LES JEUNES DANS LE DÉBAT PUBLIC
la jeunesse doit faire appel aux outils de son époque. "Aujourd'hui, les jeunes disposent de tout pour se faire entendre. Les réseaux sociaux et internet constituent un magnifique outil pour faire passer les messages", selon M. Kabo.
Dans le cadre de sa rubrique "Invité du mercredi", l’E-jicom a reçu le philosophe, enseignant-chercheur et politiste Peter Kabo. Ce dernier s'est penché sur le thème : "La place des jeunes dans le débat public".
Par ailleurs docteur en théologie et enseignant à l’ISM, entre autres casquettes, Peter Kabo a gratifié le public, venu nombreux ce mercredi à E-jicom, d'un véritable cours magistral sur la place des jeunes dans le débat public. Selon M. Kabo, la jeunesse a forcément son mot à dire sur le fonctionnement de la cité. "Nous avons une population majoritairement très jeune, dans le contexte sénégalais qui nous intéresse aujourd'hui, mais également partout ailleurs en Afrique. De facto, la voix de cette jeunesse compte à plus d'un titre. Par exemple, elle ne doit pas uniquement être la cible des politiques publiques de développement, mais aussi des acteurs à part entière. En outre, comme c'est la tendance actuellement, je tiens à préciser que le débat public n'est pas forcément un débat politique", a introduit Peter Kabo.
Poussant plus loin sa réflexion, le philosophe a invité les jeunes à se prémunir afin de s'approprier le débat public. "L'absence des jeunes dans le débat public est un fait. Cependant, les responsabilités peuvent être partagées, mais les premiers au banc des accusés sont ces mêmes jeunes. Ils doivent s'armer de science jusqu'à la moelle, comme disait Cheikh Anta Diop, s’ils veulent rendre leur voix audible et leurs arguments crédibles".
Selon M. Kabo, la jeunesse doit faire appel aux outils de son époque dans cette quête perpétuelle de place dans le débat public. "Aujourd'hui, les jeunes disposent de tout pour se faire entendre. Les réseaux sociaux et internet de manière générale constituent un magnifique outil pour faire passer les messages. Mais là encore, comment cette jeunesse utilise-t-elle ces moyens de communication ? Dans le contexte africain, sénégalais, le constat est que le buzz, le sensationnel, prime sur tout le reste. Pour rester au Sénégal, les 100 premiers jours du président Diomaye à la tête du pays auraient mérité un commentaire qui porte une signature, disons, juvénile".
Un peu critique cette fois, l'enseignant a laissé entendre que les actes de vandalisme n'étaient pas le canal idéal pour lancer un message. Par ailleurs, pour Peter Kabo, une certaine culture et se départir de la partisanerie politique sont essentiels pour que les jeunes puissent décortiquer les discours des uns et des autres. "On a une jeunesse assez fougueuse, messianique, sans le recul nécessaire pour analyser les discours et autres programmes des hommes politiques. Le malheur est qu'on a tendance à prendre parti sans prendre la peine d'écouter l'autre. Cette posture est nécessairement hostile à tout débat d'idées. Et quand on n'échange pas, on a malheureusement tendance à contester. Cette forme d'expression n'est pas toujours la meilleure, car souvent teintée de violence, comme on l'a constaté ces trois, quatre dernières années".
S'intéressant uniquement à la question des jeunes filles, le philosophe, après avoir constaté leur quasi-absence dans le débat public, s'est ensuite montré optimiste par rapport à la dimension qu'elles pourraient prendre dans un futur proche. "Nos sociétés sont façonnées de telle sorte que les femmes sont cloîtrées au foyer. Mais fort heureusement, cette tendance change de plus en plus. Le constat est là : de nos jours, les jeunes garçons quittent assez tôt l'école s'ils ne s'instruisent tout simplement pas. Dans le même temps, les filles ont développé au fil des années cet amour pour les études et obtiennent de meilleurs résultats. À ce rythme, le poids de la population féminine dans le débat public sera certainement revu à la hausse". Toutefois, estime M. Kabo, il y a toujours un préalable, un pas à franchir, c'est-à-dire une "prise de conscience des femmes".