CONFLIT DIPLOMATIQUE SUR LA LIGNE PARIS-DAKAR
Le feuilleton de l’interminable agenda de réalisation du TER a pris une nouvelle dimension avec les derniers propos de l’ambassadeur de France au Sénégal, le week-end dernier, au micro de RFM
Le feuilleton de l’interminable agenda de réalisation du Train express régional (TER) a pris une nouvelle dimension avec les derniers propos de l’ambassadeur de France au Sénégal. Interrogé à ce sujet dimanche dernier dans l’émission «Grand Jury» sur la radio Rfm, Philippe Lalliot avait répondu :
«(…) En avril, je ne pense pas qu’il puisse y avoir une mise en service commerciale du Ter. C’est en tout cas ce que me disent les entreprises françaises. Tout au plus, il peut y avoir des tests… » Ce qui est certain, c’est que cette infrastructure lourde sera une réalité, mais quand ? «Les Sénégalais verront le Ter circuler, mais ils devront attendre avant de pouvoir l’utiliser. Il faut encore attendre pour que le train roule à plein régime. (Il y a ) un système billeterie pour convoyer 100 000 personnes par jour. C’est de l’équipement informatique assez important… », avait expliqué le diplomate français.
Cette sortie a soulevé l’ire de la présidence de la République qui a fait monter au créneau Me Oumar Youm, ministre des Infrastructures, des Transports terrestres et du Désenclavement pour répondre aux allégations de M. Lalliot. Dans une note diplomatique adressée par canal diplomatique à son homologue français Jean-Baptiste Jebbari, secrétaire d’Etat en charge des Transports, il dénonce des «sorties maladroites et graves» considérées comme «des attitudes dommageables à un partenariat fondé sur le respect et la confiance », selon les extraits publiés par le quotidien L’Observateur.
Tenant à «manifester carrément le désagrément du ministère et de tout le gouvernement », Me Youm fustige l’immixtion de la France dans les relations contractuelles que le Sénégal a établies avec des entreprises privées (françaises) pour la mise en œuvre du Train express régional. A ses yeux, le Haut-représentant de la République Française au Sénégal «semble privilégier les intérêts des entreprises françaises qui (…) font peu cas du droit contractuel et des préoccupations des populations sénégalaises.»
L’entreprise Eiffage (ou Senac SA) a été chargée d’exécuter une grande partie des travaux du Train express régional. C’est elle-même qui gère l’autoroute à péage baptisée «Autoroute de l’avenir».
Il faut rappeler qu’en début décembre 2019, Me Oumar Youm, déjà dans les colonnes de L’Observateur, avait affirmé : «normalement, en avril 2020, on sera dans la phase effective de mise en service commerciale du Ter. » Mais auparavant : «A partir de décembre 2019, nous serons dans une phase de préparation de l’exploitation», cette étape «va prendre peut-être 4 à 5 mois en fonction des diligences qui doivent être apportées à cette préparation.»
Prudent, il avait néanmoins laissé la porte ouverte à ce que ce délai ne puisse être respecté : «un projet d’une telle envergure, avec ses implications technologies, ses exigences de sécurité, pose souvent des problèmes dans l’exécution, et, en raison de sa complexité, peut avoir un effet sur les délais. »
A l’instar de l’ambassadeur Lalliot, Me Youm avait pointé les mêmes facteurs pouvant retarder la mise en service du Ter: plan du transport, temps des trajets, fréquence et ponctualité des trains, recrutement et formation du personnel, mise en place des normes de sécurité et de sûreté sur toutes les lignes…
Inauguré en janvier 2019 par le chef de l’Etat, à quelques jours de l’élection présidentielle de février, le Train express régional a coûté jusqu’ici 700 milliards de francs Cfa, selon le ministre Youm. Et «peut-être que ça va augmenter», avait-il ajouté. D’autres sources non officielles chiffrent les investissements à plus de 1000 milliards de francs Cfa.