BENNO, LES GERMES DE LA FIN D’UNE AVENTURE POLITIQUE INÉDITE
Décryptage du séisme politique du 24 mars avec le ras de marrée de Bssirou Diomaye Faye. Entre doute sur l'avenir de cette majorité et remise en question des partis alliés, le jour d'après s'annonce mouvementé
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Après 12 ans au pouvoir, la coalition Benno Bokk Yaakaar (BBY) se trouve à la croisée des chemins. L’avenir de la majorité reste incertain après la débâcle qu’elle a subie à l’élection présidentielle du 24 mars dernier. Son choix contesté par certains membres de son propre parti, l’ex-Premier ministre, Amadou Ba, candidat de cette coalition, n’a pas pu faire le poids face au numéro 2 de Pastef, Bassirou Diomaye Faye. Il a été battu dès le premier tour. Une défaite prévisible tant la démobilisation des membres de Benno autour de leur candidat était manifeste. L’avenir de l’ex-majorité reste incertain après cette chute. Quant aux partis alliés de l’Alliance Pour la République (APR), la seule option pour eux serait de claquer la porte s’ils veulent survivre.
Seul le pouvoir de Dieu est éternel. A la continuité, le peuple a préféré une rupture à l’issue du scrutin présidentiel du 24 mars dernier. Les Sénégalais dans leur écrasante majorité ont porté leur choix sur le candidat Bassirou Diomaye Faye pour conduire les destinées de notre pays au cours des cinq prochaines années. Une élection qui marque la fin d’un règne riche sans partage de 12 ans de la coalition Benno Bokk Yaakaar. Le journaliste Ibrahima Bakhoum explique les facteurs qui ont conduit à la défaite de Benno Bokk Yaakaar. D’après notre doyen, la coalition était déjà démobilisée avant l’élection. Une démobilisation qui n’est pas resté sans effet sur les résultats puisque expliquant la débâcle subie par Amadou Ba. « Parmi les facteurs explicatifs de la défait, il y a eu d’abord le dialogue convoqué par Macky Sall, accepté par les uns et refusé par les autres. Entre temps, l’Assemblée nationale avait déjà proposé le report de l’élection au mois de décembre. Avant cela Macky Sall, qui n’est pas candidat, avait initié avec ses partenaires, membres de la coalition Benno bokk yaakaar, un processus de sélection pour désigner un candidat. Ça tombe sur une personne qui s’appelle Amadou Ba. Après, l’on se rend compte que le président Macky Sall n’a pas suffisamment accompagné son dauphin. Les gens de la majorité ont laissé se développer une communication tellement négative sur l’accompagnement ou le non accompagnement d’Amadou Ba. Puis il y a eu trois responsables issus de la mouvance qui sont sortis pour déclarer leurs candidatures. Ils étaient mécontents du choix porté sur Amadou Ba. Cela a fragilisé la coalition Benno bokk yaakaar» note l’analyste politique Ibrahima Bakhoum.
Tout s’est joué en un tour avec un Pds maître du jeu !
Tout au long de la campagne électorale, le candidat Benno a affiché un visage serein et confiant malgré le malaise suscité au sein de sa coalition autour de sa candidature. Partout où il est passé, Amadou Ba avait beaucoup insisté sur l’unité des responsables condition nécessaire selon lui pour la victoire. Il a aussi rêvé de retrouvailles de la famille libérale en courtisant le Pds lors de ses meetings. Ce qui semblait d’ailleurs être impossible. Le Pds, pour être cohérent avec sa démarche après avoir accusé l’ex-Pm d’avoir corrompu des magistrats du Conseil constitutionnel, a décidé d’apporter son soutien à la coalition Diomaye Président. Selon le doyen Ibrahima Bakhoum, l’électorat du Pds a été un facteur déterminant dans la victoire obtenue dès le premier tour par Bassirou Diomaye Faye. « Les militants de Pds, dès qu’ils ont su que le président Abdoulaye Wade avait reçu le candidat de Pastef, se sont mis en ordre de bataille. Ils ont pesé de tout leur poids en faveur de Diomaye. C’est ce qui explique le gros écart entre les deux candidats alors que beaucoup s’attendaient à un second tour. Le Pds a choisi de verser ses suffrages dans le camp de Diomaye, c’est ce qui s’est passé» explique Ibrahima Bakhoum.
Benno, se remettre en cause ou disparaître !
Concernant l’avenir du Benno bokk yaakaar, ce qui est clair est qu’après le départ du président Macky et le vieillissement des leaders ou guides de partis alliés comme l’ancien président de l’Assemblée nationale, Moustapha Niasse, patron de l’Afp (Alliance des Forces de Progrès), la présidente du Haut Conseil des collectivités territoriales, Aminata Mbengue Ndiaye (secrétaire générale du Ps), la coalition aura de la peine à survivre. Dans les jours à venir, avec le revers subi par Amadou Ba, les instances de Benno et des partis alliés se réuniront pour évaluer le scrutin et en tirer des enseignements. Dans tous les cas, il faudra maintenir la cohésion ou disparaître de l’échiquier politique. «Des gens ont volontairement effacé leurs noms du paysage politique en se mettant derrière quelqu’un qui était le chef de l’Etat Macky Sall. Ce président de l’Apr avait son parti qu’il a voulu promouvoir au fur et à mesure qu’on avançait. Tous les cadres qu’il nommait venaient de l’Apr. Ce qui a fini par affaiblir les autres partis. Si Macky Sall était candidat pour un troisième mandat, l’on se serait retrouvés avec une Apr plus forte que ses alliés de Benno, une coalition dont la locomotive est ce parti présidentiel. C’est ce qui fait que si, après la défaite de dimanche dernier, l’Apr est démobilisée, évidemment, il ne resterait plus grand’ chose dans Benno. Il va falloir tout reconstruire ou alors décider qu’il est temps que chacun aille construire sa propre maison», développe Ibrahima Bakhoum.
