À ZIGUINCHOR, SONKO EN TERRAIN CONQUIS
De 3000 voix en 2017 à 75% des suffrages en 2024, l'ascension du chef de Pastef dans la ville est vertigineuse. Le Premier ministre y règne aujourd'hui en maître absolu. Un contraste saisissant avec la situation de ses opposants
(SenePlus) - En cette mi-novembre 2024, à l'approche des élections législatives, la ville de Ziguinchor offre un spectacle politique sans équivoque. D'après un reportage de Jeune Afrique (JA), le Premier ministre Ousmane Sonko y vise un score quasi unanime, entre "90 et 95%" des suffrages, une ambition que même ses proches jugent "un brin exagérée", tout en souriant.
La dixième ville du Sénégal n'est pas un territoire comme les autres pour le leader du Pastef. C'est ici qu'il a grandi, ici qu'il fut élu maire en janvier 2022, avant sa démission en mai dernier pour endosser ses fonctions de Premier ministre. Selon JA, sa progression électorale y est spectaculaire : de modestes débuts avec 3000 voix aux législatives de 2017, il est passé à 57% à la présidentielle de 2019, avant que son dauphin Bassirou Diomaye Faye n'atteigne les 75% en mars dernier.
Le contraste avec ses opposants est saisissant. La tête de liste adverse, Charlotte Dior Gomis, mène une campagne laborieuse. L'hebdomadaire panafricain rapporte une scène révélatrice : lors d'une réunion électorale, une seule militante était présente, attendant "depuis une heure" au point de rendez-vous. La candidate elle-même reconnaît sa surprise d'avoir été investie : "J'ai déposé mon dossier sans penser que je pourrais être investie tête de liste !"
Au cœur des enjeux figure la loi d'amnistie votée en mars. Lors de son passage à Ziguinchor, Sonko a été catégorique : "Ce qui nous intéressait, c'était de sortir les enfants de prison, pas de créer l'impunité pour les assassins", rapporte Jeune Afrique. Cette promesse d'abrogation résonne particulièrement dans une ville marquée par les violences de 2023.
L'histoire tragique de Souleymane Sano illustre la complexité de la situation. Ce militant du Pastef, tué à 25 ans lors d'une manifestation en juin 2023, est devenu un symbole. Son père, également membre du parti, soutient paradoxalement la loi d'amnistie qu'il souhaite voir abrogée. Selon le reportage, il votera pour le pouvoir avec un objectif précis : permettre au Pastef d'obtenir "la majorité absolue" nécessaire à la suppression de cette loi.
Le passage de Sonko à la mairie fait l'objet d'analyses contrastées. Sur les douze chantiers promis, seuls deux ont été lancés, "mineurs" selon son ancien adjoint Djibril Sonko. Ses partisans mettent en avant un "bilan immatériel", notamment la rebaptisation des rues pour "restaurer la dignité nationale", bien que certaines aient depuis retrouvé leur nom d'origine par décision préfectorale.
Le climat politique actuel contraste avec les tensions passées. Seydou Ousseynou Mandiang, coordinateur du parti à Ziguinchor, se réjouit : "Cette campagne, c'est une fête pour nous. Il y a tellement plus de sérénité que lors des campagnes précédentes, marquées par les intimidations et la violence."