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18 avril 2025
Développement
Par Mohamed GUEYE
CULTIVER ENFIN LA TRANSPARENCE
Les promesses du nouveau régime sénégalais se heurtent à une réalité plus complexe que prévu. Les députés de Pastef s'agitent autour des nominations pendant que le pays s'interroge sur sa direction
Hier, au moment où les députés de Pastef captaient l’attention de l’opinion autour d’une guerre de postes et de nominations, le pays ne cessait de se perdre en conjectures sur la direction vers laquelle la gouvernance du président Diomaye Faye nous menait. Si le nouveau régime politique a promis bien de choses au peuple, personne n’a encore vraiment noté de changement véritable. Parfois même, on a plus l’impression que les choses sont en train de régresser.
Les pluies, l’agriculture, l’économie…
Juste pour illustrer, le pays a connu cette année des inondations parmi les plus terribles qu’il ait jamais connues au cours des deux dernières décennies. Une bonne partie de l’arrière-pays a été inondé, et on a compté même des morts, emportés par le débordement des eaux du fleuve Sénégal. Si la ville de Touba n’a pas été épargnée, c’est à peine si certains ont pu noter que la capitale Dakar a eu à se plaindre d’un trop-plein d’eaux de pluie cette année. Il aurait été délicat de le rappeler, si l’on ne voulait pas magnifier le travail accompli par le Président Macky Sall pour en finir avec les inondations. Au contraire, c’est beaucoup plus gratifiant de tourner en dérision les plus de 766 milliards de francs Cfa prétendument gaspillés sous le prétexte de lutte contre les inondations. Ce programme décennal de lutte contre les inondations avait été remis en cause il y a deux ans, après de fortes inondations dont la commune de Keur Massar avait été victime. Pourtant, il n’a pas fallu longtemps pour démontrer que les ouvrages d’assainissement avaient fait l’objet de sabotage. Des personnes malintentionnées avaient délibérément bloqué les ouvrages d’écoulement des eaux de pluie, afin manifestement de provoquer des inondations. Et cela avait été réussi. Maintenant que les motifs politiques de ces sabotages ont disparu, la commune n’a plus revécu cette année, la hantise de fortes pluies d’hivernage.
Mais dans les zones qui n’avaient pas été concernées par ce programme, l’histoire a été bien différente. Au point que le ministre de tutelle a dû sortir, sous forme de pirouette, que l’hivernage de cette année n’était «pas (leur) hivernage»… Les victimes ont dû apprécier.
Mais il n’y a pas que la gestion de la pluie. Dans ces colonnes, nous nous sommes intéressés plusieurs fois à la préparation et la gestion de l’actuelle campagne agricole, pour affirmer que les paysans ne se retrouvaient pas dans les déclarations triomphatrices de la tutelle. Tout le monde se rend compte maintenant, avec le démarrage de la compagne de commercialisation de l’arachide, que les prévisions les plus pessimistes sont en train d’être dépassées. Il suffit, pour s’en convaincre, de se rendre compte que le ministre de l’Agriculture et son homologue du Commerce sont revenus sur leur décision d’interdire l’exportation de l’arachide. La mesure aurait d’ailleurs été très difficile à mettre en œuvre, malgré la mobilisation des Forces de défense et de sécurité (Fds) dont ce n’est d’ailleurs pas le rôle.
Sonko et ses chiffres falsifiés
Ne parlons pas non plus des agrégats macro-économiques. Au mois de septembre dernier, le gouvernement, avec le Premier ministre Sonko en tête, a déclaré que les chiffres de l’économie, sur lesquels les prévisions budgétaires ont été établies, et qui ont été présentés à ce jour aux partenaires économiques et financiers, étaient tous «falsifiés», et que la situation économique du pays était profondément dégradée. La conséquence de ces déclarations ne s’est pas fait attendre. La grande partie des financements espérés des partenaires, même du Fonds monétaire international, a été gelée. Tout le monde retient ses fonds, le temps de voir la direction que le pays prend. Au point que l’on voit sur les réseaux sociaux une vidéo où M. Sonko reconnaît que ses déclarations alarmistes sur l’économie du pays «ont contribué à inquiéter les partenaires, et rendu la situation encore plus difficile». Sans doute un faible moment de lucidité…
Qui cache le rapport trimestriel d’exécution budgétaire du 3ème trimestre ?
La question qui se pose est qu’il faudra que la Cour des comptes publie bientôt son rapport sur la gestion budgétaire 2023, qui correspond à la dernière gestion du régime de Macky Sall. On verra alors si cette institution prendra le contre-pied des décisions qu’elle a annoncées durant les douze années du mandat de Macky Sall, et viendra renforcer les déclarations de l’actuel gouvernement. Ou si la Cour des comptes va réaffirmer son indépendance et produire un rapport en droite ligne de ce qu’elle a toujours produit, et qui traduit l’intégrité de la gestion des finances du pays.
En attendant d’en savoir plus, on se rend compte que le gouvernement actuel a décidé de verser dans le dilettantisme. Contrairement aux bonnes habitudes auxquelles on a été habitués à ce jour, il n’a toujours pas publié le Rapport trimestriel d’exécution budgétaire, pour le troisième trimestre. Le rapport aurait dû être publié depuis le mois de septembre dernier. A ce jour, sur les sites du ministère des Finances et du budget, aucune information n’est donnée sur cette lacune. Le dernier document du genre date de juillet dernier. Or, la publication de ce document est prévue par la loi. D’ailleurs, il est toujours indiqué que «le présent rapport est préparé en application de l’article 70 de la loi organique n° 2020-07 du 26 février 2020 relative aux lois de finances et publié conformément aux dispositions prévues au point 6.6 de l’annexe à la loi n° 2022-12 du 27 décembre 2022 portant Code de transparence dans la gestion des Finances publiques».
Les mauvaises langues diraient sans doute que le gouvernement a des choses qu’il ne souhaiterait pas communiquer au public en ce moment. Car si l’on se réfère au document précédent, on voit que le niveau d’exécution budgétaire n’est pas aussi catastrophique, pour une «économie en ruine», selon les termes du chef du gouvernement. On note en effet, dans le Rapport d’exécution du second trimestre, que «comparées au deuxième trimestre 2023, les ressources du budget général ont évolué à la hausse de 79, 14 milliards F Cfa en valeur absolue, soit 4, 3% en valeur relative. Cette hausse est imputable aux ressources internes (+99, 83 milliards F Cfa, soit +5, 7%) grâce au bon niveau de recouvrement des recettes fiscales (+121, 60 milliards F Cfa, soit +7, 5%), notamment des impôts directs et indirects qui ont respectivement augmenté de 77, 18 milliards F Cfa (soit 10, 7%) et 38, 00 milliards F Cfa (soit 4, 1%), par rapport à l’année précédente». Tout le reste du document est dans la même veine. Si dans l’intervalle, la situation s’est fortement dégradée, le gouvernement devra alors de bonnes explications au Peuple. Et même au contraire, si elle devenait encore plus dramatique, les pouvoirs publics pourraient toujours encore chercher à enfoncer leurs prédécesseurs, et trouveront toutes les explications qui leur passeront par la tête.
