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18 avril 2025
Développement
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L'AFRIQUE CHANGE, ET EN FACE, LA FRANCE NE CHANGE PAS
Antoine Glaser et Francis Kpatindé dressent le portrait d'une ex-puissance coloniale qui n'a pas su anticiper les mutations sur le continent. Les récentes demandes de retrait des troupes françaises du Sénégal et du Tchad illustrent ce divorce croissant
Un entretien majeur avec deux spécialistes reconnus de l'Afrique vient éclairer le déclin accéléré de l'influence française sur le continent. Antoine Glaser, journaliste chevronné et auteur du "Piège africain de Macron" (Fayard), ancien fondateur de La Lettre du Continent, et Francis Kpatindé, ancien rédacteur en chef de Jeune Afrique et du Monde Afrique, aujourd'hui maître de conférence à Sciences Po, dressent un constat sans appel de la situation.
Les récentes demandes simultanées du Sénégal et du Tchad exigeant le départ des troupes françaises marquent un tournant historique dans les relations franco-africaines. Antoine Glaser pointe du doigt une France qui "s'est un peu endormie en Afrique", révélant une incapacité à comprendre les mutations profondes du continent.
"La France n'a pas vu l'Afrique se mondialiser", analyse Glaser, soulignant un aveuglement historique qui remonte aux indépendances. Selon lui, Paris est restée prisonnière d'une vision dépassée, celle de la "Françafrique", un système intégré qui a perduré bien au-delà de sa pertinence historique. Cette posture reflète une conviction erronée : celle d'une présence française éternellement désirée sur le continent.
Francis Kpatindé met en lumière un décalage croissant entre une Afrique en pleine mutation et une France figée dans ses certitudes. "L'Afrique change, elle a beaucoup changé depuis deux décennies. Et en face, la France ne change pas", observe-t-il. Il souligne particulièrement le fossé générationnel avec une jeunesse africaine qui n'a "aucune référence par rapport à la France, à l'ancienne puissance coloniale."
Un des aspects les plus alarmants soulevés par Kpatindé concerne l'érosion de l'expertise française sur l'Afrique. "Il n'y a plus d'experts : il n'y a plus de gens qui connaissent vraiment l'Afrique. Et surtout, il n'y a plus de gens qui ressentent l'Afrique", déplore-t-il. Cette perte de compréhension profonde conduit à une politique de réaction plutôt que d'anticipation, laissant la France systématiquement "un train de retard dans les événements en Afrique."
NDEYE ASTOU NDIAYE REVISITE LA TRADITION DU CONTE AFRICAIN
'Veillées africaines' réinvente l'art du récit en mêlant héritage culturel et préoccupations contemporaines. L'auteure, qui allie sa carrière universitaire à une sensibilité littéraire affirmée, livre un recueil où chaque histoire devient une leçon de vie
(SenePlus) - Les éditions Lettres de Renaissances enrichissent leur catalogue avec la publication d'un nouveau recueil de contes signé Ndeye Astou Ndiaye, "Veillées africaines". Cette œuvre s'inscrit dans la pure tradition du conte africain tout en portant un message universel.
Dans sa préface, Amadou Elimane Kane souligne la richesse allégorique de ces récits qui, à travers la métamorphose littéraire des animaux et de la flore, transmettent des valeurs fondamentales : loyauté, engagement, partage, fidélité, humilité, protection de l'environnement et espérance. L'auteure utilise ces transformations comme support d'un récit d'apprentissage à portée éducative.
Ndeye Astou Ndiaye apporte une contribution significative à la littérature africaine contemporaine. Enseignante-chercheuse en Science politique, diplômée de Sciences-Po Bordeaux et de l'Université Cheikh Anta Diop de Dakar, elle mène des recherches approfondies sur les politiques publiques, le genre et les identités, la gouvernance et les modèles d'éducation en Afrique. Son expertise académique enrichit sa démarche littéraire, comme en témoignent ses précédentes publications : "Une étoile qui ne brille pas pour l'amour" (L'Harmattan, 2015) et "Commune condition" (Éditions Moukat, 2020).
Membre du Laboratoire IGD2P (Institutions Gouvernance Démocratique et Politiques Publiques) et personne-ressource à l'école d'été du Codesria en collaboration avec le Centre d'études africaines de Bâle (CASB), l'auteure conjugue avec talent sa carrière universitaire et sa passion pour l'écriture.
"Veillées africaines" est disponible à la commande directement auprès des éditions Lettres de Renaissances (editionslettresderenaissances@yahoo.fr), sur fnac.com, ainsi que dans les librairies parisiennes Présence Africaine et L'Harmattan.
