«LES MOTIVATIONS DE MA SORTIE CONTRE OUSMANE SONKO…»
Palabre avec… Baba HAMDY musicien–producteur
Baba Hamdy occupe le devant de la scène depuis un bon moment. Il a été très critiqué sur sa virulente sortie contre le candidat à la présidentielle et leader de Pastef, Ousmane Sonko. Bien entendu certains n’ont pas apprécié son intrusion sur le terrain de la politique. Dans cet entretien, il revient sur ses motivations et surtout sa vision de la situation actuelle du pays et l’environnement musical.
M. Hamdy, vous avez fait une sortie pour parler de Ousmane Sonko, candidat à la présidentielle de février prochain. Qu’est –ce qui motive cette sortie d’autant plus que vous évoluez sur le terrain musical ?
Comme je l’ai dit et je tiens à le préciser. J’ai toujours apprécié Ousmane Sonko. Cependant, il faut qu’il descende sur terre et m’écoute attentivement. Il commet trop d’erreurs de communication. Je persiste et je signe, il faut qu’il arrête de tirer sur tout ce qui bouge.
N’est- ce pas un peu prétentieux de votre part d’émettre votre opinion sur ce volet communicatif ?
Pas du tout ! Il est vrai que c’est la première réaction que les gens auront et Sonko lui –même se fera une telle appréciation. Il va se dire que Baba Hamdy est trop petit pour me donner des conseils en communication. Il faut qu’il change. Il ne peut pas s’ériger en justicier et regarder tout le monde de haut. Cela le dessert considérablement. Il faut qu’il prenne en compte tout cela. Qu’il sorte de sa bulle et s’entoure de personnes ressources qualifiées pour le conseiller. Il n’a pas le droit de commettre ces erreurs de débutant. Son discours va- t- en guerre et nihiliste ne peut pas prospérer. Un jour ou un autre, cela va se retourner contre lui. Je le suis depuis ses débuts à l’Assemblée nationale. Dès que je l’ai vu intervenir à Hémicycle, je me suis dit qu’il ira loin et qu’il fera encore parler de lui. En qualité de jeune et de porteur de voix et aussi jeune de la même génération que lui, je peux bel et bien m’autoriser à livrer mon opinion.
Comment donc appréciez-vous les réactions négatives de votre sortie sur la toile ?
Je peux bien comprendre que ses partisans ne puissent se gêner à me descendre sur la toile. J’ai la chance d’avoir l’occasion d’être interviewé par des journalistes et d’être diffusé partout à travers le monde. Les partisans de Sonko qui m’attaquent n’ont pas cette possibilité et je les comprends très bien. Néanmoins il faut qu’ils acceptent que les autres aient des visions différentes des leurs. Je ne peux pas m’offusquer de ces réactions épidermiques, cela ne peut m’empêcher de donner mon avis.
Mais Baba sur quoi vous basez vous pour parler ainsi de Sonko ?
Je suis un citoyen et j’ai bien le droit de donner mon avis. Même si beaucoup de gens l’ignorent, je me déploie beaucoup dans le domaine de la communication. C’est ce qui me donne le droit de dire objectivement ce que je pense.
Vous attaquez Sonko et prenez la défense de Youssou Ndour…
Je vais encore le dire et le répéter. La personne de Youssou Ndour représente beaucoup de choses. Youssou Ndour a carrément dit au président Hollande d’éviter d’utiliser l’émigration clandestine pour se faire réélire. Il a osé dire non aux Français. En 2008 au G8, Youssou a encore tapé fort en disant à Tony Blair, Georges Bush et Merkel d’éponger la dette du Sénégal qui s’élevait à plus de deux mille milliards. Je connais bien Youssou Ndour et je sais qu’il aime profondément le Sénégal. C’est un grand Monsieur qui fait partie des cents hommes les plus influents du monde. Récemment, il a dit qu’il était déçu de certaines choses faites par le gouvernement. Il a fait face à Diouf en défendant Mademba Sock. Il a fait face à Wade en s’opposant au troisième mandat au péril de sa vie. Il a bravé les lacrymogènes et manifesté pour mener ce combat.