On peut imaginer que les choses leur seront rendues encore plus faciles, maintenant que l’Assemblée a pris fonction. Mais les députés savent aussi que leur priorité sera de voter rapidement le budget qui va accélérer la mise en œuvre de la Vision 2050, le Pse du tandem Diomaye-Sonko. Ils ne doivent pas traîner les pas, car ils connaissent les urgences du pays. Et surtout, s’il y a un conseil à leur donner, c’est de réellement encourager la promotion de la transparence, afin d’encourager le monde des affaires à retrouver la confiance en ce pays.
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LE GRAND TRI DANS LES MÉDIAS
Sur les 380 médias inscrits sur la plateforme nationale, seuls 112 répondent actuellement aux normes en vigueur. Les médias non conformes devront rapidement se mettre aux normes sous peine de sanctions, incluant l'interdiction d'exercer
Le ministre de la Communication, Aliou Sall, a tenu ce matin un point de presse pour annoncer la publication de la liste provisoire des médias conformes aux dispositions du Code de la presse. Cette initiative s’inscrit dans la dynamique du gouvernement visant à assainir le secteur des médias au Sénégal, à améliorer les conditions de travail des journalistes et des jeunes reporters, et à impulser une nouvelle dynamique dans le paysage médiatique du pays.
Avant de dévoiler la liste des médias conformes aux normes, le ministre a d’abord dressé un état des lieux du secteur, rappelant la volonté du gouvernement d’accompagner ce dernier. En 2023, 535 organes de presse ont exprimé leur intérêt pour accéder au Fonds d’Appui et de Développement de la Presse. Cependant, malgré cette forte demande, la situation demeure préoccupante. En effet, la loi sur la presse stipule que toutes les structures médiatiques doivent disposer d’une autorisation délivrée par le ministère de la Communication. À ce jour, aucune structure ne respecte cette exigence légale.
Cette absence d’autorisation a contribué à la déliquescence de l’environnement économique des médias. Les acteurs du secteur se trouvent dans une situation de précarité sociale et économique, alimentée par la prolifération de “mercenaires” de l’information qui ne respectent ni les standards professionnels, ni les règles éthiques.
Le ministre est également revenu sur la chronologie des concertations ayant abouti à la publication de la liste officielle des médias. Il a souligné qu’il s’agissait d’une démarche collégiale impliquant tous les acteurs du secteur.
Les efforts du ministère pour réguler et assainir le secteur
Dans ce contexte, Aliou Sall a réaffirmé la volonté du ministère de la Communication de réguler le secteur afin de le rendre plus transparent et professionnel. La publication de la liste provisoire des médias conformes s’inscrit dans une démarche de renforcement des normes, dans le but de garantir un environnement médiatique fiable et respectueux des normes en vigueur.
Parmi les 380 médias inscrits sur la plateforme de déclaration des médias du Sénégal, 112 ont été jugés conformes au Code de la presse. Cette liste comprend :
• 10 chaînes de télévision
• 14 journaux imprimés
• 17 stations de radio
• 11 radios communautaires
• 6 Web TV
• 54 sites d’information en ligne
Les médias non conformes auront la possibilité de se rapprocher des services du ministère pour se mettre en conformité, sous peine de sanctions sévères. Des mesures sont en effet prévues pour interdire leur fonctionnement, notamment l’interdiction d’impression pour la presse écrite, l’arrêt de diffusion pour les médias audiovisuels par la Commission Nationale de Régulation de l’Audiovisuel (CNRA), ainsi que l’impossibilité d’accéder à la communication commerciale de l’État. Il est également recommandé aux entreprises privées de ne pas diffuser de publicités dans ces médias, sous peine de sanctions, y compris des poursuites en vertu de la loi sur le blanchiment d’argent.
Réformes en vue pour transformer le secteur des médias
Le ministre Aliou Sall a également mis en avant plusieurs réformes destinées à insuffler une nouvelle dynamique dans le secteur des médias. Parmi les initiatives annoncées figure la réforme du Code de la presse, visant à moderniser les lois et les pratiques en matière de liberté de la presse et de régulation. La révision du Code de la publicité fait également partie des priorités, afin de mieux encadrer la distribution des publicités et garantir une meilleure transparence dans le financement des médias.
Une autre mesure phare est la création d’un fonds de développement pour la production audiovisuelle, destiné à soutenir la production de contenu de qualité au Sénégal. Le ministère prévoit également de réorganiser les conventions entre l’État et les médias, afin de diriger le financement public vers la production de contenus médiatiques de qualité et de renforcer l’indépendance éditoriale des organes de presse.
Les réformes envisagées devraient aussi permettre la mise en place de leviers de financement additionnels, afin de diversifier les sources de financement et d’offrir un soutien tangible aux médias sénégalais. Cela inclut la révision des mécanismes d’accès au fonds d’appui à la presse, qui sera désormais destiné en priorité aux médias respectant les critères de conformité, en mettant l’accent sur la qualité de la production et la viabilité économique des structures médiatiques.
Le ministre a insisté sur le fait que l’État assume pleinement ses responsabilités pour garantir un environnement médiatique plus structuré, tout en encourageant les acteurs du secteur à se conformer aux normes afin de bénéficier des opportunités offertes par ces réformes.
LA QUINZIÈME LÉGISLATURE DÉVOILE SA STRUCTURE DIRIGEANTE
Sous la direction du président Malick Ndiaye, l'institution met en place une équipe dirigeante composée de dix-sept membres, répartis entre la présidence, les vice-présidences, le secrétariat et la questure
L’Assemblée nationale du Sénégal, dirigée par le député Malick Ndiaye, a élu lundi un nouveau bureau à la suite d’intenses débats au cours d’une longue journée d’installation de la quinzième législature, a constaté l’APS.
