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20 avril 2025
Société
L'EXCISION EN RECUL
Dans la région de Kédougou, où la tradition semblait immuable, d'anciennes exciseuses deviennent désormais les gardiennes de ce changement. Une transformation qui redonne espoir dans un pays où 25% des femmes sont encore victimes de ces mutilations
(SenePlus) - D'après Le Monde, une révolution silencieuse s'opère dans le sud-est du Sénégal, où des dizaines de villages renoncent officiellement à la pratique de l'excision, pourtant profondément ancrée dans les traditions locales. Cette avancée significative, qui s'est concrétisée en 2024, est le fruit d'un travail de terrain acharné mené par des militants dévoués à la cause.
Dans la région de Kédougou, où le taux d'excision atteint le chiffre alarmant de 91%, le village de Dakatéli illustre parfaitement les défis de cette lutte. Comme le rapporte Le Monde, "toutes les femmes sont mutilées" dans cette commune de 5000 habitants, selon les mots de l'ancienne exciseuse Bineta Kanté Diallo. Cette réalité persiste malgré une loi de 1999 qui rend la pratique passible de six mois à cinq ans d'emprisonnement.
L'Organisation mondiale de la santé distingue trois types d'excision, allant de l'ablation partielle du clitoris à l'infibulation complète. Les conséquences sont dévastatrices, comme l'explique Youssouf Sène, infirmier-chef dans le village voisin de Kévoye : "C'est une pratique aux conséquences irrémédiables". Il souligne notamment que "l'excision est pratiquée avec des objets souillés sans stérilisation ni désinfectant, avec la même lame pour plusieurs femmes", augmentant considérablement les risques d'infection par le VIH.
Le changement s'est amorcé en 2023 avec la signature de la déclaration d'Ethiolo par cinquante et un villages du département de Salémata. En 2024, vingt et une autres localités ont suivi le mouvement, portant à 16 000 le nombre d'habitants sensibilisés, selon Hervé Bangar, coordinateur de projets dans la région de Kédougou pour l'ONG Tostan.
Cette évolution est particulièrement significative dans une zone où cohabitent quatre communautés - Bassaris, Bédiks, Peuls et Coniaguis - et où la pratique était justifiée par des interprétations erronées des textes religieux. Le processus de sensibilisation, qui s'étend sur trois ans, vise à obtenir "l'abandon de la pratique par conviction, plutôt que par injonction", comme le souligne Hervé Bangar.
Les premiers résultats sont encourageants. Edith Kema Boubane, une "facilitatrice" de 26 ans formée par l'ONG Tostan, témoigne : "Grâce à notre combat, [ma fille] a été épargnée." L'infirmier Youssouf Sène confirme observer moins de cas d'hémorragie causés par des excisions récentes.
Cependant, comme le rappelle Hervé Bangar dans Le Monde, le combat est loin d'être terminé : "Il ne suffit pas de sensibiliser une fois, une exciseuse, ni un village, ni deux, ni même dix. Il faut aller toujours plus loin, y compris de l'autre côté de la frontière guinéenne, très poreuse." Cette mise en garde prend tout son sens quand on sait que la Guinée voisine affiche un taux d'excision de 95% chez les femmes de 15 à 49 ans, selon l'Unicef.
PASTEF ET LES RELIGIEUX, UN MALAISE PERSISTANT
Des tensions avec les salafistes aux frictions avec l'Église catholique, en passant par les désaccords avec la communauté mouride, le parti peine à gérer ses relations avec les différentes sensibilités religieuses
Depuis son accession au pouvoir, le parti PASTEF (Patriotes du Sénégal pour le Travail, l’Éthique et la Fraternité) fait face à des défis complexes dans ses relations avec certaines communautés religieuses du pays. Les récents propos tenus par le ministre de l’Énergie, du Pétrole et des Mines, Birame Soulèye Diop, lors de la cérémonie officielle du Gamou de Fass-Diacksao, ont ravivé les tensions entre le parti au pouvoir et une frange de la société sénégalaise, notamment les salafistes. Ces déclarations, jugées désobligeantes, ont suscité une vague de réactions et expose les fractures entre le parti au pouvoir et les familles religieuses, autrefois perçues comme des alliées potentielles.
Lors de cette cérémonie religieuse, le ministre Birame Soulèye Diop a tenu des propos qui ont choqué une partie de l’assistance et, au-delà, une communauté religieuse entière. Interrogé sur la possibilité que des figures politiques de premier plan, comme Ousmane Sonko ou le Premier ministre, puissent se convertir au salafisme, le ministre a répondu avec une fermeté qui a été perçue comme une attaque directe contre cette mouvance islamique.
« Comment une personnalité de cette trempe (Ousmane Sonko) pourrait-elle se convertir en salafiste ? Comment le Premier ministre, un petit-fils de Mame Rawane Ngom et un descendant direct d'El Hadj Ahmadou Ndiéguene, pourrait-il se permettre de devenir salafiste ? Un salafiste ne saurait être issu de cette famille religieuse (...). Aucun patriote n’est salafiste », a déclaré Birame Soulèye Diop, suscitant une onde de choc dans les rangs des salafistes et au-delà.