Cette publication s'annonce comme une contribution majeure à la littérature africaine contemporaine, alliant la richesse de la tradition orale à des préoccupations universelles, tout en servant de pont entre l'héritage culturel africain et les enjeux contemporains.
LA GRANDE DÉBÂCLE FRANÇAISE
Chassée du Sahel, l'armée française doit maintenant quitter le Tchad et le Sénégal. Un diplomate africain livre dans Le Monde ce constat sans appel : "c'est une évolution qui a un parfum de rupture. Cela prend l'eau de toute part"
(SenePlus) - Une page majeure de l'histoire militaire française en Afrique est en train de se tourner, selon les informations révélées par Le Monde. Le choc est d'autant plus brutal qu'il intervient sur deux fronts simultanément, avec l'annonce de la rupture de l'accord de défense par le Tchad et la déclaration du Sénégal concernant un possible départ des forces françaises.
Le Tchad, longtemps considéré comme le bastion imprenable de l'influence militaire française en Afrique, vient de porter un coup particulièrement dur à Paris. Le journal Le Monde rapporte que le pays, qui héberge l'une des cinq bases militaires françaises sur le continent, a annoncé le 28 novembre la rupture de l'accord de défense liant les deux nations. Cette décision, qualifiée de "tournant historique" par la diplomatie tchadienne, illustre une volonté claire "d'affirmer sa souveraineté pleine et entière, et de redéfinir ses partenariats stratégiques."
L'aspect particulièrement frappant de cette annonce réside dans son timing et sa mise en œuvre. Comme le souligne Le Monde, le communiqué est tombé alors que "l'avion du ministre des affaires étrangères, Jean-Noël Barrot, venait à peine de décoller du Tchad." Plus troublant encore, les plus hautes instances françaises semblaient totalement prises au dépourvu : ni l'Élysée, ni le ministère des armées, ni le Quai d'Orsay n'avaient été prévenus.
Cette rupture s'inscrit dans un contexte plus large de perte d'influence française dans la région. Le quotidien rappelle que le président Mahamat Idriss Déby, âgé de 40 ans, représentait le "dernier allié de la France au Sahel" depuis l'expulsion des forces françaises du Mali, du Burkina Faso et du Niger par les juntes militaires entre 2020 et 2023. Le journal révèle également que des tensions récentes, notamment l'ouverture d'une enquête par le Parquet national financier concernant des soupçons de biens mal acquis, ont contribué à cette décision, tandis que la Russie se positionne en alternative stratégique.
L'échec d'une stratégie de transformation
Le Monde met en lumière les tentatives avortées de réforme de la présence militaire française en Afrique. Dès son arrivée au pouvoir en 2017, Emmanuel Macron avait envisagé de "réduire la voilure et de mettre un terme à l'opération Barkhane", dont les 5 000 soldats étaient de plus en plus perçus comme une force d'occupation. Cependant, sous la pression de son entourage politique et militaire, cette initiative avait été abandonnée.
La tentative de redéfinition annoncée en février 2023 par le président français, visant à transformer les bases militaires en "académies" ou en "bases partenariales", semble avoir échoué. Comme le souligne Jonathan Guiffard, chercheur cité par le quotidien du soir : "La France, en réalité, est restée au milieu du guet par rapport à sa posture d'avant. Le problème, c'est qu'elle ne sait pas encore où elle va."
Le journal détaille les implications concrètes de ce désengagement. Les bases françaises en Afrique, qui réunissaient encore environ 1 700 militaires en 2023 (dont 350 à Libreville et à Dakar), font l'objet de projets de réduction drastique. Un scénario envisageait de limiter cette présence à une centaine de soldats par base, à l'exception du Tchad qui devait maintenir trois cents militaires - un plan désormais caduc.
Selon une source officielle ivoirienne citée par Le Monde, l'avenir semble inexorable : "Il est évident que, d'ici dix ou quinze ans, il n'y aura plus un seul soldat français en Afrique." Cette prévision s'appuie sur deux facteurs principaux : les contraintes budgétaires françaises et l'opposition croissante de la jeunesse africaine à cette présence militaire.
Les tentatives de renouveau
Le quotidien révèle également les efforts français pour maintenir une influence différente, notamment à travers le développement du "soft power" et de la "lutte informationnelle". Des initiatives comme la création d'une école spécialisée dans le cyber en Côte d'Ivoire ou l'encouragement des industriels de l'armement à réinvestir en Afrique témoignent de ces tentatives d'adaptation, mais semblent insuffisantes face aux changements géopolitiques en cours.
Cette série d'événements marque indubitablement la fin d'une époque dans les relations franco-africaines. Comme le résume un diplomate africain cité par Le Monde, "c'est une évolution qui a un parfum de rupture. Cela prend l'eau de toute part." Cette analyse semble confirmer non seulement l'échec de la stratégie de transformation française, mais aussi l'inexorable déclin d'un modèle de relations militaires hérité de la période post-coloniale.
