BRUNO DIATTA, UNE LONGÉVITÉ INÉDITE EN POLITIQUE
Les hommages de proches et d’anciens collaborateurs, catholiques ou musulmans, se sont succédé jusque sous le dôme de la Cathédrale du Souvenir africain de Dakar, lors de la cérémonie consacrée à l'émérite chef du protocole présidentiel
Le Sénégal a rendu jeudi 27 septembre un hommage national à Bruno Diatta. Le chef du protocole de la présidence sénégalaise s’est éteint vendredi 21 septembre après quatre décennies de service au cours desquelles il aura accompagné tous les chefs d’États, de Léopold Sédar Senghor à Macky Sall.
« Un mythe vivant », selon le président Macky Sall. « L’un des plus grands serviteurs de l’État », pour son prédécesseur Abdoulaye Wade. La classe politique a rendu un hommage unanime au chef du protocole de la présidence, Bruno Diatta, décédé vendredi 21 septembre. Des funérailles nationales ont été organisées, jeudi 27 septembre, pour honorer le haut-fonctionnaire de 69 ans, dont 41 passés au protocole. Entré au palais présidentiel sous Léopold Sédar Senghor, Bruno Diatta n’en est sorti qu’à sa mort. Une longévité inédite.
Apolitique
Selon ses proches et anciens collaborateurs réunis devant ce palais présidentiel qu’il connaissait mieux que personne, l’apolitisme de Bruno Diatta est l’un des secrets de son incomparable carrière à la présidence. « Tout en respectant immensément le politique, Bruno a choisi de ne jamais aller sur le terrain de la politique », analyse Alioune Sall, sociologue et ami de lycée de l’ancien chef du protocole. « Il a su travailler avec quatre présidents, très différents dans leur caractère, leur orientation politique, leur manière de gouverner. Il a incarné l’esprit de la haute fonction publique en sachant garder ses distances avec la politique. Il était résolument apolitique », renchérit Christophe Bigot, Ambassadeur de France au Sénégal, venu assister aux funérailles nationales.
Une distance que ses proche expliquent par son « sens inouï de l’État ». « Il estimait être au service de l’État du Sénégal et non des hommes qui représentaient l’État », confie Selbé Mbodj, sa nièce. El Hadj Amadou Sall, ancien Garde des Sceaux d’Abdoulaye Wade, abonde dans le même sens : Bruno Diatta était « hors du champs politique. En tant que fonctionnaire d’État, le fait de ne jamais avoir été encarté à un parti est un élément essentiel de sa longévité à son poste ».
Fin diplomate et bête de travail
« Mais il ne faut pas réduire Bruno a sa fonction. Il était un homme qui avait beaucoup d’humour, malicieux, d’une extraordinaire courtoisie », martèle Christophe Bigot. Sa figure d’homme « poli et attachant », selon les mots du président Macky Sall, a contribué à la durabilité de Bruno Diatta auprès des différents régimes.
« Je ne sais pas si on peut dire qu’il a été ami avec les présidents, mais s’il est resté aussi longtemps auprès des quatre présidents, c’est qu’ils ont tissés des liens d’estime peu communs. Il était l’un des rares à pouvoir dire “non” au chef de l’État quand il estimait que cela était nécessaire”, se souvient Mamadou Wahad Talla, entré à la présidence en même temps que Bruno Diatta dans les années 1970.
De ces chefs d’État, le chef du protocole emporte nombres de secrets, comme l’a évoqué le Macky Sall dans son eulogie. En quatre décennies au cœur des arcanes du pouvoir, il a vu et entendu plus que quiconque et « aurait pu être le conteur de l’histoire du Sénégal ».
Pourtant, la discrétion semble être le maître mot de tous ceux qui racontent Bruno Diatta. Et c’est sans doute cette sobriété qui lui a valu d’être recommandé sans exception par chaque président sortant à son successeur. « S’il était quelqu’un de chaleureux, il a toujours su être réservé et distant pour protéger la fonction présidentielle », précise Alioune Sall.
« Pour expliquer sa carrière, il faut également chercher du côté de sa grande capacité de travail », ajoute le sociologue, rappelant que les fonctions de Bruno Diatta l’occupaient souvent entre seize et dix-sept heures par jour. « L’emploi du temps d’un président est parfois imprévisible et un chef du protocole doit être prêt en permanence à l’accompagner. Bruno Diatta l’était », renchérit El Hadj Amadou Sall.
Les hommages de proches et d’anciens collaborateurs, catholiques ou musulmans, se sont succédé jusque tard dans l’après-midi sous le dôme de la Cathédrale du Souvenir africain de Dakar. Les épithètes élogieux ne manquaient pas pour désigner l’aménité de Bruno Diatta, son sens du devoir et ses réussites à la tête du protocole sénégalais, malgré la délicatesse du poste. « C’était un homme pragmatique avec une grande capacité à aller à l’essentiel et à prendre rapidement des décisions parfois très difficiles », souligne ainsi Mamadou Wahad Talla. « Car au fonds, il n’y a pas de secret. Si Bruno Diatta est resté 41 ans à la présidence, c’est avant tout parce qu’il était extraordinairement compétent. »