Voici la composition du nouveau bureau de l’Assemblée nationale
L'ancien député Abass Fall est nommé ministre du Travail, tandis que Yankhoba Diémé hérite du portefeuille des Transports. Cette nouvelle configuration préserve la stabilité d'un gouvernement toujours sous la conduite du Premier ministre Ousmane Sonko
Le président de la République a procédé à un réaménagement du gouvernement consistant à nommer l’ancien député Abass Fall ministre du Travail, de l’Emploi et des Relations avec les institutions, en remplacement de Yankhoba Diémé, lequel va s’occuper désormais des Infrastructures, des Transports terrestres et aériens.
M. Diémé remplace Malick Ndiaye, qui été élu président de l’Assemblée nationale, lundi.
Voici la liste des membres du nouveau gouvernement :
monsieur Ousmane Sonko, Premier ministre ;
monsieur Ahmadou Al Aminou Lo, ministre, secrétaire général du gouvernement ;
madame Yassine Fall, ministre de l’Intégration africaine et des Affaires étrangères ;
Général Birame Diop, ministre des Forces armées ;
monsieur Ousmane Diagne, ministre de la Justice, Garde des Sceaux ;
Général Jean Baptiste Tine, ministre de l’Intérieur et de la Sécurité publique ;
monsieur Birame Souleye Diop, ministre de l’Énergie, du Pétrole et des Mines ;
monsieur Abdourahmane Sarr, ministre de l’Économie, du Plan et de la Coopération ;
monsieur Cheikh Diba, ministre des Finances et du Budget ;
monsieur Yankhoba Diémé, ministre des Infrastructures, des Transports terrestres et aériens ;
monsieur Daouda Ngom, ministre de l’Environnement et de la Transition écologique ;
monsieur Amadou Moustapha Njekk Sarré, ministre de la Formation professionnelle (Porte-parole du Gouvernement) ;
monsieur Cheikh Tidiane Dièye, ministre de l‘Hydraulique et de l’Assainissement ;
monsieur Alioune Sall, ministre de la Communication, des Télécommunications et du Numérique ;
monsieur Elhadj Abdourahmane Diouf, ministre de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation ;
monsieur Serigne Guèye Diop, ministre de l’Industrie et du Commerce ;
madame Fatou Diouf, ministre des Pêches, des Infrastructures maritimes et portuaires ;
madame Maïmouna Dièye, ministre de la Famille et des Solidarités ;
monsieur Abass Fall, ministre du Travail, de l’Emploi et des Relations avec les institutions ;
monsieur Balla Moussa Fofana, ministre de l’Urbanisme, des Collectivités territoriales et de l’Aménagement des territoires ;
monsieur Moustapha Mamba Guirassy, ministre de l’Éducation nationale ;
monsieur Ibrahima Sy, ministre de la Santé et de l’Action sociale ;
monsieur Olivier Boucal, ministre de la Fonction publique et de la Réforme du Service public ;
madame Khady Diène Gaye, ministre de la Jeunesse, des Sports et de la Culture ;
monsieur Mabouba Diagne, ministre de l’Agriculture, de la Souveraineté alimentaire et de l’Élevage ;
monsieur Alioune Dione, ministre de la Microfinance, de l’Économie sociale et solidaire ;
monsieur Mountaga Diao, ministre du Tourisme et de l’Artisanat ;
monsieur Amadou Chérif Diouf, secrétaire d’État aux Sénégalais de l’extérieur ;
monsieur Ibrahima Thiam, secrétaire d’État au Développement des PME/PMI ;
monsieur Momath Talla Ndao, secrétaire d’État à l’Urbanisme et au Logement ;
monsieur Alpha Ba, secrétaire d’État aux Coopératives et à l’Encadrement paysan ;
monsieur Bacary Sarr, secrétaire d’État à la Culture, aux Industries créatives et au Patrimoine historique.
LE MONDE DÉNONCE L'AVEUGLEMENT FRANÇAIS EN AFRIQUE
Dans un éditorial cinglant, le journal souligne l'inadéquation de la réponse française face aux évolutions du continent, critiquant notamment la nomination tardive d'un envoyé spécial dont le rapport vient d'être rendu caduc
(SenePlus) - La France vient d'essuyer un double revers diplomatique majeur en Afrique, révélateur des limites de sa stratégie sur le continent. Comme le rappelle l'éditorial du Monde du 2 décembre 2024, le Tchad et le Sénégal ont simultanément signifié leur volonté de mettre fin à la présence militaire française sur leur territoire, marquant ainsi un tournant historique dans les relations franco-africaines.
D'après le quotidien français, la coïncidence des annonces est particulièrement significative. Le Tchad a rompu son accord de défense avec la France le 28 novembre, tandis que le Sénégal exprimait sa volonté de voir partir les militaires français. Le Monde souligne que les deux pays invoquent des motivations similaires, citant notamment les autorités tchadiennes qui souhaitent "affirmer leur souveraineté pleine et entière", faisant écho aux propos du président sénégalais Bassirou Diomaye Faye qui s'interroge : "Pourquoi faudrait-il des soldats français au Sénégal ? Cela ne correspond pas à notre conception de la souveraineté et de l'indépendance."
L'éditorial du Monde pointe particulièrement les défaillances de la stratégie française. Le journal met en cause "la politique de petits pas peu lisible d'Emmanuel Macron" et son incapacité à "tirer les enseignements de cette mondialisation du continent." Le quotidien du soir souligne que la France "s'est trop longtemps sentie 'chez elle'" dans ses anciennes colonies, négligeant l'émergence de nouvelles influences, qu'elles soient "américaine, russe, chinoise, turque, saoudienne ou israélienne."
La critique du Monde envers l'exécutif français est particulièrement sévère concernant sa gestion récente de la situation. Le journal relève que plutôt que d'opter pour "la perspective claire de retrait négocié qu'impose la situation", le président Macron a choisi de "gagner du temps" en nommant un envoyé personnel, Jean-Marie Bockel, dont le rapport, qualifié de confidentiel, vient d'être "largement balayé par les décisions de Dakar et de N'Djamena."
Le quotidien conclut son analyse en formulant un avertissement clair : l'exécutif français doit désormais "gagner en clairvoyance, en clarté et en cohérence", sous peine de continuer à avoir "un temps de retard sur les réalités africaines" et de voir son influence décliner au profit des nouveaux acteurs qualifiés de "prédateurs du continent."