Ces mots, perçus comme une stigmatisation d’une communauté religieuse, ont immédiatement provoqué des réactions vives. Alioune Badara Mbengue, professeur de lettres, imam à la mosquée de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar (UCAD) et auteur du livre Salafisme et Convictions, a été l’un des premiers à répondre avec véhémence. Dans une publication intitulée RESPECT AUX SALAFISTES !, il a dénoncé ce qu’il considère comme une instrumentalisation politique des divergences religieuses.
Une réponse cinglante de la communauté salafiste
Alioune Badara Mbengue n’a pas mâché ses mots. Il a rappelé que les salafistes, loin d’être des ennemis de la nation, sont des citoyens engagés, respectueux des lois et soucieux du bien commun. « Monsieur le Ministre ignore peut-être que des salafistes ont soutenu son candidat et ont voté pour lui. Non pas parce qu’il est salafiste ou non, ou parce qu’il entend "salafiser" les Sénégalais, loin s’en faut, c’est tout simplement parce qu’ils ont découvert qu’ils se retrouvent dans pas mal de qualités incarnées par PASTEF et ses leaders, telles que : le patriotisme, le don de soi, la responsabilité, l’équité, l’insubordination aux lobbies et systèmes mafieux... », a-t-il écrit.
L’imam a également souligné que ces propos rappellent les pratiques de l’ancien régime, accusé d’avoir souvent instrumentalisé les différences religieuses pour diviser les communautés. « Il fait partie de ce qui était reproché au régime passé, son immixtion dans le champ religieux pour diviser les communautés et mettre les unes contre les autres », a-t-il ajouté, appelant à plus de retenue et de respect de la part des responsables politiques.
Dr Mouhamed Lo, une autre figure respectée de la communauté salafiste, a également réagi dans un enregistrement audio de cinq minutes. Il a appelé à la neutralité des responsables politiques et à l’évitement des querelles religieuses et ethniques. « C’est une insulte envers les salafistes et un manque de respect notoire », a-t-il déclaré, tout en rappelant que les autorités doivent éviter de tenir des propos qui pourraient enflammer les tensions.
Baye Ndiaye, résident à Tivaouane Peul et militant engagé de Pastef, exprime son désaccord avec les propos tenus par Biram Souleye. Selon lui, ce dernier s'est trompé en raison d'une certaine diabolisation des salafistes, qu'il associe à tort à une opposition systématique aux confréries religieuses. Baye Ndiaye souligne que Biram Souleye méconnaît l'origine et la réalité du salafisme, précisant que de nombreux salafistes sont en réalité des soutiens d'Ousmane Sonko et ont voté pour lui lors des élections.
Il estime que l'intention de l’ex maire de Thiés n'était pas de nuire, mais que ses propos ont été formulés de manière naïve, révélant un problème de communication. Baye Ndiaye rappelle par ailleurs le rôle clé joué par Dr. Ahmad Lo dans l'apaisement des tensions entre Ousmane Sonko et le régime de Macky Sall, lors de la période préélectorale.
De même, Imam Al Amine Dramé, proche de Pastef, partage cette préoccupation et considère la sortie de Biram Souleye comme une erreur stratégique. Selon lui, ces propos maladroits pourraient nuire aux relations diplomatiques, notamment dans un contexte où un grand imam d'Arabie Saoudite est attendu prochainement au Sénégal. Ce dignitaire religieux est censé diriger une prière à la Grande Mosquée, un événement symbolique qui renforce les liens entre les deux pays.
Imam Dramé craint que les déclarations de l’ancien président du groupe parlementaire, perçues comme polémiques, ne créent des tensions inutiles et n'affectent la sérénité de cette visite importante. Il insiste sur la nécessité de mesurer les conséquences de telles prises de parole, surtout dans un environnement religieux et politique aussi sensible.
Une relation complexe avec les confréries religieuses
Les tensions entre PASTEF et les communautés religieuses ne se limitent pas aux salafistes. En septembre 2024, Cheikh Oumar Diagne, ancien Directeur des moyens de la présidence, avait déjà suscité la polémique en critiquant les écrits de Serigne Touba, fondateur de la confrérie mouride. Ses propos avaient provoqué une onde de choc à Touba, capitale relligieuse du mouridisme, et un collège de 28 petits-fils du Cheikh avait produit un réquisitoire pour dénoncer ces attaques.
« Jamais depuis l’indépendance, un acteur politique ou public n’a affirmé sa haine et son hostilité envers toute la communauté, à commencer par ses leaders religieux comme l’a fait Cheikh Omar Diagne à visage découvert et si clairement », ont-ils écrit, appelant les tenants du pouvoir à réagir. Une marche de protestation avait même été planifiée, avant d’être interdite par le préfet de Dakar.
Ces incidents ont remis en cause les difficultés de PASTEF à gérer ses relations avec certaines confréries religieuses, pourtant influentes dans le paysage politique sénégalais. Le refus de prise en charge des hôtes du Magal de Touba (septembre 2024), un événement religieux majeur pour les mourides, avait déjà été à l’origine de la première discorde entre le parti au pouvoir et cette confrérie.
