MAIS QUE DIABLE ETAIENT-ILS ALLES FAIRE DANS CETTE GALERE ?
A un mois de la tenue de l’élection présidentielle et après la publication définitive de la liste des candidats, à quoi peut-on s’attendre à l’issue de cette rencontre ?
Une partie des candidats se sentant spoliés a été reçue hier en audience par le chef de l’État au palais de la République. A un mois de la tenue de l’élection présidentielle et après la publication définitive de la liste des candidats, à quoi peut-on s’attendre à l’issue de cette rencontre ?
En juin dernier,s’est tenu au palais de la République un dialogue national initié par le chef de l’État en présence d’une partie des forces vives de la nation pour discuter sur les questions de l’heure. Mais au finish, le dernier groupe nominal au pluriel a été conjugué au singulier pour devenir «la question de l’heure» car le seul et véritable sujet qui a été soulevé à ce conclave était d’ordre politique. La preuve, tous les intervenants à cette rencontre, à quelques exceptions près, avaient axé leurs interventions soit sur le troisième mandat, le processus électoral ou l’organisation d’une élection transparente mais surtout inclusive. Ce parce que, dans le contexte de l’époque, des candidats étaient frappés d’inéligibilité parmi lesquels les plus importants étaient Karim Wade et Khalifa Sall. Ces deux poids lourds, écartés de l’élection présidentielle de 2019, ne pouvaient être réintégrés dans le fichier qu’après une révision du code électoral, ce qui supposait le vote d’une loi en ce sens par l’Assemblée nationale. Quant au chef de l’Opposition, Ousmane Sonko, même s’il n’était pas dans le même cas que l’ex-maire de Dakar et le fils du président Wade, il courait le risque de se voir éliminer de la course par ses deux procès alors en cours à savoir celui pour accusation de viol et un autre de diffamation sur plainte du ministre du Tourisme Mame Mbaye Niang. Le contexte du dialogue dit national intervenait après la forte percée de l’opposition dans l’hémicycle à l’issue des législatives de juillet 2022 à l’issue desquelles les coalitions Yewwi Askan Wi et Wallu, réunies, avaient frôlé la majorité absolue. L’ancienne majorité avait alors échappé de très peu à la cohabitation. Il fallait donc pour le président Macky Sall freiner cette dynamique qui s’avérait redoutable pour la conservation du pouvoir par la coalition Benno Bokk Yaakar dont il est le chef. Ce qui supposait affaiblir et mettre hors d’état de nuire le leader Pastef, devenu incontestablement le principal adversaire du régime. C’est pourquoi, ayant très tôt compris le danger qu’il encourait en allant répondre à la main tendue du président de la République, Ousmane Sonko avait tout bonnement décliné l’invitation de participer à ce dialogue. Il avait été suivi dans son attitude par d’autres opposants. Mais Khalifa Sall et Karim Wade, ne voulant pas rater cette opportunité jugée unique de revenir dans le jeu politique, et surtout de participer à l’élection présidentielle, avaient eux accepté de prendre part à ce conclave. Et finalement, les décisions issues de ce dialogue ont été taillées sur mesure pour leur permettre d’être dorénavant électeurs et éligibles.
Audience au palais : aubaine ou démarche républicaine ?
A l’issue des travaux du dialogue, l’Assemblée nationale a été saisie d’un projet de loi de modification du code électoral. Son adoption a permis au candidat du Pds et au leader de Taxawu Senegal de recouvrer tous leurs droits politiques. Ousmane Sonko, isolé, voyait ses chances de revenir dans le jeu hypothéquées tandis que la coalition Yewwi se disloquait. Si tel n’était pas le but recherché par le dialogue, ça y ressemblait fort. Il en a été ainsi jusqu’à la période de dépôt des candidatures pour la présidentielle. Le Conseil constitutionnel, après avoir procédé au contrôle des parrainages, a déclare recevables 21 dossiers sur les 93 du départ. Les recalés, qui préfèrent se qualifier de «spoliés», ruent dans les brancards et entreprennent une campagne de dénonciation médiatique. Dénonçant toute une série de dysfonctionnements, ils mettent en place un collectif regroupant tous les candidats lésés par le contrôle des parrainages.