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LES MISES EN GARDE D'AISSATA TALL SALL
L'ex-garde des Sceaux évoque l'impossibilité d'abroger rétroactivement une loi d'amnistie dont ont bénéficié plusieurs personnalités, dont le président et son Premier ministre. "C'est beaucoup plus facile à dire qu'à faire", estime-t-elle
Dans une intervention sur la situation politique nationale, l'ancienne ministre de la Justice et actuelle députée de l'opposition Takku Wallu, Aissata Tall Sall, a livré une analyse des questions juridiques et constitutionnelles qui agitent le pays.
L'ancienne garde des Sceaux s'est particulièrement attardée sur l'article 86.6 de la Constitution sénégalaise, l'équivalent du 49.3 français. Elle a souligné que malgré l'existence de cet article permettant l'adoption de lois sans débat, son utilisation n'était pas justifiée pour le vote de la loi de finances 2025, rappelant que l'Assemblée dispose déjà d'une majorité suffisante.
Sur la question de la Haute Cour de Justice, sujet de vives tensions, Aissata Tall Sall a tenu à remettre les pendules à l'heure : "La Haute Cour de Justice existe depuis que le Sénégal est Sénégal. C'est cette même cour qui avait jugé le président Mamadou Dia en 1963", a-t-elle rappelé. Elle a insisté sur le caractère judiciaire de cette institution, présidée par le premier président de la Cour suprême et non destinée à des règlements de comptes politiques.
La députée a également abordé la question épineuse de l'abrogation de la loi d'amnistie, mettant en garde contre les obstacles juridiques majeurs. "C'est beaucoup plus facile à dire qu'à faire", a-t-elle averti, évoquant les principes fondamentaux de non-rétroactivité des lois et d'intangibilité des droits acquis. Elle a notamment rappelé que l'actuel président de la République et son Premier ministre avaient eux-mêmes bénéficié de cette loi.
L'ancienne ministre a vivement apprécié l'utilisation de l'argument de la "majorité écrasante" par le pouvoir en place, estimant que celle-ci devrait plutôt se concentrer sur les véritables préoccupations des Sénégalais plutôt que sur des manœuvres politiques.
par Abdoul Aziz Diop
DE QUELLE LIBERTÉ D’EXPRESSION PARLE-T-ON ?
Ce dont Moustapha Diakhaté est accusé n’est pas plus grave que ce dont avaient été accusés les « proscrits » d’hier. Pape Alé peut tenir sa mémoire de « journaliste persécuté » sous Macky pour responsable de la discrimination des acteurs en lice
Dans un post publié sur le réseau professionnel LinkedIn, le Directeur de la Radiotélévision sénégalaise (RTS), Pape Alé Niang, se prononce, sans mentionner le nom, sur la convocation de l’éveilleur de conscience Moustapha Diakhaté par la trop zélée Division spéciale de la cybersécurité (DSC) et sa garde à vue abusive qui précéda sa scandaleuse condamnation à deux mois de prison ferme par le tribunal des flagrants délits de Dakar pour les chefs d’accusation fantaisistes portant sur le vocabulaire utilisé par le prévenu dans un entretien en langue nationale ouolof accordé à une journaliste. Dans son parti pris, M. Niang écrit d’emblée : « Dire que le Sénégal est sous une dictature où l'on assiste à des dérives autoritaires dans ce pays, c’est être de mauvaise foi. » Se passe alors de commentaire la question que le patron de la RTS pose dans la foulée : « Qui ose comparer le Sénégal d’aujourd’hui à celui de l’ère Macky Sall où la répression et la persécution, avec des méthodes barbares, ont été érigées en mode de gouvernance ?» Pape Alé répond lui-même : « Aucune liberté d’expression n’est menacée dans le Sénégal sous la présidence de Bassirou Diomaye Diakhar Faye. Bien au contraire. » Pour avoir tranché le débat sur la liberté d’expression avant même de l’avoir posé comme il se doit, Pape Alé Niang délibère pour son compte personnel et celui du nouveau régime en s’appuyant sur les idées de « responsabilité » et d’« auto-censure » du sujet qui s’exprime librement.
De la responsabilité et de l’auto-censure
Sur la responsabilité irrévocable, sur l’irrépressible auto-censure et sur l’importance de cette deuxième notion pour la première, le Directeur de la RTS s’efforce de convaincre sans donner le sentiment d’être gêné par son parti pris antérieur à son raisonnement. Voici in extenso ce qu’écrit Pape Alé Niang : « La liberté d'expression est un droit fondamental qui permet aux individus d'exprimer leurs opinions, leurs idées et leurs croyances sans crainte de répression ou de persécution. Mais cela signifie-t-il s’arroger le droit d’insulter, de calomnier, de diffamer en toute impunité ? La liberté d’expression n'est pas absolue et doit être encadrée par la responsabilité.