Voile à l’école : le choc entre Sonko et l’église catholique
Les clivages dépassent les communautés musulmanes. En aout 2024, Ousmane Sonko avait déclenché une polémique en s’en prenant aux écoles catholiques qui interdisent le port du voile. « Certaines choses ne peuvent plus être tolérées dans ce pays. En Europe, ils nous parlent constamment de leur modèle de vie et de style, mais cela leur appartient. Au Sénégal, nous ne permettrons plus à certaines écoles d’interdire le port du voile », avait-il déclaré, promettant des mesures strictes contre les établissements qui enfreindraient cette directive.
La réaction de l’Église catholique ne s’était pas fait attendre. L’Abbé André Latyr Ndiaye, une figure respectée du clergé, a répondu par une lettre ouverte en défendant la position des écoles privées catholiques, tout en rappelant leur engagement envers le respect et la paix. « L’école catholique, imprégnée de ces valeurs, n’a aucune raison de craindre le voile, un symbole religieux également ancré dans l’histoire chrétienne », avait-il écrit, citant les écrits de saint Paul aux Corinthiens.
Ces tensions successives posent la question de la stratégie de PASTEF vis-à-vis des communautés religieuses, qui constituent pourtant une base électorale importante. Avant l’accession au pouvoir, les relations entre le parti et les salafistes étaient au beau fixe. « Ils entretenaient de bons rapports et constituent une base électorale importante pour eux », confie Baye Ndiaye.
Cependant, les récents incidents peuvent fragiliser cette alliance. Les salafistes, qui avaient soutenu PASTEF lorsqu’il était dans l’opposition pour ses valeurs de patriotisme et de lutte contre la corruption, se sentent aujourd’hui trahis par des propos qu’ils jugent stigmatisants. « Nous pensions finir, depuis l’avènement de ce nouveau régime, d’entendre de tels propos désobligeants et qui font souffrir. Hélas... ! », déplore Alioune Badara Mbengue.
Ces récentes polémiques pointent ainsi les défis auxquels PASTEF est confronté dans sa gestion des relations avec les communautés religieuses. Alors que le parti s’est construit sur une dénonciation des injustices et des stigmatisations, il semble aujourd’hui tomber dans les travers qu’il dénonçait hier. « Gouverner, c’est rassembler et non diviser », rappelle un observateur politique.
Ousmane Sonko lui-même, lors de la campagne de dénigrement dont il a été victime, a su répondre avec mesure sans jamais heurter une communauté. Il est donc d’autant plus troublant de voir des membres de son gouvernement tenir des propos qui risquent de creuser un fossé entre PASTEF et des segments importants de la société sénégalaise.
Dans un pays où le religieux et le politique sont intimement liés, la gestion des relations avec les communautés religieuses est un devoir pour le parti au pouvoir. Pour éviter de se couper d’une partie de sa base électorale, PASTEF devra faire preuve de plus de retenue et de respect envers toutes les sensibilités religieuses. Car, comme le rappelle Alioune Badara Mbengue, « un patriote peut être salafiste, mouride, catholique ou autre. Ce qui compte, c’est son engagement envers la nation. »
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LES CONFIDENCES DE YOUSSOU N'DOUR
La star internationale de la musique sénégalaise livre un témoignage explosif sur ses relations avec le pouvoir. Entre résistance et influence, il dévoile comment il a pesé sur le destin politique de son pays
Dans un entretien accordé au podcast "Oui Hustle", l'icône de la musique sénégalaise Youssou N'Dour a levé le voile sur ses relations complexes avec le pouvoir politique, révélant notamment son opposition frontale à l'ancien président Abdoulaye Wade.
L'artiste mondialement reconnu s'est exprimé sans détour sur son engagement politique, expliquant sa vision du rôle d'un artiste dans la société : "Un président, un ministre, c'est une personne qui partage le même pays. Le président a une force, mais vous aussi vous avez une force. L'avancement du pays dans votre domaine vous concerne aussi, même si vous n'êtes pas président ni ministre."
Cette conception l'a conduit à s'opposer fermement à la tentative de "monarchisation" du pouvoir sous Wade. "Je me suis battu contre la monarchisation du pouvoir du temps de Wade", affirme-t-il, expliquant que cette opposition l'a naturellement rapproché de Macky Sall, alors candidat à la présidence. "On était en phase sur ça, donc il a gagné, j'ai participé à le faire gagner", révèle l'artiste.
Youssou N'Dour rejette catégoriquement l'idée de rester en retrait des affaires publiques : "Je ne peux pas croiser les bras. Ma loyauté et ma reconnaissance par rapport à mon pays ne me le permettent pas." Cette position l'a amené à collaborer avec différents gouvernements, tout en maintenant son indépendance d'esprit et sa liberté de parole.
L'artiste appelle également à une redéfinition des relations entre la France et le Sénégal, critiquant le manque de clarté actuel : "La France gagnerait énormément à ce que ces relations soient beaucoup plus claires." Il plaide pour une meilleure utilisation du potentiel de la diaspora, qui selon lui "a cette chance de connaître les deux cultures."
