LES GRANDES MANŒUVRES DE MACKY SALL ET DE L’APR
Bien que physiquement absent du territoire national, l'ancien président tire les ficelles d'une opposition revitalisée. Son parti, après un moment de stupeur post-défaite, multiplie désormais les offensives contre le nouveau pouvoir
Malgré son absence du pays, l’ancien président Macky Sall ne s’est pas démarqué de la politique. A preuve par les hautes manœuvres en cours qui portent toutes son empreinte !
A l’image de tous les partis qui ont perdu le pouvoir, l’APR (Alliance Pour la République) a très mal vécu les premiers mois qui ont suivi la défaite de son candidat à l’élection présidentielle du 24 mars dernier. Comme tétanisé, ce parti s’est emmuré dans un lourd silence les premiers jours. Un mutisme de courte durée, toutefois, car, dès la formation du premier gouvernement du « Projet » et la nomination de directeurs généraux et présidents de conseils d’administration en remplacement de ses militants pour que le parti défait commence à se faire entendre. Depuis lors, les apéristes multiplient les attaques contre les nouveaux dirigeants du pays. Tantôt, ils s’en prennent au Premier ministre accusé de détenir trop de pouvoirs et d’être même le véritable président de la République, tantôt ils fustigent ses menaces à leur endroit ou en direction de secteurs comme la presse, s’ils ne flétrissent pas ses déclarations jugées maladroites. Parfois, c’est le chef de l’État lui-même qui fait l’objet de critiques acerbes venant des gens de l’ancien régime. Des attaques qui ont fini par installer un climat très tendu entre l’ancien parti au pouvoir et Pastef, la formation dirigée par Ousmane Sonko. Une tension exacerbée par la polémique sur la DPG (Déclaration de politique générale) du Premier ministre, la publication des rapports des corps de contrôle et, tout dernièrement, la polémique entre le ministre de l’Assainissement et le directeur général de l’ONAS sur fond d’accusations et de contre-accusations de corruption. Le pic de la tension politique a été atteint lorsque l’idée de la dissolution de l’Assemblée nationale a été agitée surtout à partir du moment où le chef de l’État a saisi le Conseil constitutionnel d’une demande d’avis sur la date à partir de laquelle il pourrait mettre fin à la présente législature. Depuis que les « 7 sages » ont indiqué la date du 12 septembre prochain, qui coïncide avec les deux années d’existence de la présente législature, les manœuvres politiques se multiplient entre les deux avec en toile de fond la préparation des prochaines législatives.
L’APR a-t-elle repris du poil de la bête ?
Après ses quelques sorties timorées post-défaite, sa défaite, l’APR a changé de fusil d’épaule. Elle a entrepris de remobiliser ses troupes et le premier jalon de son offensive en direction de l’opinion est la publication d’un «livre blanc» sur les réalisations du président Macky Sall, son leader, durant les douze années de son magistère. Au cours de la cérémonie de présentation de cet ouvrage, on a vu réapparaître des visages qui avaient disparu de la scène politique. Dopés par on ne sait qui, ces responsables de l’ancien régime ont tenu des discours musclés à l’endroit des nouvelles autorités. Cette journée de mobilisation intervenant juste après que le chef de l’État a saisi l’Assemblée nationale d’un projet de loi visant à dissoudre les institutions que sont le HCCT et le CESE, constituait-elle une réponse politique à cette initiative présidentielle ? Toujours est-il que l’APR et, plus généralement Benno Bokk Yaakar (BBY) ont remporté la première bataille de la guerre contre le président de la République et son Premier ministre puisque ledit projet de loi a été rejeté par l’Assemblée nationale où cette coalition dispose d’une majorité relative. D’ailleurs au cours des discussions qui ont précédé le vote, les députés de l’opposition — qui sont majoritaires au Parlement ! — n’ont pas raté le président de la République, son Premier ministre ainsi que tous les membres du gouvernement. Ils ont attaqué sans ménagement tout ce monde. Toutefois, c’est le Premier ministre Ousmane Sonko qui a été leur principale cible. On ne s’étonnera donc pas qu’en leur nom, Abdou Mbow, le président du groupe parlementaire de Benno Book Yakaar ait déposé en urgence ce mardi une motion de censure pour demander la dissolution du gouvernement. Compte tenu de tout ce qui précède, l’APR qui, depuis quelques temps, donnait l’impression d’être perdue, semble avoir retrouvé du poil de la bête au point de vouloir en découdre avec le nouveau pouvoir. Et s’il a remporté une victoire lundi dernier dans l’hémicycle tout en voulant donner l’estocade à son adversaire à travers une motion de censure, tout indique en réalité qu’il ne s’agit là que d’un baroud d’honneur, l’Etat étant beaucoup plus fort que ce parti en déroute qui joue son va-tout.
Que mijote Macky Sall ?
Loin du territoire depuis la perte du pouvoir, l’ancien président de la République ne s’est pas pour autant retiré de la politique. A l’heure actuelle, il continue de diriger son parti depuis l’étranger. Ce, malgré les fonctions de représentant du chef de l’État français qu’il exerce. Beaucoup de nos compatriotes avaient d’ailleurs dénoncé le fait que, d’alter ego du président Emmanuel Macron, il soit devenu son employé. Mais puisque ça ne le dérange pas… Dans tous les cas, Macky Sall ne donne pas l’impression de vouloir mettre fin à sa carrière politique. Mieux, il manœuvre, conçoit des stratégies et donne des instructions pour remobiliser ses troupes. C’est dans ce cadre qu’il a annoncé ce lundi la dissolution de la coalition Benno Bok Yakaar qu’il a créée et sur laquelle il s’est appuyé durant tout son magistère. Cette décision intervenue avant le vote du projet de loi portant dissolution d’institutions avait suscité beaucoup de commentaires sur son opportunité alors que des élections législatives pointent à l’horizon. Veut-il se séparer de ses alliés pour mieux peser le poids électoral de son propre parti ? Cherche-t-il à écarter les potentielles têtes de liste aux prochaines législatives pour mieux positionner son beau-frère Mansour Faye voire l’homme-lige de celui-ci, le président de l ‘Assemblée nationale Mansour Faye ?
En tout cas, l’ancienne Première ministre Mme Aminata Touré avaient averti tout dernièrement pour dire qu’elle ne serait pas surprise de voir Macky Sall être tête de liste de l’APR lors des prochaines échéances électorales. Ce vu ses manœuvres et sa forte implication dans la politique de notre pays même s’il donne l’impression de s’en éloigner. Après la publication en grande pompe du livre blanc sur son bilan, le retour en scène de certains cadres du parti, le rejet du projet de loi portant dissolution des deux institutions, les yeux sont rivés sur la motion de censure agitée par ses camarades. On attend de savoir, après tout cela, de savoir quel sera le tout prochain coup de poker que le joueur Macky Sall va poser. Mais également la riposte foudroyante du camp présidentiel !