Oui, mais Ousmane Sonko lui reproche de ne pas payer des impôts…
Mais cela ne veut pas dire grand-chose. Sonko était Inspecteur des Impôts, mais pas le plus grand manitou de la boite. Il ne pouvait pas tout savoir. Si vraiment Youssou était favorisé à ce point, il n’aurait pas fermé Jololi. Personne ne doit tirer sur Youssou Ndour. Au-delà de son patriotisme, il faut savoir qu’il s’est beaucoup battu pour le rayonnement du Sénégal et de l’Afrique. Il a posé énormément d’actes courageux et porteurs pour défendre son pays et son continent.
Est – ce cependant une raison de s’attaquer à Sonko ?
Non, je n’attaque pas Sonko. Encore une fois, je n’ai rien contre lui. Cependant, il doit éviter certaines maladresses. Il faut qu’il soit plus tolérant et moins passionné. Qu’il fasse preuve de grandeur. Sonko, qui est dans la posture d’un éventuel futur président, ne doit pas être revanchard. A titre d’exemple, je vais vous citer deux cas. Quand Cheikh Yérim Seck parlait de lui comme un phénomène, tous ses partisans avaient applaudi des deux mains. Pourtant quand le même Cheikh Yérim a été un peu critique en affirmant que les élections ne se gagnent pas sur Internet, il a été attaqué de toutes parts par les partisans de Sonko. Il y a aussi son attitude et ses attaques contre Ahmet Khalifa Niass lors du décès de Sidy Lamine. Il aurait pu faire preuve de grandeur et éviter de descendre à ce niveau. Encore une fois, je ne suis pas d’accord avec lui sur sa manière de communiquer.
Mais quand tout le monde s’y met en l’attaquant de de toutes parts, cela pourrait être considéré comme une diabolisation de l’individu…
Vous savez tous que la politique n’est pas une affaire d’enfants de chœur. Sonko est bien inspiré de jouer la carte de la victimisation. Cependant, il ne faut pas aussi prêter le flanc et en faire un martyr. Le peuple sénégalais est assez mature pour choisir librement son candidat.
Seriez- vous devenu un partisan du pouvoir ?
Pas du tout ! Je suis plutôt un fin observateur de la vie politique de mon pays. Parce que je suis un citoyen qui travaille pour participer, tant soit peu, au développement de mon pays. Je ne vais pas faire de la propagande pour personne. J’ai mon opinion et mes convictions politiques, mais je ne suis pas un politicien. Il n’est pas question de parler de mon vote personnel ou du candidat que je vais soutenir. Je suis conscient que ce n’est pas à moi de faire ou dire certaines choses en faveur ou non d’un candidat.
Comment percevez-vous cette tension post-électorale ?
Je vais vraiment être sincère en affirmant que les choses auraient pu se passer autrement. Les invectives et les insultes n’ont pas leur place sur le champ politique. Mais j’aime beaucoup l’attitude du président Macky Sall qui ne répond jamais à ce genre de propos. Il en est de même pour Youssou Ndour. Je ne cautionne pas la démarche trop belliqueuse des hommes politiques sénégalais. Ils oublient souvent l’intérêt général du pays. Ils sont dans de bonnes conditions et oublient les souffrances du bas peuple. Il faut oublier la politique politicienne et éviter d’installer le pays dans une campagne électorale permanente. Il faut que les politiciens se rapprochent du peuple et s’occupent un peu plus des désirs du peuple. Que l’on évite d’user et d’abuser de ce genre de propos irresponsables qui pourraient brûler ce pays.
Vous êtes musicien, que vous inspire le single Sai Sai de Keurgui qui fait l’actualité ?