Dans un contexte où le Sénégal devient producteur de gaz et de pétrole, Youssou N'Dour reste optimiste pour l'avenir du pays, soulignant l'importance de sa stabilité démocratique et de la liberté d'expression, tout en appelant à la vigilance sur la gestion de ces nouvelles ressources.
CI LA ÑU BOKK S'INDIGNE
Le Cadre de Concertation pour le Respect et la Préservation des Droits des Femmes, monte au créneau pour défendre les militantes convoquées à la Brigade des mœurs. Il fustige la montée des conservatismes
Dans un communiqué parvenu à notre rédaction, le Cadre de Concertation pour le Respect et la Préservation des Droits des Femmes appelle à briser l'omerta sur les violences faites aux femmes au Sénégal. L'organisation, connue sous le nom "Ci la ñu bokk", dénonce la convocation de militantes à la Brigade des mœurs comme une tentative d'intimidation inacceptable. Elle met en lumière le paradoxe d'une société qui s'offusque davantage des manifestations contre les violences que des violences elles-mêmes.
"Nous, Cadre de Concertation pour le Respect et la Préservation des Droits des Femmes, venons apporter notre soutien effectif aux sœurs militantes suite à leur convocation à la Brigade des mœurs, le 22 janvier 2025, pour avoir décidé de manifester leur indignation contre les violences faites aux femmes.
Nous relevons que la perspective d’opter pour une forme d’indignation est la préoccupation majeure des « gardiens auto-proclamés de la vertu » muets sur les viols et autres violences perpétrées quotidiennement sur les femmes et les enfants. Cela en dit long sur la légitimation sociale de celles-ci !
Comment rester silencieuses sur le cas d’une petite fille de 9 ans tombée enceinte après avoir été violée par son maître coranique, sur une fillette de 12 ans violentée puis tuée misérablement dans une salle de douche, sur le cas d’une jeune tétraplégique tombée enceinte après avoir été violée, sur tous ces autres cas de violences sexuelles ou de viol commis sur des femmes et des mineur.e.s, des crimes récurents par centaine chaque année au Sénégal ?
Pourquoi s’acharner sur des voix féministes refusant l’omerta qui laisse les victimes à leur sort ?
Pourquoi contribuer à faire de notre société une communauté non humaine ?
Et nous dénonçons, au-delà de cette convocation, le rétrécissement de l’espace d’expression publique des femmes et la montée des conservatismes tendant à réduire leur droit de manifester et de se faire entendre dans la défense des causes qu’elles portent.
Le Cadre de Concertation se déclare solidaire de la lutte de toutes les femmes et des hommes pour la préservation des droits humains des femmes et des enfants ainsi que le respect de leur dignité, lutte qui intègre des activités de contestation dans l’espace public en toute liberté."
par Abdoul Aziz Diop
LES GRANDES VICTOIRES RÉPUBLICAINES DU PROFESSEUR DIÈYE
EXCLUSIF SENEPLUS - Il est celui dont les éclairages juridiques ont rendu d’indépassables services à l’ensemble du corps social auquel il a appartenu jusqu’à son plus qu’inattendu dernier souffle
Qui est mieux placé que ses anciens étudiants pour parler du Professeur Abdoulaye Dièye ? En voici un - Amadou Ba -, croisé sur le réseau social et professionnel LinkedIn, dont le témoignage sur l’exemplarité de l’universitaire se passe de commentaire : « Le Professeur Abdoulaye Dieye a guidé nos premiers pas à la Faculté de droit de Dakar. Ses enseignements en système politique sénégalais, en droit administratif, droit constitutionnel et droit foncier ont toujours orienté le pédagogue dans une dimension compréhensible de l’étude du droit public. Il fut un excellent pédagogue doté d’une courtoisie exemplaire et d’une humilité débordante envers les étudiants de la Faculté des Sciences Juridiques et Politiques (FSJP). »
Que dire d’autre ? Rien ou presque ? Oh, que si ! Le Professeur Abdoulaye Dièye était l’un des principaux interlocuteurs des journalistes qui veulent informer juste et vrai, des hommes et femmes politiques intègres, des activistes bien inspirés, des organisations de la société civile, du citoyen abusé ou désabusé et j’en oublie. Tout cela, en un seul homme, interpelle les intellectuels. Mais qui sont-ils, les intellectuels ? Celui de Sirinelli et Ory « ne se définit pas par ce qu’il est, mais par ce qu’il fait ». Il « est quelqu’un qui se caractérise par son intervention sur le terrain du politique en tant qu’il met en débat les affaires de la cité ». « L’écart entre [les] promesses des penseurs de métier et la situation des hommes est plus scandaleux qu’il ne fut jamais », écrivait Paul Nizan. Le résultat est le même lorsque, de l’avis de Pierre Bourdieu, « la pensée critique [se réfugie] dans le "petit monde" académique, où elle s’enchante elle-même d’elle-même, sans être en mesure d’inquiéter qui que ce soit en quoi que ce soit ». C’est qu’« une théorie doit servir…», disait Gilles Deleuze. « Je n’essaie pas de protéger ma vie après coup par ma philosophie, ce qui est salaud, ni de conformer ma vie à ma philosophie, ce qui est pédantesque, mais vraiment, vie et philo ne font plus qu’un », expliquait, pour sa part, Jean-Paul Sartre. Et depuis que « la politique est partout », « (...) l’intellectuel, au sens où (…) l’entend Edward Said, est (…) quelqu’un qui refuse quel qu’en soit le prix (…) les confirmations complaisantes des propos et des actions des gens de pouvoir (…). Non pas seulement qui, passivement, les refuse, mais qui, activement, s’engage à le dire en public ». L’intellectuel de Cheikh Anta Diop enfin serait celui dont « la qualité essentielle du langage authentiquement révolutionnaire est la clarté démonstrative fondée sur l'objectivité des faits ». À la fois intellectuel de Sirinelli et Ory, Nizan, Bourdieu, Deleuze, Sartre, Said et du grand parrain de son université, le Professeur Abdoulaye Dièye est celui dont les éclairages juridiques ont rendu d’indépassables services à l’ensemble du corps social auquel il a appartenu jusqu’à son plus qu’inattendu dernier souffle.