La «pilule «amère des alliés !
L’ère de la reconfiguration politique est sonnée par une jeunesse assoiffée de changement. Dans toutes les alternances connues par notre pays, jamais un parti politique n’a gagné à lui seul une élection. Qu’il s’agisse de législatives ou de locales à plus forte raison d’une présidentielle. Celle de dimanche dernier n’a pas fait exception puisque, même si le Pastef qui a été plébiscité par les électeurs, il n’en demeure pas moins qu’il a bénéficié du soutien d’autres partis le plus important voire décisif ayant été, on l’a dit, celui du Pds. C’est le jeu des alliances et des coalitions qui gagne une présidentielle. Les anti-système sont obligés de se mêler aux gens du système pour pouvoir arriver au sommet pour être associés au pouvoir et à ses prébendes. Après la perte du pouvoir, la coalition Benno Bokk Yaakaar aura du pain sur la planche pour maintenir sa cohésion. Kadialy Gassama du Parti socialiste (Ps), membre de la coalition Bby, doute d’une continuité de la coalition. Il déplore l’attitude et le comportement de ses camarades de coalition, lesquels, à l’en croire, ont fait perdre le candidat Amadou Ba au premier tour. Il n’écarte pas l’hypothèse d’une fin de compagnonnage au sein de Benno. «Toutes les hypothèses sont possibles. Je crois qu’à partir d’une évaluation, après avoir situé les responsabilités des uns et des autres dans ce qui est arrivé ce dimanche, le cheminement ne sera plus le même. On s’est toujours plaints, nous, en tant que parti allié, des attitudes de nos camarades de l’Apr. Fondamentalement, le principal problème de notre coalition, c’est le manque d’engagement autour de notre candidat. Ça nous a coûté très cher. S’il y avait une union, alors on aurait dû, au pire des cas, arriver au second tour. D’ailleurs, j’ai été surpris des résultats obtenus par la coalition Diomaye Président. C’est ça aussi la réalité. Nous avions un bon candidat qui n’a pas été soutenu par son camp» déplore l’économiste membre du bureau politique du Parti socialiste.
Amadou Ba, un candidat banni par son mentor !
Le vin est tiré, il faut le boire. Selon Kadialy Gassama, le premier à avoir déstabilisé ou tiré sur leur candidat, c’est le chef de l’Apr lui-même, le président Macky Sall. Il dénonce aussi la floraison de candidats issus de la mouvance présidentielle et notamment de l’Apr. Ce qui a, selon lui, fragilisé le candidat Amadou Ba. « Ce qui n’a pas marché, c’est la cohésion interne. C’est l’une des causes principales de la défaite. Le candidat Amadou Ba a été fragilisé par sa propre coalition, notamment les responsables de l’Apr. C’est une réalité. D’abord, il n’a pas eu le soutien qu’il fallait venant du président de la République. Notamment quand Macky Sall disait que le candidat Amadou Ba est un choix de raison et non pas de cœur. Vous vous rendez compte de tels propos, c’est grave. Pour un candidat qui doit défendre les couleurs de Benno Bokk Yaakaar, recevoir de telles attaques, c’est difficile. On a vu des responsables de l’Apr qui s’attaquaient publiquement au candidat à la veille des élections. C’est grave. Donc ce soutien-là n’a pas été effectif. Ce qui a fait qu’aujourd’hui, malgré un bon comportement du candidat qui a obtenu 34% des suffrages, il n’a pas pu aller au second tour », déplore encore Kadialy Gassama.
Après la perte du pouvoir, les directives des instances dirigeantes de la coalition Benno Bokk yaakaar restent très attendue. Que ce soit à la LD qui réaffirme son ancrage dans Benno tout comme à l’Afp ou au Ps, les responsables souhaitent une évaluation électorale pour, disent-ils, voir et situer les responsabilités ayant conduit à la défaite et parler des perspectives. Ce qu’il faut retenir, c’est qu’aprèsla chute, une fin de compagnonnage n’est pas à exclure. «Des alliés ont vraiment eu un comportement loyal du début jusqu’à la fin. Parce que les alliés ont eu, à travers des congrès de leurs partis, à investir Amadou Ba. On a vu des congrès extraordinaires de ces partis qui ont connu des mobilisations monstres. Il y avait un engouement en tout cas de la part des partis alliés pour soutenir le candidat Amadou Ba. Ce qu’on n’a pas constaté au niveau de son parti l’Apr, malheureusement. On aura le temps de mieux évaluer la défaite et de situer les responsabilités. C’est à partir de ce moment-là seulement que nous pourrions parler de perspectives de poursuite ou de fin du compagnonnage au regard du nouveau contexte» estime en conclusion Kadialy Gassama, membre du bureau politique du Parti socialiste lui-même composante de la coalition Benno Bokk Yaakaar (BBY).