Ce double revers diplomatique apparaît d'autant plus significatif qu'il concerne deux pays aux profils très différents : le Tchad, décrit par Le Monde comme "un régime militaire autoritaire", et le Sénégal, présenté comme "une démocratie dirigée par un duo panafricaniste 'antisystème'." Cette convergence, malgré des modes de gouvernement distincts, souligne l'ampleur du défi auquel la France doit désormais faire face dans sa politique africaine.
LE SOUDAN POUSSE LE TCHAD À LARGUER PARIS
La rupture des accords militaires entre le Tchad et la France masque des tensions autour de la guerre au Soudan. Les autorités françaises, qui pressaient N'Djamena d'adopter une position neutre dans ce conflit, se sont heurtées au refus de Déby
(SenePlus) - La rupture des accords de coopération militaire entre le Tchad et la France, annoncée le 28 novembre, révèle des tensions diplomatiques profondes, principalement cristallisées autour de la guerre au Soudan. Selon Jeune Afrique (JA), cette décision a pris Paris totalement de court, intervenant quelques heures seulement après la visite du ministre français des Affaires étrangères, Jean-Noël Barrot, à N'Djamena.
D'après les informations rapportées par le média panafricain, cette rupture trouve son origine dans des désaccords concernant la position tchadienne vis-à-vis du conflit soudanais. Une première friction serait apparue lors d'une rencontre à Paris début octobre entre les présidents Emmanuel Macron et Mahamat Idriss Déby Itno. Le chef d'État français aurait alors évoqué "le rôle des Émirats arabes unis dans ce conflit", ces derniers étant "accusés de soutenir Mahamat Hamdan Dagalo, dit Hemetti, notamment via des livraisons d'armes passant par le Tchad", précise JA.
La situation s'est particulièrement tendue lors de la visite de Jean-Noël Barrot au Tchad. Selon le journal, l'échange entre le ministre français et le président tchadien a été "houleux", notamment lorsque le premier a réitéré "l'appel d'Emmanuel Macron pour une neutralité tchadienne dans la guerre au Soudan". Le lendemain, lors de sa visite à Adré, à la frontière soudanaise, le ministre français dénonçait "la main invisible de certaines grandes puissances" dans le conflit soudanais, une référence à peine voilée à la Russie et aux Émirats arabes unis.
L'enjeu soudanais apparaît d'autant plus crucial que, comme le souligne Jeune Afrique, "plusieurs milliers de combattants tchadiens, entre autres menés par l'opposant à Mahamat Idriss Déby Itno, Ousmane Dillo Djerou, combattent aujourd'hui aux côtés de l'armée soudanaise d'Abdel Fattah al-Burhan contre les hommes du général Hemetti".
Cette rupture intervient dans un contexte de rapprochement entre N'Djamena et Abou Dhabi. Jeune Afrique révèle qu'après sa rencontre tendue avec Emmanuel Macron, le président tchadien s'est rendu aux Émirats arabes unis, où une aide de "300 milliards de francs CFA" lui a été octroyée par le Fonds d'Abou Dhabi pour le développement.
Un ancien conseiller du président tchadien, cité par le journal, analyse cette décision comme "un message" double : "Il dit aux Français que le Tchad n'a pas à être sermonné en ce qui concerne le Soudan. Et il dit aux Tchadiens, à quelques semaines des législatives, qu'il est capable de taper du poing sur la table". Toutefois, cette même source précise que cette rupture pourrait davantage viser à renégocier les accords "pour qu'ils correspondent davantage aux intérêts tchadiens" plutôt qu'à expulser les forces françaises.
Face à cette situation, le Quai d'Orsay s'est pour l'instant contenté de "prendre acte de la décision tchadienne", conclut Jeune Afrique.
Par Hamidou ANNE
MOUSTAPHA DIAKHATÉ, RÉPUBLICAIN OMBRAGEUX
J’ai deux nouvelles pour ceux qui veulent lui imposer le diktat de la terreur : Moustapha ne se taira pas, ensuite il ne connaît pas ce sentiment qu’est la peur. Il porte la liberté dans son Adn, qu’il gardera toujours intacte, même au fond d’une geôle
Nous nous retrouvions les jeudis très tôt sur le parking de la Maison d’arrêt et marchions ensemble, sésame rose en main. L’accueil au portail n’était guère joyeux, il était même rude. Des hommes en uniforme passaient et repassaient faire les achats pour le petit déjeuner ; certains chahutaient les habitués de ce lieu qui, à force de venir voir des proches, étaient devenus des visages connus, des détenus laissés libres. Nous étions tous les deux frappés par les hommes et les femmes que l’on côtoyait le matin, dont on voyait qu’ils venaient tous des quartiers lointains, là où vit le petit peuple dont les enfants sont gardés -souvent en attente de procès- derrière ces murs hauts de la citadelle du silence. Moustapha se moquait tous les jours de ma mine grise du matin ; je déteste me lever tôt. A l’intérieur, au fond de la grande allée, trône un bâtiment plutôt neuf. A l’intérieur, nous nous asseyions sur les bancs, dans une salle où chacun gardait le silence, comme si nous étions tous des détenus, attendant que le haut-parleur au son difficilement audible annonce nos noms. Nous allions ensemble voir notre ami au parloir. Moustapha avait toujours des mots tendres et rassurants pour cet ami jugé et condamné, sans jamais verser dans l’optimisme béat ou le maslaa. Je sais en plus qu’il a assuré une présence utile aux côtés de la famille du concerné.
J’étais frappé par son humanité que je connaissais déjà, mais surtout par son dégoût de l’injustice que peuvent vivre les plus précaires frappés par les violences morales et physiques que les logiques de domination imposent. En cela, je peux dire que je n’ai jamais rencontré un homme aussi humaniste que Moustapha. Il me fait penser au mot de Sartre : «Pour aimer les hommes, il faut détester violemment ce qui les opprime.»
