L'ANTI-MACRON PARISIEN EN TERRAIN CONQUIS À DAKAR
Après avoir été le principal soutien de l'opposant Ousmane Sonko durant ses années de bataille judiciaire, Jean-Luc Mélenchon se voit offrir les honneurs par celui qui est désormais Premier ministre. Un pied de nez cinglant à l'égard du président français
(SenePlus) - C'est une visite hautement symbolique que s'apprête à effectuer le leader de La France Insoumise (LFI) Jean-Luc Mélenchon au Sénégal du 14 au 18 mai. Accompagné d'une délégation, il a été invité par le nouveau Premier ministre Ousmane Sonko, dont le parti Pastef a remporté une victoire historique lors des élections législatives de juillet 2023.
"Nous avions été invités à l'investiture de Bassirou Diomaye Faye mais nous ne pouvions nous y rendre. Nous avons donc convenu de cette nouvelle date", explique Arnaud Le Gall, député LFI et membre de la délégation, cité par France 24.
Cette visite marque l'aboutissement d'"une vieille relation" selon Le Gall, LFI étant "la seule force politique française à s'intéresser sérieusement" au Pastef ces quatre dernières années. En effet, Mélenchon a apporté un soutien indéfectible à Ousmane Sonko lorsque celui-ci était encore dans l'opposition et subissait une répression judiciaire.
Dans une tribune en juin 2021 intitulée "Le Sénégal nous parle, sachons l'entendre", Mélenchon dénonçait déjà "l'instrumentalisation de la justice" par l'ex-président Macky Sall contre Sonko, alors accusé de viols. "Mélenchon multiplie les messages de soutien à celui qui, à ses yeux, incarne 'le Sénégal démocratique contre la loi du plus fort'", rapporte France 24.
"Il est clair que LFI est le seul parti qui a pris une position sans ambiguïté en faveur du Pastef durant cette période", confirme Alioune Sall, ministre de la Communication du nouveau gouvernement, cité par la même source.
Pour Arnaud Le Gall, ce soutien visait aussi à "faire comprendre aux Sénégalais que la France dans son ensemble ne cautionne pas la répression exercée par le pouvoir".
Un revers pour Macron ?
Au-delà du Pastef, cette visite est également perçue comme un camouflet à l'égard d'Emmanuel Macron, dont Mélenchon est un féroce adversaire politique. "Le Sénégal recevra donc le 'meilleur ennemi' de Macron, avant même Macron lui-même. Le message n'aurait pu être plus clair", note le journaliste Mouhamed Camara, cité par France 24.
Pourtant, le ministre Alioune Sall assure qu' "il y aura bien sûr une rencontre avec Emmanuel Macron même si, pour l'heure, rien n'a été fixé". Le président français avait félicité Bassirou Diomaye Faye après sa victoire électorale.
Reste que ce déplacement de Mélenchon conforte son image d'"autre voix de la France en Afrique", selon les mots d'Arnaud Le Gall. "Ici, Mélenchon est bien connu pour son soutien au leader du Pastef pendant les années de braise", confirme Alioune Tine, du centre Africajom, cité par France 24.
Pour d'autres observateurs comme le politologue Yoro Dia, ancien porte-parole de Macky Sall, cette visite fait planer le risque de voir "le Sénégal pétrolier (...) [devenir] un futur Venezuela", en référence à la politique prônée par Mélenchon.
Quoi qu'il en soit, la venue du tribun de LFI promet d'être un événement très suivi au Sénégal, où il apparaît désormais comme un proche du nouveau pouvoir, après avoir été l'un des principaux soutiens de l'opposition pendant la tempête judiciaire et politique qui a secoué le pays.