La science victorieuse de Dièye
Les nombreuses victoires, toutes républicaines, du Professeur Abdoulaye Dièye, sont avant tout celles du citoyen dont la présence, dans les assemblées indignées, rassurait et dépassionnait les débats sans rien enlever à leur gravité. Et puisqu’elles sont nombreuses les victoires, qu’il me soit permis de partager ici l’une d’elles, celle dont j’ai toujours entre les mains les dits et non-dits on ne peut plus convaincants hier, aujourd’hui et encore demain.
Le 23 août 2011, le Mouvement du 23 juin (M23) organise un forum à l’hôtel Ngor Diarama à Dakar sous le thème révélateur : « Pourquoi le président sortant Abdoulaye Wade ne peut pas être candidat à sa propre succession à l’élection présidentielle sénégalaise du 26 février 2012. » Des constitutionnalistes (d’abord au nombre de cinq) répondirent unanimement et sans équivoque aux deux questions cruciales que les Sénégalais se posaient :
« Le président de la République sortant Abdoulaye Wade peut-il constitutionnellement briguer un nouveau mandat (troisième du genre) ? »
« Le Conseil constitutionnel est-il compétent pour se prononcer sur la recevabilité ou non de la candidature du président sortant Abdoulaye Wade ? »
S’agissant de la première question, il ressort de l’intervention des juristes qui ont participé au forum qu’aussi bien l’esprit que la lettre de la Constitution de 2001, interdisaient au président de la République sortant de briguer un nouveau mandat en 2012. L’esprit a été confirmé par le président de la République lui-même qui en 2007, en réponse à une question d’un journaliste de RFI (Christophe Boisbouvier) à l’occasion d’une conférence, a affirmé avoir « bloqué le nombre de mandat à deux ». S’agissant de la lettre, il est important de noter que l’intervention du pouvoir constituant originaire a pour effet de substituer un ordre constitutionnel à un autre. Il est ainsi question d’application immédiate. Sur cette base, le président élu en 2000 sous l’empire de la Constitution de 1963 pour un mandat de 7 ans allait se voir appliquer le principe de la durée de 5 ans en vigueur de la Constitution de 2001. C’est pour lui permettre de faire ses 7 ans que les dispositions transitoires de l’article 104 ont été prévues. L’article 104 n’est donc pas superfétatoire. Il vient apporter une dérogation au principe de l’application immédiate en précisant que le président de la République en fonction poursuit son mandat jusqu'à son terme. Toutes les autres dispositions de la présente Constitution lui sont applicables. Dérogation est ainsi apportée au principe de la durée seulement. Ce qui revient à dire que l’alinéa 2 de l’article 27 qui limite le nombre de renouvellements du mandat à un lui est applicable dès 2007. Le premier mandat a été consommé en 2007, le second le sera en 2012. Un troisième mandat est impossible
Concernant la deuxième question, il faut bien admettre qu’aux termes de l’article 2 de la loi organique n° 92-23 du 30 mai 1992, le Conseil constitutionnel reçoit, conformément aux dispositions des articles 24, 25, 28, 29, 31 et 35 de la Constitution les candidatures à la Présidence de la République. Il arrête la liste des candidats, statue sur les contestations relatives aux élections du président de la République et des députés de l’Assemblée nationale et en proclame les résultats.
Nulle trace de l’article 27. Sur ces bases certains estiment que le juge n’a pas à se prononcer sur la question de la recevabilité de la candidature du Président sortant. Il n’apprécierait la validité d’une candidature qu’au regard des seules dispositions des articles 28 et 29 de la Constitution et LO 112 du code électoral, qui prévoient que le candidat doit avoir exclusivement la nationalité sénégalaise, jouir de ses droits civils et politiques, être âgé de 35 ans au moins le jour du scrutin, savoir écrire, lire et parler couramment la langue officielle, être en règle avec la législation fiscale, se conformer à l’article 4 de la Constitution, avoir déposé le cautionnement, être présenté par un parti politique ou une coalition de partis politiques légalement constituée ou être accompagné de la signature d’un certain nombre d’électeurs s’il s’agit d’un candidat indépendant.
