DIOMAYE FAYE ÉGALEMENT MAITRE DU JEU PARLEMENTAIRE
Les modifications du règlement intérieur de l’Assemblée nationale ont été transmises au président de la République Bassirou Diomaye Faye qui a dix jours pour donner son avis avant de retourner le texte à l’Assemblée nationale pour son adoption
Le Premier ministre va bientôt faire sa déclaration de politique générale (DPG) devant les députés. Ces derniers, à travers les représentants de leurs groupes parlementaires, étaient récemment en conclave à Saly pour peaufiner le règlement intérieur de l’Assemblée nationale. Une modification dudit règlement afin d’y réintroduire les dispositions relatives au Premier ministre était en effet la condition exigée par Ousmane Sonko pour venir faire sa déclaration de politique générale devant la représentation nationale. Les modifications ont été transmises au président de la République Bassirou Diomaye Faye qui a dix jours pour donner son avis avant de retourner le texte à l’Assemblée nationale pour son adoption. L’incongruité qui se pose à ce niveau est qu’après l’adoption du texte, il doit encore être soumis au président de la République pour promulgation ! Ce qui suppose que Bassirou Diomaye Faye reste toujours dans le jeu.
La déclaration de politique générale du Premier ministre, Ousmane Sonko, n’est plus qu’une question de jours. Bientôt, les Sénégalais, en plus de prendre connaissance du programme du Premier ministre, assisteront aux échanges verbaux entre lui et les députés, surtout ceux de l’opposition, majoritaires au sein de l’hémicycle de la Place Soweto. Après l’audience accordée par le chef de l’Etat, Bassirou Diomaye Faye, au président de l’Assemblée nationale, Amadou Mame Diop, suivie de la rencontre entre les présidents de groupe parlementaire, les choses commencent à bouger et dans le bon sens. Certains parlementaires s’étaient retrouvés à Saly pour apporter les rectificatifs nécessaires au Règlement intérieur qui permettraient au Premier ministre de divulguer les grandes orientations de son programme devant les députés. Les modifications proposées ont été transmises, via Amadou Mame Diop, au président de la République pour lui permettre de donner son avis. « L’Assemblée fait une proposition de loi. Le bureau l’examine avant de la déclarer recevable. Le président de l’Assemblée transmet la proposition de loi pour avis au chef de l’État. Lequel a dix jours pour donner son avis à partir de la date de transmission de la proposition de loi. Passé ce délai, la procédure suit son cours» explique l’ancien parlementaire Alioune Souaré avant de se demander : « l’avis est-il péremptoire ou consultatif?».
Pour beaucoup, le Président peut se méprendre et croire que son avis est décisif. Surtout que la loi ne précise pas si son avis est péremptoire ou consultatif. La loi n’a rien prévu dans le cas où l’avis du président de la République serait défavorable. «Il y a un vide juridique» selon Alioune Souaré. Cependant, il convient surtout d’interroger cette double appréciation du président de la République relativement aux propositions de lois des députés. La loi dit que son avis est recueilli avant adoption du texte et ensuite pour promulgation. «Cette loi semble obsolète car elle date du temps où il y avait un seul parti au sein de l’Assemblée nationale. C’est-à-dire du temps du régime monolithique. Depuis, les textes de l’Assemblée n’ont pas évolué sur cette question. Surtout que le fait de dire au président de la République qu’il a dix jours pour donner son avis est considéré dans les grandes démocraties parlementaires comme une violation de la séparation des pouvoirs. Plusieurs pays de la sous-région ont d’ailleurs revu leurs textes et actuellement seul le Sénégal traîne encore les pieds sur cette question» ajoute l’ancien parlementaire Alioune Souaré.
A l’en croire toujours, le Président promulgue les lois et, s’il n’est pas d’accord, il peut saisir le Conseil constitutionnel. «A quoi bon le saisir avant et après ?» se demande Souaré. « Il donne son avis avant même que l’Assemblée n’examine la proposition de loi(...) Il fait immixtion dans une chose que l’assemblée n’a pas encore examiné. Il peut à la limite influencer l’examen de la loi» soutient l’ancien député.
Tout compte fait, la loi, dans ce cas précis concernant les propositions de lois, semble obsolète et les pouvoirs du président de la République, excessifs. Le fait qu’il donne dans un premier temps son avis n’a pas de sens d’autant plus qu’ensuite, en fin de procédure, c’est lui qui promulgue. Le débat est lancé et vivement que les constitutionnalistes s’expriment sur la question pour permettre l’évolution des textes dans le bon sens, leur mise à jour surtout, dans l’intérêt exclusif de la démocratie.