PAS DE TRANSFORMATION SYSTÉMIQUE SANS REFONDATION INSTITUTIONNELLE
Porteur d'ambitions de changement, le nouvel exécutif est contraint d'avancer sur plusieurs fronts pour matérialiser sa vision et contrer les assauts de l'opposition
Un peu plus d’un mois après la constitution du gouvernement issu de la Coalition Diomaye Président, l’espoir, dont se réclamait frauduleusement l’ancienne majorité et qui s’était progressivement éteint, est en train de renaître. Certes, tout n’est pas pour le mieux, dans le meilleur des mondes, mais il y a quelques signes encourageants comme l’angle de traitement de questions aussi sensibles que la reddition des comptes, la question foncière y compris l’occupation illégale du domaine public maritime, la campagne agricole, les contrats de pêche, la question panafricaine…
Des efforts ont été faits pour ce qui est de la taille du gouvernement, même si des malentendus persistent, avec certains pans de l’élite féminine, sur le niveau de la représentation féminine dans l’Exécutif.
On ne peut manquer d’évoquer ces actes ambigus posés sur la question religieuse, pourtant clairement tranchée par le peuple, lors des différentes consultations électorales, depuis plusieurs années.
Pendant ce temps, les larges masses laborieuses, tout en mesurant l’ampleur de la tâche et conscientes, que l’équipe de Diomaye-Sonko n’en est qu’à ses premiers pas, se félicitent de ces courageuses mesures. Il n’y a que quelques mercenaires de la plume, dont certains voient leurs noms cités dans des scandales économiques et surtout fonciers, qui se muent en donneurs de leçons, accusant les nouvelles autorités de reniement de leurs engagements préélectoraux et continuant de les diaboliser, de plus belle, malgré le désaveu subi par leur camp politique.
Ce faisant, ils font semblant d’oublier, que c’est la résistance farouche du duo Sonko-Diomaye, à l’arbitraire du pouvoir de Benno-APR, qui a réussi à torpiller le scénario de la troisième candidature de Macky Sall et permis l’obtention de succès électoraux successifs jusqu’à l’admirable victoire à la présidentielle du 24 mars 2024.
Il s’agit, à présent, de passer du moment révolutionnaire de sédition au geste constitutionnel, par lequel le peuple consacre une nouvelle loi fondamentale, porteuse de rupture, instaurant la nouvelle ère de l’antisystème.
Car ne nous y trompons pas ! La marge de manœuvre du nouveau pouvoir reste étroite.
A première vue, le score flatteur engrangé par le président de la Coalition Diomaye Président ne laisse aucun doute sur la volonté du peuple de soutenir cette ambition de rupture d’avec la domination néocoloniale, marque de fabrique du Pastef, toutes ces dernières années.
Néanmoins, on ne peut manquer de noter une discordance entre l’influence politique considérable qu’exerce le Pastef sur la scène politique nationale et son niveau organisationnel mis à mal par la répression féroce et aveugle qu’il a subi. Il n’est pas exagéré de dire que les cadres du parti et plusieurs militants ne sont en fait que des rescapés de la machine carcérale étatique digne des pires dictatures.
De telle sorte qu’au vu des nobles ambitions annoncées, en termes de libération nationale et sociale, il y a lieu d’une part à ratisser encore plus large au sein de segments de la classe politique, acquis aux principes de la rupture avec l’ordre ancien et d’autre part à emmener le peuple à s’approprier des idéaux de souveraineté nationale, de respect des droits et libertés et de justice sociale.
N’oublions pas également que le parlement reste encore sous le contrôle de l’ancienne majorité du Benno-APR.
Ainsi, les prochaines législatives risquent d’être pleines d’incertitudes, d’autant plus difficiles pour le camp patriotique, qu’il ne devrait pas s’agir, cette fois-ci, de faire dans la continuité.
Pour rappel, on a assisté, lors de nos deux premières alternances, en 2000 et 2012, au « déménagement » massif ou transhumance de barons politiques et autres porteurs de voix, de l’ancien pouvoir vers le nouveau. De plus, les pouvoirs Sopi et Benno Bokk Yakaar n’ont pu disposer de majorités confortables au Parlement, que grâce au fameux système inique du raw gaddu consistant à privilégier le scrutin majoritaire à un tour par rapport à celui proportionnel. Cela leur permettait d’engranger un nombre d’élus sans commune mesure avec le pourcentage de voix obtenues.
Ainsi, lors de la deuxième alternance de mars 2012, quelques mois après son accession au pouvoir, lors des législatives du 1er juillet, la méga-coalition Benno Bokk Yakaar, perdait 12 points par rapport à son score aux présidentielles, avec 53,06% mais engrangeait 119 sièges. En avril 2001, le régime libéral était même devenu minoritaire avec 49,6%, des voix, en termes de vote populaire, mais recueillait quand même 89 députés.
Si le pouvoir Pastef et ses alliés veulent consolider leur nouveau pouvoir déjà victime de multiples assauts de la part d’anciens dignitaires du défunt régime de Benno Bokk Yakaar et de leurs auxiliaires, ils ne devraient plus pouvoir compter sur les vieilles recettes du système honni et se trouveraient donc obligés de résoudre des équations politiques très ardues. C’est dire que pour réussir la « transformation systémique », les nouvelles autorités n’y arriveront pas seulement, avec des mesures parcellaires, disparates et des experts technocrates.
Elles sont obligées de miser sur l’aboutissement heureux de la refondation institutionnelle, comme première étape, vers la matérialisation des autres composantes de l’héritage des Assises nationales.