Quand on gravite autour de la politique sénégalaise, on connaît forcément Moustapha Diakhaté. Verbe haut, convictions ancrées, constance dans le combat politique et défiance vis-à-vis des dogmes, des appareils politiques, des puissants, et méfiance vis-à-vis des adhésions aveugles et irraisonnées. Je le suis depuis l’initiative «Wacco ak alternance», un groupuscule de militants du Pds, déçus par la tournure du Sopi, qui ont décidé de porter le combat de la rectification de la ligne au sein de leur formation politique. Tout de suite, j’ai été séduit par le courage de ce débatteur hors pair, par sa maîtrise du verbe et par son habileté à défendre ses positions avec hargne. Puis, il y a eu la rupture avec les Wade et l’adhésion à l’Apr. J’avais de temps à autre les récits de ses aventures via mon ami Abdoulaye Fall, membre fondateur du parti. Bien des années après, j’ai enfin rencontré Moustapha, en mars 2021, dans la foulée des événements consécutifs à la sordide histoire que tout le monde connaît. Quand j’ai vu Moustapha, il m’a dit une chose qui m’a plu, glacé et fait frémir en même temps. Il me dit : «Tu sais, je crois en trois choses : la République, la démocratie et la liberté.» Tout de suite, l’estime, le respect, l’affection et l’amitié. Moustapha est mon ami, et cette phrase n’est guère banale. Nous nous sommes vite rapprochés ; entre 2021 et 2023, j’ai presque vu Moustapha tous les jours, au même endroit, pour commenter l’actualité politique africaine et internationale. Nous parlions aussi souvent de nos lectures, car Moustapha est un grand lecteur. Il se lève tôt et lit jusqu’en fin de matinée, avant de commencer ses activités.
Depuis ce premier jour de rencontre, nous nous parlons au téléphone au minimum trois fois par jour ; nous avons la même haine des populismes, des racismes, et le même engagement contre le fascisme. Nous rêvons d’un nouveau printemps de la démocratie et du progrès partout sans jamais nous limiter à l’Afrique, considérant l’universalité du genre humain. A chaque fois que quelqu’un perd espoir devant la défaite des courants progressistes et l’avancée des extrémismes et des nationalismes, Moustapha a toujours le mot juste pour dire que l’histoire n’est jamais finie, qu’il ne faut jamais cesser de croire en la raison et en la capacité par la parole et l’action créatrice de changer la face du monde et surtout la vie des gens. Il est très sisyphéen dans ce sens.
Moustapha est un militant au sens noble du terme, c’est-à-dire un porteur de cause, un homme écorché, vif, engagé et fondamentalement démocrate. C’est l’exemple du républicain affirmé qui considère qu’au-dessus de la République, il n’y a rien ni personne. Celle-ci a été le moteur de son engagement, car chez lui, la République n’est pas chose désincarnée, aérienne, qu’on rappelle dans de grandes envolées lyriques sans matérialité concrète. La République chez Moustapha est une essence, une spiritualité telle qu’elle a été imaginée par les grands penseurs républicains. Mais elle est aussi et surtout pour lui, une exigence à bâtir des sociétés humaines équitables, moulues dans le savoir qui libère l’individu des dogmes qui enferment et de l’obscurantisme qui nuit.
Je me refuse depuis son arrestation, à sortir des phrases toutes faites comme «Moustapha ne mérite pas la prison». Il déteste ce type de phrases de toute façon, car convaincu me dit-il souvent «Gauche -oui, Moustapha ne prononce jamais mon prénom, il m’appelle toujours ainsi- je ne fais que mon devoir. Il faut toujours faire ce qu’on a à faire. Le Sénégal n’appartient à personne, nous qui y habitons aujourd’hui en sommes juste des locataires non permanents, d’autres étaient là avant nous et d’autres générations viendront après nous».
Moustapha savait qu’il allait être arrêté et emprisonné. Il s’y est préparé et avait préparé ses proches. Mais j’ai deux mauvaises nouvelles pour ceux qui veulent lui imposer le diktat de la terreur : Moustapha ne se taira pas, ensuite il ne connaît pas ce sentiment qu’est la peur. Mieux, c’est un homme insensible aux honneurs, car sachant que ceux-ci, pour la plupart, sont fugaces et insincères. De sa première grève en tant qu’élève contre l’attitude d’un directeur d’école dont il était en même temps le… répétiteur des enfants, à ses activités syndicales à la Bceao, qui ont abouti à son licenciement, en passant par son départ du Pds, son exclusion de l’Apr, il est devenu un homme endurci et un militant ayant atteint le degré le plus élevé du militantisme, celui où tu n’agis ni pour les nominations ni pour les élections, mais au nom du tribunal suprême de la conscience.
Abdel Hamid Kichk avait dit un jour : «Le paradis est dans ma poitrine, je le porte partout où je vais.» Je dirais la même chose de Moustapha, qui porte la liberté dans son Adn, et qu’il gardera toujours intacte, même au fond d’une geôle.
Un jour, des livres d’histoire raconteront le rôle de Moustapha Diakhaté pour le retour de la paix civile en mars 2021 et ses efforts manifestes pour la préservation de la République entre mars 2021 et avril 2024. Je ne sais pas tout, mais j’en sais un rayon, entre ce qu’il a bien voulu me confier et ce que j’ai glané d’autres sources crédibles, et que par humilité et pudeur, lui n’a pas voulu me révéler. Moustapha est un patriote sincère, un républicain ombrageux et un démocrate authentique, et c’est un homme profondément bon, généreux et attachant.
Un des matins qui arrivent, j’irai voir Moustapha. Je me réveillerai difficilement le matin, la mine triste, je laisserai ma voiture au parking de la prison. Je ferai le pied de grue devant cet immense portail en fer vert, et à l’ouverture je me hâterai au milieu des gens pour rejoindre la salle des haut-parleurs au son difficilement perceptible. J’entendrai mon nom et j’irai voir Moustapha… s’il daigne bien me recevoir, car je connais mon ami, il ne fait jamais rien comme les autres.
Par Mansour SECK
THIAROYE 44 : CE QUE J'EN SAIS
C’est en 1962, après l’Ecole de Saint Cyr, alors sous-lieutenant, que j’ai découvert l’histoire des Tirailleurs Sénégalais dont le corps a été créé par Faidherbe en 1957. En retournant au Sénégal, j’ai été choqué d’apprendre la tragédie de Thiaroye
C’est en 1962, après l’Ecole de Saint Cyr, alors sous-lieutenant, que j’ai découvert l’histoire des Tirailleurs Sénégalais dont le corps a été créé par Faidherbe en 1957. En effet, à la fin de mon séjour dans un camp de vacances à Innsbruck, en Autriche, le propriétaire, d’un certain âge, n’a pas voulu que je paie la facture. Il m’a expliqué qu’il a été prisonnier des Allemands avec les Tirailleurs Sénégalais. IL a loué leur courage et leur gentillesse.
J’ai également visité, à cette période, les villes de Toulon et de Fréjus, où une mosquée et un Tata (Case Africaine, cimetière) témoignent de la participation importante des Tirailleurs Sénégalais à la libération de la Provence. D’ailleurs, un Sénégalais a été maire de Fréjus.