La responsabilité joue un rôle clé dans l'encadrement de la liberté d'expression. Chaque individu doit comprendre que ses paroles et ses écrits peuvent avoir des conséquences sur les autres et qu'il doit être prêt à en assumer la responsabilité. La conscience de cette responsabilité individuelle contribue à promouvoir un dialogue sain, constructif et respectueux.
Rivaliser d’ardeur à travers des déclarations fracassantes, le plus souvent idiotes, croyant faire le buzz, c’est manquer carrément de discernement. Car l’homme politique averti, l’analyste ou le chroniqueur est celui qui a l’intelligence situationnelle. C’est-à-dire cette capacité à comprendre une situation, à décrypter sa complexité pour s’y adapter à travers un discours dépouillé et perspicace.
Pour cela, l'autocensure consciente est essentielle. L'autocensure est la capacité d'un individu à réfléchir sur ses propres paroles et à choisir de ne pas diffuser des informations ou des opinions qui seraient préjudiciables ou nuisibles. L'autocensure consciente repose tout simplement sur la volonté individuelle de ne pas heurter et de respecter l’autre.
Autrement dit, même si la liberté d'expression est un droit fondamental, il est essentiel de l'encadrer par la responsabilité. Et être responsable, c’est se faire respecter.»
Si l’auteur de ce plaidoyer s’était abstenu de pendre parti dès le début de son texte, sa réflexion sur la liberté d’expression aurait eu le mérite de correspondre à la liberté limitée de celui qui s’exprime par celle de celui à qui la parole est adressée. La liberté d’expression d’untel ou d’untel s’arrête alors - postulat kantien - là où commence la liberté d’impression d’autrui. Mais, il y a beaucoup mieux, correspondant au passage d’une liberté de l’individu limitée par une responsabilité individuelle au nom d’une censure individuelle appelée autocensure.
De l’individu au collectif national
La faiblesse du post de Pape Alé Niang est de n’avoir invoqué la liberté d’expression en ne songeant qu’à l’adversaire qui s’exprime, oubliant l’autre partie maintenant aux commandes et totalement exemptée de tout abus de pouvoir bien qu’elle se soit autorisée à parrainer une police du vocabulaire des communications politiques.
En procédant de la sorte, Pape Alé Niang discrimine les trois acteurs, tous légitimés à se prononcer sur la chose politique. Ces acteurs sont les hommes politiques, les journalistes et le grand public à qui plus rien - ni même le dernier document de la haute administration - n’échappe.
Le Directeur de la RTS peut lui-même tenir sa mémoire de « journaliste persécuté » sous Macky Sall pour responsable de la discrimination, dans son post, des acteurs en lice. Imaginons alors ce que serait son texte si le journaliste se faisait violence en se neutralisant. Sa salve serait du coup celle qui renvoie dos à dos pouvoir et opposition au nom d’une responsabilité collective qui embrasse tout le corps social. À cet instant précis, l’homme des médias aurait fait don de sa personne pour revendiquer une réflexion qui fait autorité.
Quel intérêt aurait notre tribune si nous nous y efforçions seulement de montrer que ce dont Moustapha Diakhaté est accusé aujourd’hui n’est pas plus grave que ce dont avaient été accusés les « proscrits » d’hier ? Aucun vraiment du fait du dialogue de sourds que nous aurions délibérément choisi au lieu de débattre vraiment du sujet d’intérêt général !
Parce qu’il concerne tout le collectif national, l’intérêt général fait appel à la responsabilité collective, elle-même tributaire de la neutralisation collective qui déteint sur chaque individu pris séparément. Il en résulte une liberté d’expression réalisée - postulat hégélien - plus étendue que la liberté d’expression limitée dont Pape Alé fait l’apologie en choisissant, hélas, sa chapelle politique.
L’idée que nous avons une liberté d’expression à réaliser collectivement suppose, pour que nous y arrivions, que personne, vraiment personne, ne soit inquiétée à ce stade de la nouvelle conquête démocratique.
Tous donc libres ! Moustapha Diakhaté compris.
En faisant appel de la condamnation de l’éveilleur de conscience à deux mois de prison ferme, les avocats de l’ancien président de groupe à l’Assemblée nationale donnent une occasion inattendue à tous les partis de participer à la décrispation générale sans perdre la face. Le début de la nouvelle législature, la quinzième du genre, dans une atmosphère détendue en dépend aussi.