- D’abord le texte sur le Conseil constitutionnel date de 1992 période pendant laquelle les dispositions de l’article 27 n’existaient pas. Le travail d’actualisation qui aurait dû être fait ne l’a pas été.
- Ensuite l’article LO 116 du code électoral dispose : « pour s’assurer de la validité des candidatures déposées et du consentement des candidats, le Conseil constitutionnel fait procéder à toute vérification qu’il juge utile. » On le voit bien, la marge d’appréciation du Conseil ne fait l’objet d’aucune limitation. Celui-ci peut donc examiner la validité des candidatures au regard du code électoral et de toutes les dispositions pertinentes de la Constitution, les articles 27 et 104 y compris
- Enfin, même si (hypothèse d’école) le juge constitutionnel se déclarait incompétent, que fera-t-il quand un candidat se fondant sur l’article LO 118, lui fait parvenir une réclamation sur l’inscription d’une autre candidature ? La loi prévoit qu’il doit statuer sans délai. Ce ne sera certainement pas pour répéter qu’il est incompétent. »
Le 13 octobre 2011, la messe et la prêche, auxquelles le M23, regroupant plus de 149 organisations de la société civile, des partis politiques, des mouvements citoyens et des personnalités indépendantes, était suspendu, avaient alors été dites et bien dites grâce notamment au Professeur Abdoulaye Dièye. Connu pour son bel esprit d’équipe, Dièye associa sa voix à celle du quintuor dont les quatre autres membres étaient les constitutionnalistes Babacar Guèye, Mounirou Sy, Ameth Ndiaye et Me Doudou Ndoye, Avocat, juriste (…).
Les professeurs de droit des Universités Demba Sy, El Hadj Mbodj et Ababacar Guèye livrèrent, à d’autres occasions, les mêmes conclusions.
Telle fut la méthode qui consacra la « Révolution », c’est-à-dire la conjonction entre la contestation et une grande idée, celle de défense de l’ordre constitutionnel pour l’égale soumission de tous à la loi fondamentale. En communiquant de la sorte, le Mouvement du 23 juin enclenchait la phase révolutionnaire de la protestation qui ne s’arrêta qu’après la victoire républicaine à laquelle le nom du Professeur Dièye ne peut être dissocié.
Plus personne n’ignore la suite dont l’un des points culminants est la formation de la Commission nationale de réforme des institutions (CNRI) dont Dièye fut le rapporteur et le défenseur infatigable. Les candidats à l’élection présidentielle du 24 mars 2024 sauf un, Mahammed Boun Abdallah Dionne (Paix à son âme), - le président Diomaye compris -, signataires des conclusions de la CNRI, saluent aujourd’hui la vie et l’œuvre du Professeur Dièye.
De l’homme politique notoire Madior Diouf qui nous quitta, il y a seulement quelques jours sans nous avoir auparavant appelés à son chevet, je rappelais dans un court post les considérables contributions éthique, intellectuelle et politique. Aux professeurs Diouf et Dièye, partis là-haut presque en même temps, la merveilleuse récompense réservée aux justes est sans l’ombre d’un doute la meilleure consolation pour les familles, les collègues, les étudiants, les amis et le peuple dont ils sont issus.
Abdoul Aziz Diop est ancien porte-parole du M23, ancien président de la commission communication dudit mouvement et co-rédacteur de l’ouvrage collectif « M23 : Chronique d’une révolution citoyenne » (Les Éditions De La Brousse, Dakar, 2014).
par Elimane H. Kane
ABDOULAYE DIÈYE, UN REPÈRE DE VALEURS TIRE SA RÉVÉRENCE
Nous venons de perdre un membre éminent de notre nation dont l’ampleur de sa contribution intellectielle et professionnelle est restée invisible car il ne s’est jamais préoccupé de la visibilité de sa propre personne
Abdoulaye Dieye qui vient de nous quitter est un homme d’une dimension rare. Un intellectuel rigoureux, spécialiste incontournable et inébranlable dans son domaine, mais surtout un adepte de la justice cognitive et militant engagé pour la République démocratique.
Je l’ai connu affable, humble et bienveillant et j’ai appris à travers les témoignages de ses parents, collègues et proches qu’il était un époux, un père et un camarade attentionné, solidaire avec un sens élevé de la famille et de la corporation.
J’ai découvert le jeune docteur en droit à un moment particulier de double opacité : un changement de siècle et une première alternance démocratique intervenue au Sénégal. Entre 1999 et 2000, alors jeune étudiant et militant du Forum civil, nous étions engagés dans l’organisation des débats publics sur l’élection présidentielle de février-mars 2000 et ensuite sur le projet de référendum proposé par Abdoulaye Wade en janvier 2021.
Pendant les joutes intellectuelles entre juristes et politistes qui avaient polarisé les débats de l’époque, j’ai été particulièrement fasciné par les positions justes et simples brillamment exposées par ce juriste hors du commun. Mes schèmes d’analyse sociologiques me rapprochaient davantage de ses positions, tellement il avait une ouverture d’esprit et une sensibilité aux réalités pratiques et dynamiques sociales, en sortant du cadre dogmatique et réactionnaire « des standards internationaux ». Pour lui, le peuple compte avant le prince.