En retournant au Sénégal, j’ai été choqué d’apprendre la tragédie de Thiaroye, le 1er décembre 1944. J’ai aussi reçu l’information dramatique du massacre en juillet 40 par les Allemands, de près de 200 Tirailleurs Sénégalais, dont 58 à la mitrailleuse et au char, appartenant au 25ème Régiment des Tirailleurs Sénégalais à Chasselay près de Lyon. En ce qui concerne Thiaroye, j’ai consulté une dizaine de livres parlant des Tirailleurs Sénégalais, en particulier, « l’Epopée des Tirailleurs Sénégalais » par Eugène Jean Duval, Contrôleur Général des Armées, «Thiaroye 1944» de Martin Mourre et «Crimes et Réparations» de Bouda Etemad.
Le Professeur Buuba DIOP et Monsieur Mamadou KONE, historiens, m’ont aidé dans mes recherches.
Ce qui me parait le plus important à savoir dans le massacre de Thiaroye, c’est le rapport du Colonel Carbillet, Commandant de l’opération du 1er décembre 1944.
Dans l’épopée des Tirailleurs, l’auteur signale qu’il n’y a pas eu de compte- rendu émanant des Tirailleurs, ce qui démontre que les informations sont unilatérales et sans contradiction.
Après l’opération, le service de santé militaire rapporte qu’il y a eu 24 morts sur place, 47 blessées et 48 survivants qui ont été condamnés par le tribunal militaire à des peines allant de 1 à 10 ans de prison pour mutinerie. Certaines sources parlent de 70 à 300 tués
Une autre information importante qui démontre que ces anciens militaires étaient désarmés, c’est la liste des armes trouvées sur place après la fouille : « de nombreux couteaux et baïonnettes, des grenades F1, un revolver 1892, des coupecoupes, etc. » Ce qui démontre que ces anciens prisonniers appelés «mutins»étaient désarmés car démobilisés. En effet, la dotation classique d’une unité militaire en armement se compose de fusils, de mitrailleuses, etc., et non de couteaux.
Une autre anomalie : Je n’ai pas trouvé les deux tableaux d’effectifs nominatifs avec numéros de matricules avant et après l’opération. Ces tableaux devaient figurer parmi les documents importants traitant de cet évènement.
La juriste Professeur Amsatou Sow Sidibé pose la question de « la qualification des faits de Thiaroye 44 ». Julien Fargettas, Armelle Mabon et Martin Mourre ont traité la sémantique entre tragédie, massacre et crime de masse. Ils ont choisi le terme « massacre ».
Pour parler de la cause de cet évènement, il faut remonter à quelques mois avant l’arrivée des Tirailleurs à Dakar. En effet, après 4 années d’emprisonnement dans les fronstalags allemands sans être payés, ils ont exprimé leur mécontentement à Morlaix, Hyères, Agen, Sète, Mont Marsan, Versailles, etc. D’ailleurs ils étaient nombreux à ne pas vouloir embarquer dans le bateau anglais Circassia pour rentrer en Afrique avant d’être payés.
En effet, la Circulaire 2080 du Ministère de la Guerre précisait « que la solde de captivité des anciens prisonniers de guerre devait être entièrement liquidée avant le départ de la métropole ». Ce qui n’a pas été le cas et qui explique leur mécontentement.
Donc dire que la propagande allemande sur les anciens prisonniers était la cause de leur révolte ne peut pas être retenue. Il faut aussi préciser que le comportement des Tirailleurs Sénégalais vis-à-vis de la « supériorité du blanc » avait changé. Au combat, ils ont vu que les balles allemandes ne faisaient pas la différence entre le blanc et le noir, que les blancs, comme eux, sont des êtres humains qui pouvaient avoir peur et pleurer dans la souffrance. Certains tirailleurs ont même pu marier des Françaises. D’ailleurs, le Professeur Iba Der THIAM a parlé de changement de mentalité des Tirailleurs Sénégalais après la guerre. Ils n’avaient plus le complexe du Blanc.
Dire que les « mutins » ont ouvert le feu les premiers ne peut être qu’une contre-vérité. En effet, entre 6 heures et 7 heures du matin au début de l’opération, ils sortaient tout juste du lit et certains ont même cru que les tirs étaient des cartouches à blanc, jusqu’au moment où ils ont vu leurs camarades tomber. Je n’ai trouvé aucun rapport officiel donnant des informations sur la sépulture des morts. Pourtant, l’Inspecteur Mérat soutient que ce drame de Thiaroye n’est « la faute de personne ». Cependant, en 2014, Le Président Hollande a parlé « de la répression sanglante de Thiaroye » et a reconnu « le non versement de leurs arriérés de solde et d’indemnités, faute fonds suffisants.»
Auparavant, le Président Mitterrand avait, lors d’une visite au Sénégal, parlé d’une « dette de sang » vis-à-vis des tirailleurs. Il faut aussi préciser que les soldes payées aux ex-prisonniers étaient très inférieures à celles payées aux métropolitains. C’est l’équivalent de 230 euros aux Tirailleurs et 690 euros aux métropolitains. En plus, le Président De Gaulle a «cristallisé » ces indemnités en 1959. C’est-à-dire qu’il les a bloquées à cette date, sans tenir compte de l’inflation. Un séjour en France leur était imposé.
A l’occasion de la tragédie de Thiaroye, le Président Senghor, ancien combattant de la 2eme Guerre Mondiale, ancien prisonnier du 3e régiment d’Infanterie Coloniale au frontstalag 230 de Poitiers, académicien français, dont l’attachement à la France est indiscutable, a dit qu’il ne reconnaissait pas la France, patrie des droits de l’homme dans cet évènement.
Pourtant les présidents De Gaulle et Mitterrand ont reconnu que sans la colonisation la France ne serait pas une grande nation. Bouda Etemad, dans « Crimes et Réparations », pose la question suivante : « Pourquoi choisit-on de préférence la Traite Négrière, l’Esclavage ou l’extermination des populations indigènes dans le cadre de la décolonisation à d’autres «crimes», lorsque l’on fait valoir que l’écoulement du temps n’efface pas les responsabilités de ceux qui, dans un passé souvent lointain, ont commis de tels actes ? »
Le réveil des consciences des Tirailleurs Sénégalais décomplexés sur le fait qu’ils étaient égaux des Blancs après leur douloureuse expérience partagée avec eux, peut-être la graine qu’ils ont semée pour que les Africains aspirent à l’indépendance obtenue dans les années 1960.