Moustapha Diakhaté libre !
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LA FRANCE N'EST PLUS L'INVITÉE PRIVILÉGIÉE DE L'AFRIQUE
L'échec de la politique africaine d'Emmanuel Macron apparaît au grand jour. " C'est encore toujours cette impression de paternalisme en pensant que depuis l'Élysée vous allez pouvoir changer ce continent ", observe Antoine Glaser
"Les présidents africains ont aujourd'hui le monde entier dans leur salle d'attente", affirme Antoine Glaser sur TV5 Monde. Cette observation du spécialiste de l'Afrique résume la nouvelle dynamique qui bouleverse les relations franco-africaines, alors que le Tchad et le Sénégal viennent d'annoncer leur volonté de mettre fin à la présence militaire française sur leur territoire.
Cette diversification des partenariats militaires et stratégiques révèle les limites de l’approche française. Seiddik Abba, expert du Sahel, souligne que la France n'a pas su adapter sa politique à la transformation du continent. Le cas tchadien est particulièrement révélateur : alors que le pays accueillait la plus importante base française en Afrique et servait de point de réponse après l'éviction des forces françaises du Niger, il se tourne désormais vers d'autres partenaires comme la Turquie, les États -Unis ou les Émirats arabes unis.
L'échec de la politique africaine d'Emmanuel Macron apparaît au grand jour. "C'est un peu triste maintenant quand on pense à Macron en bras de chemise en train de monter les cartes du Sahel... C'est encore toujours cette impression de paternalisme en pensant que depuis l'Élysée vous allez pouvoir changer ce continent ", observe Antoine Glaser. La tentative de réorientation vers l'Afrique anglophone, symbolisée par le prochain sommet au Kenya, ne convainc pas les experts.
Il ne reste désormais que 900 soldats français en Côte d'Ivoire et 300 au Gabon. Cette présence, autrefois considérée comme une « assurance-vie » pour certains régimes selon Seiddik Abba, apparaît aujourd'hui comme le vestige d'une époque révolue. La France paie le prix de sa difficulté à comprendre que l'Afrique a changé et qu'une relation fondée sur la présence militaire et l'influence exclusive n'est plus viable à l'heure où les nations africaines affirment leur souveraineté et diversifient leurs alliances.
par Djibril Ndiogou Mbaye
LETTRE OUVERTE À MACRON
Dans tous les cas, le massacre de Thiaroye sera un jour reconnu par un président français. Soyez ce grand président, le 1er décembre 2024 en les réhabilitant tous. Honorez-vous, honorez la France !
Reconnaissez le massacre de Thiaroye comme tel en rétablissant la vérité inaliénable de ces faits historiques douloureux et injustifiables.
Annoncez par la même occasion une décision de faire entrer au panthéon les tirailleurs africains, le 1er décembre 2024 au Sénégal.
La tribune de la commémoration du 80ème anniversaire du massacre de Thiaroye est pour vous une occasion exceptionnelle. Un rendez-vous avec la grande histoire des tirailleurs africains dans cette dernière guerre mondiale que vous n’avez connue qu’à travers des livres d’histoire qui n’ont pas dit toute la vérité sur les milliers de tirailleurs africains qui ont sacrifié leur vie pour libérer la France et le monde.
Le président de la République sénégalaise M. Diomaye D. Faye, en vous invitant à la commémoration du 80e anniversaire du massacre de Thiaroye, vous a grandement ouvert les portes de l’histoire des grands hommes d’Etat. Ceux qui changent le monde et le destin des hommes, en rendant aux peuples et aux hommes victimes d’injustices leur dignité dont ils ont longtemps été frustrés.
Martin Luther King a fait un rêve que Barack Obama a en partie réalisé. Frédérik De Klerk eut la hauteur de convier Nelson Mandela à des négociations nocturnes qui ont permis de mettre un terme à la longue et affreuse politique de développement séparé entre noirs et blancs d’un même pays.
Alors que nous attendons avec impatience la rencontre d’un grand Israélien et d’un grand Palestinien pour mettre un terme à un embrasement inutile et sceller une paix durable entre deux États frères et libres, voilà que ce grand destin vous tend la main. Cela n’arrive que rarement dans l’histoire d’un homme politique. Saisissez-la !
C‘est le moment de reconnaître le massacre des tirailleurs africains à Thiaroye.
Le timing est parfait, c’est maintenant ! Vous n’avez plus aucune excuse !
Les faits sont avérés et confirmés par tous les historiens sérieux et honnêtes. « Les faits sont têtus », ce n’est pas moi qui l’ai dit.