Je dois d’abord dire que Keurgui est un groupe de rap composé de deux personnes que je respecte énormément. Le rap a sa spécificité et généralement les rappeurs parlent beaucoup avec le cœur. Ils lancent souvent des cris du cœur. Je ne vais donc pas me hasarder à les descendre ou à critiquer leur travail. Cependant, à leur place, je n’aurais pas certainement usé des mêmes mots. Mais encore une fois, il faut bien essayer de comprendre la philosophie et la manière de voir les choses des rappeurs.
Wally Seck vous a publiquement félicité. Qu’est- ce qui pourrait expliquer son geste ?
Wally Seck est mon jeune frère et on s’entend très bien. Cela ne me surprend pas de lui. J’ai bien compris et saisi le sens de son message. Il a été grand en citant mon nom à plus de trois reprises. Il a eu l’humilité de reconnaitre que j’ai, tant soit peu, contribué à l’essor de sa carrière. Non content de dire que j’ai écrit « Mirna », il est revenu sur les autres morceaux que j’ai écrits pour lui. Je lui souhaite vraiment le meilleur et lui exprime toute ma gratitude. Le temps m’a donné raison car j’ai toujours dit que Waly est un grand Monsieur. J’ai écrit pour plus d’une cinquantaine de personnes et rares ont été parmi ces cinquante ceux qui le mentionnent. Encore un fois, il a fait preuve de grandeur et il ira loin. Il a le talent pour faire de très grandes choses.
Que pensez-vous de ses frictions avec Pape Diouf et des derniers développements de cette concurrence ?
Je ne vais pas trop m’étendre sur le sujet. J’avais refusé de parler de cette affaire. Mais comme des autorités comme Hadji Mansour en ont parlé, je vais juste me limiter à quelques observations. Il y a bien de la concurrence dans la musique. Mais il faut que cette concurrence soit saine. Je dois saluer le geste de Wally qui est en train de prendre du galon. Je suis aussi très à l’aise pour parler de Wally et de Youssou Ndour. Ce sont des gagnants et je respecte ce qu’ils font. Maintenant pour revenir aux relations entre Wally et Pape Diouf, il faut éviter de verser dans la vulgarité en disant certaines choses susceptibles d’envenimer les relations. Je suis pour la concurrence mais que cela se fasse dans les normes. Je condamne surtout ces gens qui enregistrent les artistes, juste pour attiser les tensions. Il faut éviter de verser dans la délation. Cela ne nous mène nulle part.
Vous avez été souvent critique avec la Sodav. Votre opinion a-t-elle changé ?
(Il coupe) Je ne vais pas fuir la question ou mettre de gants. J’ai entendu que le chef de l’Etat a décidé de mettre à la disposition de la Sodav la faramineuse somme d’un milliard. Mais à mon humble avis, je dois demander aux autorités d’être plus vigilantes. Je n’ai rien contre les dirigeants de la Sodav, mais il faut que les choses se passent dans les règles. Cet argent doit être bien géré et il faudra que les artistes sentent bien ces avantages. Je ne suis pas d’accord sur la démarche adoptée par les dirigeants de la Sodav. Il faut qu’ils nous respectent plus en nous consultant. Ils ne peuvent pas défendre nos intérêts et nous snober. Cela n’a rien de personnel. Ils doivent nous consulter et nous demander notre avis sur tout ce qui se passe dans cette boite.
En votre qualité d’acteur respecté de la musique, quel regard portez-vous sur la musique sénégalaise ? Quels sont également les artistes qui vous ont marqué durant l’année écoulée ?
Il y a encore beaucoup de choses à faire. Je suis très exigeant et très critique. Actuellement, il m’arrive rarement d’éprouver certaines sensations en écoutant nos chanteurs. Il y a des chanteurs comme Youssou Ndour, Thione Seck et Viviane qui arrivent toujours à me toucher au plan mélodiques et me surprendre à lancer un « Ndeysane ». Par rapport à l’artiste qui s’est illustré, je dois avouer que c’est Coumba Gawlo Seck qui a produit l’album de l’année. Il y a aussi des chanteurs comme Adiouza et Pape Birahim qui sont vraiment capables de me faire frémir de temps en temps.