Il faut reconnaitre que l’impact de la participation des Tirailleurs Sénégalais aux deux Guerres mondiales n’est pas oublié partout en France. En effet, chaque année, les habitants de la ville de Lectoure, dans le Gers, honorent les 73 Tirailleurs appartenant au 84ème Bataillon des Tirailleurs Sénégalais enterrés sur place pendant la Grande Guerre. De même, à Chasselay, les habitants organisent régulièrement une cérémonie honorant la mémoire des Tirailleurs Sénégalais tués en juin 1940 par la Division SS Totenkopf et le régiment Grossdeutschland. Un cimetière Tata y a été également construit en leur mémoire.
Chaque année, le D-Day du 6 juin 1944, date du début de la libération de la Normandie par des troupes alliées commandées par les Américains, est célébré en grande pompe, en 2024, c’est en présence de 25 chefs d’Etat et de gouvernements, dont aucun Africain. C’est comme si on oublie que le Sud de la France a été libéré, en grande partie, par les soldats africains »
NB : J’ai commencé cette recherche bien avant d’apprendre qu’une commission de remémoration présidée par le Professeur Mamadou Diouf a est installée. Je suis sûr que leur travail sera plus complet que le mien.
*Le titre est de la rédaction **
Par Henriette NIANG KANDÉ
SOUS LE SIGNE DU BAOBAB ET DU LION
Une prière à ces députés : que les échanges ne soient pas seulement des « vous n’avez pas de Projet » auxquels on répond « Et vous, vous avez oublié le vôtre ! ». Épargnons-nous ces spectacles d'acteurs s'affrontant sur un texte mal préparé
Aujourd’hui 2 décembre 2024, sous les armoiries de la République, le lion et le baobab, prendront place 165 femmes et hommes, portant l’écharpe tricolore, posée sur le haut de l’épaule droite et nouée sur la hanche gauche. Ce n’est pas trop de le dire. Y en a qui la mettront à l’envers, c’est certain. Ce qui ne présage rien de bon.
Le baobab, ce colosse si sûr de lui ! Cet arbre majestueux, emblème de l'Afrique et star incontestée des documentaires animaliers. Avec son tronc gonflé comme s'il s'était offert un abonnement illimité dans une dibiterie, le baobab en impose.
Mais derrière son allure de géant sage et immuable, il cache une sacrée personnalité. D’abord, parlons de sa silhouette. Le baobab donne l'impression qu'il a été planté à l'envers par un jardinier un peu distrait. Dénudées, ses branches ressemblent à des racines. Comme si la nature avait confondu le haut et le bas. Mais loin de s'en offusquer, il en a fait sa marque de fabrique. "Moi, je fais les choses différemment", semble-t-il clamer en se pavanant dans la savane. La modestie ? Pas son fort.
Mais ne vous laissez pas duper par son air placide. Sous ses airs d'arbre philosophe se cache une véritable diva. Le baobab vit en moyenne 1000 ans, et certains spécimens atteignent les 2000 ans. Il se vante donc volontiers d'avoir vu passer des générations entières, en semblant dire : "Moi, je prends mon temps, et regardez où ça m'a mené".
Et côté mode, il n'est pas en reste. En saison sèche, il se débarrasse de ses feuilles, affirmant que "le minimalisme, c'est chic". En saison des pluies, il revient en force avec une touffe verte luxuriante, comme s'il avait réservé le coiffeur le plus exclusif de la savane. Le baobab, c'est un peu l'arbre influenceur qui lance les tendances sans en avoir l’air.
Mais attention à ne pas le flatter trop vite : son fruit, le pain de singe, est un concentré de vitamines. Et bien sûr, il en est très fier. Il n'hésite pas à se moquer des autres arbres, détectés : "Moi, je nourris les humains et les animaux. Toi, le manguier, tu fais quoi à part attirer la mouche blanche ?"
Bref, le baobab, c'est l'arbre qui a tout vu, tout vécu et qui, à chaque rafale de vent, semble murmurer : "Je suis la star ici, ne l'oublie pas." Et franchement, avec un ego pareil, on comprend pourquoi il est encore debout après tout ce temps.
Quid du « lion rouge [qui] a rugi, le dompteur de la brousse ? », c'est-à-dire un désert géant avec trois buissons et un arbre solitaire. Pourquoi ? Parce qu'il aime se poser sur une colline en mode « surveillant général ». Pas de forêt touffue pour monsieur : il veut que son public le voit. Et que font les lionnes pendant ce temps ? Elles sont occupées à leur rôle : subvenir aux besoins de la troupe en chassant des proies pour les membres qui la composent.
Star des documentaires animaliers, le lion est un symbole universel de force, de noblesse et de virilité. Avec sa crinière imposante qui ferait trembler un hémicycle, il est considéré comme le roi incontesté de la savane, bien que ce sont les lionnes qui chassent, traquent, courent, bondissent, tuent et ramènent la pitance, élevant l’expression « gérer la logique familiale » à un tout autre niveau. Le lion a un talent unique : il sait très bien rugir. Un rugissement qui s'entend à huit kilomètres, parfait pour faire peur aux hyènes, impressionner ses potes et réveiller tout le quartier à 4h du matin. Ce son terrifiant équivalent d’un mégaphone branché sur un ampli à fond, dont le lion se sert pour éviter un rival ou rassurer ses troupes. Imaginez-le crier « c'est mon territoire » à pleins poumons. Dans la brousse, c’est tout à fait normal. Là-bas, on ne tweet pas. On rugit. Mais soyons honnêtes : en dehors de sa carrière de chanteur à la voix rauque, quand il chasse (rarement), c'est plutôt en mode « pas de stress ». Sauf quand il sent que l’harmattan, ce vent de la savane, très chaud le jour, plus frais la nuit et toujours chargé de poussière, souffle dans la broussaille et que le risque d’une remise en question existentielle est présent. Parce que, s’il est délogé, le rival ne se gênerait pas pour effacer toute trace de la lignée précédente, petits lionceaux compris. Être roi, ce n'est pas qu'une question de crinière, mais de muscles et de charisme. Faut savoir tenir son rang !