Le 1ᵉʳ décembre 1944, des tirailleurs Sénégalais mais aussi des Soudanais (actuels Maliens), des Voltaïques (aujourd'hui Burkinabè), des Ivoiriens tout juste rentrés de France où ils avaient combattu, ont été exécutés sur ordre d’autorités françaises, alors qu'ils réclamaient le paiement de leur solde de guerre.
Ces faits ont été récemment confirmés par votre prédécesseur François Hollande qui, dès 2014 reconnaissait à demi-mot en utilisant le langage « diplomatique » et pudique de « répression sanglante ».
Aujourd’hui, il va plus loin en confirmant, lui qui a eu comme vous certainement, accès aux archives classées, secret défense : « En fait, oui, c'est un massacre puisque ce n'est pas simplement une répression comme on en connaît dans des manifestations qui débordent. Là, il s'agit d'un massacre à la mitrailleuse. Les mots doivent être mis là où ils sont nécessaires et là où ils correspondent à une réalité, c'est à dire il y a eu un massacre à Thiaroye ».
Le moment est venu ! (ils sont presque tous morts, nos braves aïeux. Il ne reste plus que leur mémoire à honorer et nos cœurs à apaiser. Faites ce que vos prédécesseurs n’ont pas fait).
M. le président, je ne vous apprends rien en vous disant qu’il y a une crise entre la France et une frange de la jeunesse et des nouveaux dirigeants africains.
Vous n’avez plus rien à perdre car vous n’avez plus de grands enjeux devant vous, à part sortir en beauté. Justement, cette célébration en terre africaine est un tapis rouge déroulé sur le chemin de la grandeur. Ne marchez pas à côté. Je ne pense pas que le peuple français soit contre.
Faites de ce voyage une entreprise de charme au succès quasi garanti envers les nouvelles autorités du Sénégal et de l’Afrique qui cachent encore leur amour pour la France. Mais tendez aussi la main à la jeunesse africaine qui avance en regardant dans le rétroviseur de l’histoire. Elle n’a pas fait le deuil de l’esclavage et de la colonisation.
Cette jeunesse, sénégalaise et africaine, grand expert-comptable de notre histoire commune, ne saurait passer cette terrible créance au compte de pertes et profits. Cet épisode regrettable, inscrit dans le passif de nos relations, nous le vivons comme un omni-niant crachat dans notre chair, notre dignité et sur la mémoire de nos aïeux tirailleurs. Tirailleurs aux sacrifices longtemps méprisés. Leurs faits d’armes n’ont pas rempli les livres d’histoire et leur mémoire n’a pas été chantée par les poètes français, « Car les poètes chantaient les fleurs artificielles des nuits de Montparnasse, Ils chantaient la nonchalance des chalands sur les canaux de moire et de simarre.
Ils chantaient le désespoir distingué des poètes tuberculeux.
Car les poètes chantaient les rêves des clochards sous l’élégance des ponts blancs.
Car les poètes chantaient les héros, et {leur} rire n’était pas sérieux, {leur} peau noire pas classique ». L. S. Senghor.
Dans tous les cas, ce massacre sera un jour reconnu par un président français. Soyez ce grand président, le 1er décembre 2024 en les réhabilitant tous.
M. le président, la seconde demande que je vous ferais sera de profiter de cette occasion pour annoncer la « Panthéonisation » du tirailleur africain. Ce terme pouvant englober tous les tirailleurs africains. Une marque de reconnaissance, comme la France l’a récemment accordé à Missak Manouchian et ses camarades d’origine arménienne, pour leurs actions de Résistance.
Aujourd’hui, nous savons que les grands hommes d’État, qui ont marqué l’histoire de l’humanité, l’ont été par leur courage de reconnaître et de défendre la vérité des faits contemporains ou historiques.
Le président de la République sénégalaise vient de vous tendre un stylo en or et la page encore blanche du livre d’histoire que liront les générations actuelles et à venir, pour que vous puissiez y inscrire, vous-même votre propre histoire politique.
Je ne suis pas un mémorialiste, mais il y a la moindre des choses que la gratitude, le savoir-vivre ou la politesse, des vertus certes humaines mais que les États empruntent souvent pour s’élever au-dessus de leur ego et humilier la condescendance.
Honorez-vous, honorez la France. Vous êtes le mieux placé pour redorer le blason de ce grand pays-ami et redonner une nouvelle impulsion à la relation France-Afrique.
LA COLONIALE TIRE SA RÉVÉRENCE
Derrière le départ des troupes françaises du Tchad et du Sénégal se cache une réalité plus nuancée, selon François Soudan : celle d'États africains capables de décider par eux-mêmes. Une autonomie que Paris peine encore à reconnaître
(SenePlus) - Le 28 novembre 2024 restera gravé comme une date charnière dans l'histoire des relations franco-africaines. En ce jour symbolique, le Tchad et le Sénégal ont simultanément signifié leur volonté de voir partir les troupes françaises de leur territoire. Une décision historique qui signe la fin d'une époque et marque l'aboutissement d'un processus de désengagement militaire français du continent africain.