Ce monsieur me parlait et j’ai cherché à mieux le connaître. Ce qui fut faciliter par notre engagement commun au Forum civil pendant plusieurs années, et aussi dans d’autres cadres comme les Assises nationales et dernièrement dans une large coalition d’OSC pour porter le Pacte National de Bonne Gouvernance proposé aux candidats de l’élection présidentielle de 2024.
Prof comme beaucoup l’appelait, était devenu mon consultant particulier sur les questions constitutionnelles et foncières. Nous avons eu beaucoup de débats numériques et en présentiel sur différents sujets. Son texte portant avant-projet de Constitution tiré des conclusions des Assises et affiné dans le cadre des livrables de la CNRI est un chef-d’œuvre qui mérite d’être considéré comme un document de référence par les autorités actuelles pour accomplir le travail de refondation.
Au moment où il refusait beaucoup de sollicitations et même de se prononcer publiquement sur certaines questions (il était dépité par l’absence d’actes conséquents des décideurs et la versatilité de certains de ses collègues par rapport aux conclusions des commissions de réformes sur les institutions et le foncier , il me consacrait de son temps pour des débats sur des questions importantes qui méritaient des éclairages. Il me fit même l’honneur de la confidence, lors du dernier débat que nous avons animé ensemble à la RTS pendant la soirée électorale des élections législatives dernières que désormais pour accepter une invitation à un débat, il doit s’assurer de la qualité des co-débatteurs et c’est parce que - il a tenu à le dire - c’était moi et le prof Sylla de l’UGB qu’il a donné son accord. Quelle marque sollicitude et de bienveillance !
Nous venons de perdre un membre éminent de notre nation dont l’ampleur de sa contribution intellectielle et professionnelle est restée invisible car il ne s’est jamais préoccupé de la visibilité de sa propre personne, encore moins des avantages et prestiges que pourtant son rang et sa dimension pouvaient lui permettre. Il a choisi de toujours rester humblement dans les rangs, comme un soldat de la patrie et de la vérité scientifique.
Que ton âme repose en paix, cher Abdoulaye et que le prestige et les honneurs cousent ton manteau dans les lieux les plus élevés du paradis.
Repose en paix à Saint-Louis que tu n’as jamais quitté, au service du savoir et de notre patrie.
PAR Aliou Gori Diouf
POUR UNE RECONSIDÉRATION DE L’APPROCHE DES ÉTUDES D’IMPACT ENVIRONNEMENTAL ET SOCIAL
Ces évaluations, qui devraient servir de garde-fou contre les dérives écologiques, se révèlent incapables de saisir la complexité des interactions entre activités humaines et écosystèmes sur le long terme
Les études d’impact environnemental et social, un outil d’évaluation aux perspectives limitées. Les études d’impact environnemental et social (EIES) sont souvent présentées comme des outils d’aide à la décision, permettant d’évaluer les effets potentiels d’un projet, y compris extractif, sur les écosystèmes et les populations. Elles abordent des aspects clés tels que la qualité de l’air, la pollution des sols, la dégradation des formations végétales, la disponibilité des ressources en eau, les impacts sur la faune et la biodiversité. Ces évaluations incluent des analyses qualitatives et quantitatives des impacts, mais sans une véritable mise en perspective à long terme.
Une vision trop limitée des impacts écologiques
L’une des principales failles des EIES est qu’elles ne prennent pas en compte la dynamique des écosystèmes sur le long terme. Lorsqu’elles identifient des impacts sur les ressources naturelles (eau, flore, faune, sols, micro-organismes), elles se contentent généralement de les quantifier et de les analyser dans le court terme sans intégrer leur impact sur les capacités de régénération des écosystèmes sur le
long terme. Or, toute pression anthropique sur un écosystème a des répercussions à court, moyen et long terme, sur la structure, sur le fonctionnement et sur les services écosystémiques (purification de l’eau, séquestration du carbone, régénération des sols, maintien de la biodiversité).
Ces dimensions fondamentales ne sont pas suffisamment approfondies dans les études actuelles dans une perspective long-termiste. Les analyses se limitent souvent à l’échelle temporelle du projet, en négligeant les transformations lentes et cumulatives qui continueront d’impacter les écosystèmes bien après la fin des activités des projets et qui pourraient les déstructurer et définitivement affecter leurs capacités à délivrer leurs services.
Une absence de prise en compte des coûts économiques et sociaux des dommages écologiques
Au-delà des impacts écologiques, les coûts économiques et financiers des dégradations écologiques sont rarement évalués dans les EIES. Or, la perte de biodiversité, la pollution des ressources en eau, la destruction des sols productifs et la déforestation ont des conséquences économiques directes et indirectes, qui se manifestent souvent sur le moyen et long terme par entre autres la réduction de la productivité agricole et des ressources halieutiques, la contamination des ressources en eau entraînant la multiplication des risques sanitaires et des plus tard l’augmentation des coûts de traitement de l’eau potable, l’exposition accrue aux risques climatiques et catastrophes naturelles, et enfin les coûts de restauration écologique extrêmement élevés.