Sept candidats ayant réussi à passer le cap des parrainages leur apportent d’ailleurs leur soutien. Après avoir introduit des recours au niveau du Conseil constitutionnel — qui n’ont pas connu de suite favorable — , ces concurrents malheureux décident d’adresser une correspondance au président de la République en sa qualité, ont-ils précisé, de gardien de la Constitution et clé de voûte des institutions. Ils demandent à Macky Sall d’user de ses prérogatives afin qu’ils soient remis dans leurs droits. Cette interpellation par voie épistolaire installe la polémique sur la scène politique mais ses initiateurs précisent toutefois que leur démarche ne s’inscrit que dans une logique d’inviter le destinataire de la lettre à faire en sorte que le processus électoral fasse l’objet d’un consensus pour des élections libres et transparentes. Et coup de théâtre. Saisissant cette opportunité, le président de la République décide de recevoir le collectif en audience pour discuter sur les questions évoquées dans sa lettre. Pour la première fois depuis le dialogue dit national et à un mois seulement de la tenue de la mère des élections, le Président Macky Sall accepte de parler avec une partie de l’opposition sur sa demande même si c’est en ordre dispersé.
Les craintes d’un probable report...
A un moment où le processus électoral devant mener à la présidentielle du 25 février prochain est considéré comme irréversible, la liste définitive des candidats publiée, les états-majors en pleine préparation de la campagne électorale, une large partie de l’opinion se demande ce qu’une rencontre avec le président de la République pourrait apporter de nouveau ! N’est-ce pas ces candidats «spoliés» qui soutenaient qu’en l’espace de quelques heures le Conseil constitutionnel pouvait revoir leurs dossiers et procéder à la correction des défaillances techniques du logiciel de contrôle qui les a éliminés ? Si cette demande n’a pas été acceptée par le Conseil constitutionnel en quoi l’intervention du chef de l’État pourrait-elle changer la donne ? A moins qu’il ne puisse donner des ordres aux sept sages. Et dans ce cas, il n’y aurait pas preuve plus patente de son implication dans le fonctionnement de la justice. De toutes les façons, on reste à l’écoute du palais de la République pour en savoir plus sur ce qui va filtrer de cette rencontre. Toutefois et comme le soutiennent certains, ces discussions ne manquent pas de nourrir des suspicions quant à un possible report de l’élection présidentielle. Ce parce que ce débat a déjà été soulevé par un membre de l’opposition et repris par d’autres de la mouvance présidentielle. Des sorties qui avaient fait penser que c’est le régime qui serait derrière ces demandes de report pour se donner les moyens de mieux préparer son candidat. Ou pour changer celui-ci au profit d’un cheval censé avoir plus de chances de gagner. Et puis, après la validation de la candidature des pions de Ousmane Sonko, tout porte à croire que les craintes de perte du pouvoir se font sentir au niveau du pouvoir en place. D’où des manœuvres pour tenter de décaler la date des élections en prendre comme prétexte fallacieux la nécessité de révision du processus électoral sur demande d’une partie de l’opposition. Même si on n’en est pas encore là, admettons qu’un tel scénario se produise. Est-ce que des candidats déjà retenus ne vont pas évoquer les mêmes prétextes pour exiger d’être remis à leur tour d’être dans leurs droits ? Ce qui va encore nous installer dans une éternelle contestation électorale. En plus tout le compteur sera remis à zéro, le mandat du chef de l’État en cours prolongé, des dossiers judiciaires de candidats vidés entre temps...
Il est des moments de la vie d’une nation où, au nom de l’intérêt général, les acteurs politiques doivent se sacrifier au profit de l’intérêt général des populations. A un moment aussi crucial de la vie de notre pays qui se trouve dans un tournant décisif pour son avenir, les dés pour le choix de celui qui aura en charge les destinées de notre pays au cours des cinq prochaines années sont déjà jetés. Plus question de nous replonger dans un ersatz de «dialogue bis» dont les contours aussi abscons qu’alambiqués ne profiteront qu’à une infime minorité. Le «vingt» (allusion au nombre de candidats retenus et pour emprunter au joli titre de nos confrères de l’OBS) étant déjà tiré…