"L'armée française est présente de façon permanente au Sénégal depuis plus de deux siècles, précisément depuis la 'récupération' de Saint-Louis sur les Britanniques en 1814", rappelle François Soudan, Directeur de la rédaction de Jeune Afrique, dans son éditorial. Au Tchad, cette présence remonte à "la bataille de Kousseri et la mort au combat du sultan Rabah, le 22 avril 1900".
La rupture intervient de manière spectaculaire : le gouvernement tchadien annonce la fin de l'accord de coopération militaire avec la France, tandis que le président sénégalais Bassirou Diomaye Faye réclame le départ des soldats français, jugeant leur présence incompatible avec la souveraineté nationale.
Cette double annonce s'inscrit dans un mouvement plus large de retrait militaire français du continent. Comme le souligne l'éditorialiste, "après la Centrafrique en 2015, le Mali en 2022, le Burkina Faso et le Niger en 2023, l'armée française est donc en passe de quitter ce qui lui restait de positions dans cette bande sahélo-soudanaise qui lui a si longtemps servi de bac à sable pour entraîner ses troupes".
Au Tchad, la décision trouve une motivation particulière. Selon François Soudan, "le président Mahamat Idriss Déby Itno n'a jamais digéré l'absence de réaction du contingent français lors de l'assaut des rebelles sur N'Djamena, en février 2008". Cette rancœur personnelle s'ajoute à un sentiment anti-français grandissant dans la population.
Les bases militaires de Ouakam au Sénégal et de N'Djamena au Tchad, derniers vestiges d'une présence militaire post-coloniale, s'apprêtent donc à fermer leurs portes. Une présence qui, selon l'éditorial, constitue "une anomalie à laquelle les présidents Faye et Déby Itno avaient toutes les raisons de vouloir mettre un terme".
L'éditorialiste met en garde contre une lecture simpliste de ces événements : "Plaquer sur ces derniers la grille de lecture de l'influence russe, devenue le kit prêt à l'emploi des services de renseignement français en Afrique [...] n'a guère de sens". Il souligne qu'il est possible de "vouloir le départ de l'armée française sans pour autant se jeter dans les bras d'un maître de substitution".
Ce retrait militaire n'est qu'une première étape. La France doit maintenant affronter d'autres "chiffons rouges" de son passé colonial. L'éditorial évoque notamment "le massacre de Thiaroye, la sanglante répression des révoltes malgache et camerounaise, le génocide des Tutsis du Rwanda, la guerre d'Algérie".
Seul Djibouti conserve une justification stratégique pour maintenir des bases militaires françaises, celles-ci constituant selon François Soudan "une assurance-vie existentielle contre les convoitises de voisins qui estiment que ce petit État n'aurait jamais dû exister".
Cette rupture historique ouvre la voie à une nécessaire refondation des relations franco-africaines. Plus qu'une humiliation, ce départ forcé devrait être vu comme l'opportunité de construire un nouveau partenariat, débarrassé des vestiges de la colonisation et basé sur une véritable égalité entre les nations.
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THIAROYE : LA VÉRITÉ SORT DES ARCHIVES
Une délégation d'historiens sénégalais, dépêchée en France, a mis au jour des actes de décès jusqu'alors inconnus. Ces documents révèlent que le nombre de victimes dépasse largement les chiffres officiels communiqués par l'administration coloniale
Lors d’une conférence de presse, la commission technique chargée de commémorer le 80e anniversaire de cette tragédie a annoncé la découverte de documents inédits, notamment des actes de décès de tirailleurs sénégalais, dans les archives françaises.
Une délégation composée de six historiens sénégalais, en mission en France du 19 au 28 novembre 2024, a eu l’opportunité d’accéder à ces archives. Ces documents corroborent non seulement la réalité du massacre des tirailleurs sénégalais, mais révèlent également un bilan de victimes bien supérieur à celui communiqué par l’administration coloniale française.
La commission technique a affirmé que les recherches se poursuivront dans d’autres pays afin de lever toutes les zones d’ombre entourant les événements tragiques survenus au camp de Thiaroye en 1944. Cette annonce fait suite à la reconnaissance officielle du massacre par le président français Emmanuel Macron, une étape jugée cruciale par les membres de la commission.
