J’ai un avis très tranché sur cette question. Les Nigérians ne viendront jamais au Sénégal puiser dans notre Mbalakh. Aussi, je ne vois pas de raison à aller puiser dans leur musique. Je ne vais pas le faire et je ne suis pas prête à le faire. Nous avons une musique très riche qui peut aller partout. On peut bien s’ouvrir, mais pas à n’importe quel prix. Youssou Ndour, qui est notre référence, joue partout avec nos « Sabars » et il le fait très bien. Et ça lui réussit au même titre que Thione Seck, Baba Maal ou encore Ismaël Lo. C’est à nous de valoriser notre musique. C’est vraiment une question de fierté et de dignité. Je ne vais jamais échanger notre Mbalakh avec une autre musique.
Le mot de la fin
Je remercie tous les artistes sénégalais car je pense que je suis vraiment aimée et choyée par tous les artistes. Je les exhorte à l’unité qui est notre grande force. Que la paix règne dans notre pays et que la présidentielle de février se passe dans un climat pacifique.