COMMENT ROBERT SAGNA AVAIT NÉGOCIÉ LA LIBÉRATION DES 8 SOLDATS EN 2012
Depuis le 24 janvier courant, 9 militaires de la mission de la CEDEAO en Gambie sont portés disparus, après des affrontements avec des combattants du Mouvement des forces démocratiques de Casamance comme en 2011
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Depuis le 24 janvier courant, 9 militaires de la mission de la CEDEAO en Gambie sont portés disparus, après des affrontements avec des combattants du Mouvement des forces démocratiques de Casamance. L’information a été donnée par la DIRPA. Et l’on suppose que ces soldats ont été capturés par les éléments de Atika (la branche armée du Mfdc).
Ce qui n’est pas une première car, en décembre 2011 aussi, 8 soldats avaient été capturés et faits prisonniers par la faction de Salif Sadio, le chef autoproclamé de Atika. Ces soldats ont vécu plus d’un an entre les mains de Salif Sadio, personne n’avait eu de leurs nouvelles. Le régime du président Wade avait remué ciel et terre pour obtenir leur libération en vain. C’est au début du magistère de Macky Sall que leur libération est intervenue. Mais que de négociations ! Et ces négociations conduites de bout en bout par l’ancien ministre d’Etat Robert Sagna avaient été menées dans la plus grande discrétion.
L’ancien maire de Ziguinchor, qui connaît bien le dossier du conflit casamançais, avait utilisé tous ses réseaux relationnels aussi bien en Casamance qu’en Gambie pour arriver à ses fins. Il avait notamment impliqué directement le président Yaya Jammeh qu’il savait incontournable dans cette affaire et cela compte tenu de l’influence que le natif de Kanilaï avait sur la rébellion indépendantiste. De même, des sages de la Casamance très respectés par le Mfdc avaient été mis à contribution. Certes, Robert Sagna avait accès directement à Salif Sadio entre les mains de qui les prisonniers se trouvaient mais il était conscient que, sans la bénédiction de Yaya Jammeh et de ces sages sa mission serait plus difficile. C’était un secret de polichinelle, en effet, que l’homme fort de Banjul de l’époque avait une influence certaine sur la faction de Salif Sadio.
Et Robert Sagna qui avait eu à gérer le dossier casamançais sous Diouf le savait aussi. C’est d’ailleurs avec le concours de Jammeh qu’il avait réussi à poser les jalons des premières négociations entre le Mfdc et le gouvernement pour le retour d’une paix définitive en Casamance en 1999, lors du magistère du président Abdou Diouf. On se rappelle qu’à l’époque, alors que Robert Sagna avait la gestion du dossier, le Mfdc s’était réuni à Banjul au mois de juin 1999 pour taire ses querelles internes et restaurer l’unité en son sein.
Cette unité retrouvée au sein du mouvement indépendantiste avait permis d’ouvrir, pour la première fois de l’histoire, des négociations directes entre les responsables du mouvement indépendantiste et l’Etat. Négociations qui avaient eu lieu le mois de novembre de la même année à Banjul avec les bons offices de Jammeh et de la Guinée-Bissau. Cette première rencontre avait été sanctionnée par des accords de cessez-le-feu qui ont permis aux deux parties de se retrouver deux autres fois avant la chute du président Diouf. La dernière avait eu lieu à Ziguinchor et avait abouti à la mise sur pied de la MOCAP, une structure qui regroupait les pays facilitateurs que sont la Gambie et la Guinée-Bissau mais aussi le Mfdc, la société civile, le comité clérical de Ziguinchor et des représentants de l’Etat.
Cette structure avait comme mission d’intervenir partout où le processus de paix est menacé pour éteindre le feu rapidement. Ce qui avait suscité un grand espoir quant au retour d’une paix définitive dans la région chez beaucoup d’observateurs. C’est l’arrivée de Me Abdoulaye Wade au pouvoir à la faveur de l’élection présidentielle de mars 2000 qui avait interrompu ce processus qui était à deux doigts de ramener la paix. Le nouveau président, en effet, avait remis en cause tous les acquis de son prédécesseur. Pis, il avait demandé à tous les acteurs qui étaient impliqués dans le processus de se mettre sur la touche. C’est ce qui explique que Robert Sagna et tous les autres acteurs s’étaient éloignés du dossier. Étant témoin de toutes ces péripéties, c’est peut-être pourquoi Macky Sall, dès son accession au pouvoir, a fait appel à Sagna Doba pour tenter de décanter cette épineuse question.
Impliquer de nouveau Robert Sagna
Ce dernier donc, après plus d’un an de va-et-vient entre Dakar, Ziguinchor et Banjul mais aussi des séjours le maquis avait réussi à convaincre Salif Sadio de lâcher les soldats prisonniers. Donc contrairement à ce que certains laissent entendre depuis quelques jours, ces « Diambars » n’avaient pas été libérés suite à des négociations entre l’Etat et la faction de Salif à Rome avec les bons offices de l’Ong catholique San Egidio.
Au contraire, la tentative de cette organisation de s’impliquer coûte que coûte dans les négociations qui étaient en cours avaient failli faire échouer celles-ci. De fait, le jour prévu pour la libération des 8 soldats, les responsables de l’Ong, qui avaient senti que les négociations étaient sur le point de connaître une issue heureuse, avaient débarqué à l’improviste dans le maquis, plus précisément dans le quartier général de Salif Sadio, pour demander qu’après la libération des soldats, eux-mêmes membres de la communauté de San Egidio se chargent de les acheminer à Dakar où ils devaient être reçus dès leur arrivée par le président Macky Sall.
Irrité par cette attitude, qu’il avait qualifiée de tentative de récupération, le président Yaya Jammeh avait demandé à Salif Sadio d’annuler la cérémonie de remise des soldats à Robert Sagna et à la Croix rouge. Robert Sagna qui était déjà sur place, dans le maquis, a dû remuer ciel et terre et par téléphone pour convaincre Jammeh de revenir sur sa décision. C’est ce qui avait fait que cette cérémonie avait été différée de 24h.
A présent, avec cette nouvelle prise de soldats par le Mfdc, toute la question est de savoir si l’Etat fera, à nouveau, appel au génie de Robert Sagna pour négocier la libération de ces nouveaux Jambars supposés prisonniers ou pas, d’autant que c’est lui qui joue le rôle d’interface entre l’Etat et le Mouvement indépendantiste depuis le début du magistère de Macky Sall. Mais, à priori, il faut relever qu’entre temps les choses ont changé. D’abord Jammeh n’est plus là et mieux les relations entre l’ancien maire de Ziguinchor et Salif Sadio sont devenues très mauvaises du fait de leurs points de vue différents sur l’avenir de la Casamance.