Le président du comité a souligné que les préoccupations soulevées par les chercheurs et la population, concernant cet événement longtemps enveloppé de silence, sont désormais au cœur des débats. Pendant plus de huit décennies, l’oubli a été systématiquement orchestré, débutant avec l’inspecteur des colonies Louis Mera, qui, deux mois après les faits, avait conclu que cet « événement très grave » devait être absorbé dans l’oubli. Il a plaidé pour une construction du silence autour de cette tragédie.
La non-divulgation des archives et l’impossibilité d’accès des chercheurs à ces documents ont longtemps entravé la compréhension de cet évènement. Néanmoins, grâce à la détermination de certains chercheurs, des avancées significatives sont en cours. Le gouvernement du Sénégal a pris une décision judicieuse en constituant un comité chargé de faire la lumière sur cette affaire.
Cependant, l’effort ne s’est pas limité à la recherche de documents en France. Le comité a été composé d’universitaires, de journalistes, d’artistes et d’autres individus capables d’apporter une contribution au décryptage des événements tragiques de Thiaroye. Cette approche holistique permet de rassembler une palette d’informations qui facilitent la compréhension historique de cette question.
La mission en France ne s’est pas uniquement concentrée sur les documents que les autorités françaises étaient prêtes à partager. Les membres de la délégation ont exploré plusieurs centres d’archives et ont également élargi leurs recherches dans les communes afin de retracer la mémoire des Sénégalais. Cette initiative a permis de collecter des documents et des informations supplémentaires, enrichissant ainsi la base de connaissances sur cette tragédie.
Les historiens sont rentrés de leur mission avec de précieux documents qui apportent des éclaircissements sur de nombreuses questions restées sans réponse pendant tant d’années. Ces avancées sont susceptibles de faire évoluer significativement la compréhension des événements qui ont eu lieu à Thiaroye en 1944, en rendant hommage à la mémoire de ceux qui ont été victimes de cette iniquité.
Cette mission représente un tournant dans la quête de vérité et de justice pour les tirailleurs sénégalais, et marque un pas important vers la réécriture d’une histoire trop longtemps silencieuse.
PLUS DE BASES ÉTRANGÈRES AU SÉNÉGAL
"La souveraineté ne s'accommode pas de la présence de bases militaires dans un pays souverain". Diomaye annonce la fermeture des bases militaires françaises, tout en tendant la main à Paris pour un "partenariat rénové"
(SenePlus) - Le président Bassirou Diomaye Faye a annoncé jeudi 28 novembre que la France devra fermer ses bases militaires au Sénégal, tout en soulignant sa volonté de maintenir des relations privilégiées avec Paris. Cette décision historique s'inscrit dans une nouvelle vision des relations franco-sénégalaises.
Dans un entretien accordé à l'AFP au palais présidentiel, le chef de l'État a justifié sa position par des impératifs de souveraineté nationale : "Le Sénégal est un pays indépendant, c'est un pays souverain et la souveraineté ne s'accommode pas de la présence de bases militaires dans un pays souverain."
Cette annonce, qui confirme l'une des promesses phares de sa campagne électorale, s'accompagne toutefois d'une volonté affirmée de préserver les liens avec l'ancienne puissance coloniale. "La France reste un partenaire important pour le Sénégal au regard du niveau d'investissements, de la présence de sociétés françaises et même de citoyens français qui sont au Sénégal", a souligné le président Faye à l'AFP.
Le chef d'État plaide pour "un partenariat dépouillé de cette présence militaire-là, mais qui soit un partenariat riche, un partenariat fécond, un partenariat privilégié et global comme nous l'avons avec beaucoup d'autres pays". Pour étayer son propos, il cite l'exemple de la Chine : "Aujourd'hui, la Chine est notre premier partenaire commercial par le volume des investissements et des échanges. Est-ce que la Chine a une présence militaire au Sénégal ? Non."
Cette décision s'inscrit dans un contexte plus large de révision de la doctrine militaire sénégalaise. Selon l'AFP, le président a évoqué une mise à jour prochaine qui "impose évidemment qu'il n'y ait plus de bases militaires de quelque pays que ce soit au Sénégal", tout en appelant à "d'autres évolutions dans la coopération militaire".
Cette annonce intervient alors que la France a déjà engagé une réduction significative de sa présence militaire en Afrique. D'après des sources proches de l'exécutif français citées par l'AFP, Paris prévoyait de réduire ses effectifs au Sénégal de 350 à une centaine de militaires, dans le cadre d'une restructuration plus large de son dispositif militaire sur le continent.
Le timing de cette annonce est d'autant plus symbolique qu'elle coïncide avec la reconnaissance historique par Emmanuel Macron du "massacre" de Thiaroye, un geste salué par le président Faye comme "un grand pas" dans les relations bilatérales, selon ses propos rapportés par l'AFP.