Mais voilà que le Pastef, majoritaire de cette 15ème législature, arrive à l’Assemblée nationale avec un léopard visible dans le creux du P du logo qui identifie ce parti. Dans le monde animal, il y a des duels légendaires : chat contre chien, poisson contre requin, hyène contre... charogne, et bien sûr, lion contre léopard. Plongeons dans ce débat. Le léopard, avec son allure incroyable, une agilité impressionnante (il se hisse pour protéger sa nourriture pour qu’elle soit inaccessible) et un pelage à faire pâlir un tapis iranien fait main, a refusé, de se faire passer pour un mannequin. Sa première tentative à des législatives a donné l’impression qu’il s’est infiltré dans une séance photo pour une marque de vêtement de luxe, se glissant sur le plateau parlementaire, se pavanant fièrement. Les premières images, ont attiré des followers. Finalement, il a trouvé sa vraie vocation : guide éclairé. Qui mieux qu’un guide peut emmener les touristes au plus près de la faune ? S’il y en a beaucoup qui l’adorent, certains paniquent quand il leur propose un "colléserré" et d’autres fuient en prenant leurs pattes à leur coup. Ce n’est pas une affaire de tâche. C’est une affaire de chasse.
Aujourd’hui donc, l’hémicycle, toujours aussi majestueux, avec ses dorures et son air de sérieux, accueillera les élus qui prendront place sur des sièges rouges. Le rouge, cette couleur flamboyante et insolente. Que ce soit pour symboliser la pas sion, le danger, ou une tomate trop mûre oubliée dans le fond du frigo, le rouge ne laisse personne indifférent. Pourtant, avez-vous déjà réfléchi à l’incroyable pression qu’endure cette couleur au quotidien ? N’est-il pas temps de lui rendre justice.
Prenons, par exemple, les feux de signalisation. Pourquoi est-ce au rouge qu’on a confié le rôle ingrat d’arrêter tout le monde ? Personne ne s’extasie devant un feu rouge. Non, au contraire, on soupire, on peste, on klaxonne (parce que klaxonner est une thérapie nationale). Pendant ce temps, le vert, tranquille, fait la fête : "Vas-y, c'est bon, fonce !" Et le jaune, lui, hésite, comme un ado qui ne sait pas s'il doit participer ou non à une soirée.
Le rouge est également la couleur des erreurs, des problèmes, des alertes. Un petit "X" rouge dans un document Word, et c’est la grande question : "Mais qu’est-ce que j’ai encore cassé ?" Mais il n’y a pas que dans le code de la route ou sur les écrans que le rouge se démarque. Parlons un peu de la mode. Une robe rouge, et hop, vous êtes la reine de la soirée. Mais attention, c’est un art de vivre, pas un hasard. La robe rouge incarne la confiance, l’assurance et un peu de désinvolture. Portée avec la posture d’une dinde enrhumée, le risque est de passer pour un panneau stop ambulant.
Et que dire du vin rouge ? Le seul qui peut à la fois être un élixir de convivialité et un grand criminel de chemises blanches. Un verre renversé et, tout d’un coup, vous avez une œuvre d’art abstrait sur votre poitrine.
Bref, le rouge, c’est tout un paradoxe. Une couleur qui crie "Attention !" tout en murmurant "Admire-moi". Alors, la prochaine fois que vous apercevrez un feu rouge, une tomate ou une chemise tachée, prenez une seconde pour apprécier cette teinte si mal-aimée mais si essentielle. Parce qu’après tout, sans le rouge, la vie manquerait sacrément de piquant… et de ketchup.
Une prière « quinquennale » adressée à ces députés. Merci de nous épargner ces spectacles où des acteurs chevronnés s’affrontent dans une pièce de théâtre dont le texte semble avoir été écrit à la dernière minute. Et où des députés, en pleine « joute verbale » (traduisez : chamailleries ou insanités de cour de récréation), rivalisent d'indignation feinte et de petites piques acides, houspillant un ministre perdu dans ses fiches ou un opposant qui lance des regards meurtriers, pendant que le public conquis donne de la voix ou couvre celle d’un autre du bord opposé.
Que les échanges ne soient pas seulement des « vous n’avez pas de Projet » auxquels on répond « Et vous, vous avez oublié le vôtre ! », alors qu’un nouveau ou une nouvelle élu (e), dont personne ne convient au tempo, tente une intervention sérieuse, sous les ricanements de ceux qui étaient là avant, devant une majorité fanatique et une opposition qui hésite entre une position institutionnelle et une perspective fonctionnelle.
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THIAROYE : LA FIN D'UNE AMNÉSIE D'ÉTAT
Mamadou Diouf révèle l'ampleur d'une tragédie longtemps minimisée tant par Paris que par Dakar. L'historien appelle à "retourner l'événement à l'Afrique" en effaçant "la territorialisation coloniale" de cette mémoire
Le massacre de Thiaroye, longtemps relégué dans les limbes de l'histoire officielle sénégalaise, connaît un tournant décisif sous le nouveau régime. Lors du lancement des commémorations des 80 ans de la tragédie dimanche 1er décembre 2024, l'historien Mamadou Diouf, président du comité préparatoire, a relevé "le silence coupable et complice" des gouvernements précédents sur ce drame colonial.
Cette rupture, impulsée par le nouveau président Bassirou Diomaye Faye et son Premier ministre Ousman Sonko, marque une volonté inédite de réappropriation de l'histoire nationale. Le choix du Professeur Diouf pour coordonner les cérémonies illustre cette détermination à porter un regard scientifique sur les événements du 1er décembre 1944.
À cette date, rappelle l'historien, entre 300 et 400 tirailleurs furent tués par l'armée française à Thiaroye. Ces anciens prisonniers de guerre, libérés des camps allemands, réclamaient simplement leurs droits : soldes impayées, indemnités et primes de démobilisation. La réponse coloniale fut brutale : 1200 soldats français encerclèrent le camp au petit matin, appuyés par des blindés.
Pendant que les régimes successifs du Sénégal indépendant se taisaient, la France tentait d'étouffer l'affaire. Les archives ont été manipulées, le bilan officiel minimisé à 35 morts, puis 70. Il a fallu attendre 2024 pour que François Hollande reconnaisse ce "massacre à la mitrailleuse", selon ses termes, suivi récemment par Emmanuel Macron dans une lettre au président sénégalais.
Le gouvernement actuel entend désormais faire de Thiaroye un symbole de la conscience panafricaine. Un vaste programme mémoriel a été lancé, mobilisant les institutions culturelles, les médias nationaux et les collectivités locales. Cette initiative, souligne le Professeur Diouf, vise à "retourner l'événement à l'Afrique" en effaçant "la territorialisation coloniale".
Cette commémoration marque ainsi un double mouvement : reconnaissance tardive par l'ancienne puissance coloniale et réappropriation assumée par le nouveau pouvoir sénégalais, rompant avec des décennies de silence institutionnel. Un tournant historique qui pourrait ouvrir la voie à d'autres relectures nécessaires de l'histoire nationale.