De plus, les implications sociales sur le moyen et le long terme des dégradations écologiques sont rarement détaillées. La disparition des écosystèmes, et avec eux des ressources naturelles essentielles à la subsistance des populations locales conduirait ipso facto à, entre autres, un appauvrissement économique des communautés, des conflits sociaux liés à l’accès aux ressources, une migration forcée des populations affectées, une dégradation des conditions sanitaires due à la pollution et à la perte de services écosystémiques vitaux.
Ces aspects sont systématiquement sous-évalués ou écartés des rapports d’impact ainsi que le coût qu’exige leur correction.
Un besoin urgent de réformer l’approche des EIES
La manière dont les EIES sont conduites ne répond plus aux exigences du développement soutenable (durable). Il est incohérent de prétendre promouvoir un développement soutenable en se focalisant uniquement sur les impacts à court terme et en négligeant les effets écologiques, économiques et sociaux à moyen et long terme.
Il est donc essentiel de :
Repenser les méthodologies des EIES pour intégrer une analyse des impacts sur la résilience et la régénération des écosystèmes,
Inclure une comptabilité écologique et économique des dégradations environnementales dans l’évaluation des projets,
Exiger des études de suivi sur plusieurs décennies après l’arrêt des activités, afin de mesurer les impacts réels et leur évolution,
Mettre en place une obligation de compensation écologique renforcée, garantissant la restauration des écosystèmes dégradés.
Pour un alignement des études d’impact environnemental et social aux enjeux actuels et futurs. Donc, dans une perspective de la soutenabilité/durabilité, les EIES actuelles sont incomplètes, car elles n’intègrent pas les véritables coûts environnementaux, économiques et sociaux à long terme. Or, un projet qui génère des profits immédiats mais laisse derrière lui un passif écologique et social désastreux ne peut être considéré comme un projet de développement.
Si l’objectif est réellement de concilier croissance économique et préservation des systèmes écologiques pour les générations actuelles et futures, alors il devient impératif de réviser profondément la manière dont les impacts écologiques et sociaux sont évalués, anticipés et compensés. Sans cela, les EIES resteront un simple outil de validation administrative, et non un véritable levier de planification pour un avenir durable.
Dr Aliou Gori Diouf est géographe, spécialiste en environnement et changement climatique
Son parcours impressionnant, alliant expérience ministérielle et expertise à la BAD, illustre la tradition sénégalaise d'excellence dans les institutions internationales. Cependant, le chemin vers la présidence de la BAD s'annonce complexe
Amadou Hott, économiste, ancien ministre sénégalais de l’Economie, du plan et de la coopération et ancien vice-président de la Banque africaine de développement (Bad) en charge de l’énergie, du climat et de la croissance verte, est candidat pour la présidence de cette institution. Une candidature en droite ligne de ce qu’a été le Sénégal dans le monde : avant la découverte du pétrole et du gaz, la principale richesse de notre pays était la qualité de ses ressources humaines et de sa diplomatie. Le Sénégal ne compte pas sur l’échiquier mondial, il pèse.
En effet, d’illustres personnalités sénégalaises ont eu à diriger de grandes institutions africaines et mondiales ; ce qui a augmenté notre prestige. L’Unesco et la Fao ont été dirigées par Amadou Makhtar Mbow, de 1974 à 1987, et Jacques Diouf, d’août 1994 à fin juin 2011. Quant à Kéba Mbaye, il a été président du Tribunal arbitral du sport (Tas) et président de la Commission d’éthique du Comité international olympique (Cio). Et que dire de Lamine Diack, président de l’Iaaf de 1999 à 2011 ?
Plus récemment, nous avons, depuis mars 2021, Makhtar Diop, Directeur général de la Société financière internationale (Sfi), la branche du Groupe de la Banque mondiale dédiée principalement au secteur privé dans les pays émergents. Auparavant, il était viceprésident de la Banque mondiale pour les infrastructures et vice-président de la Banque mondiale pour l’Afrique subsaharienne.
Ou encore Abdoulaye Diop, ancien ministre du Budget, nommé président de la Commission de l’Union économique et monétaire de l’Afrique de l’Ouest (Uemoa). Abdoulaye Diop fut précédé à la présidence de la Commission de l’Uemoa par l’ancien Premier ministre Cheikh Hadjibou Soumaré et, à la création de cet organe communautaire, par Moussa Touré.
Sidi Ould Tah, actuel président de la Badea, pourrait faire la différence
C’est dire que la candidature de l’ancien ministre Amadou Hott, soutenue par le Sénégal, est une très bonne chose. D’ailleurs, le Sénégal mobilise un soutien régional et international pour son candidat dont les compétences et le leadership sont mis en avant pour diriger la Banque africaine de développement (Bad). «M. Amadou Hott, candidat du Sénégal à la présidence de la Banque africaine de développement, bénéficiera du soutien nécessaire», dira Yassine Fall, ministre de l’Intégration africaine et des affaires étrangères, lors de la cérémonie de lancement de la candidature de l’ancien ministre de l’Economie, du plan et de la coopération, en présence de plusieurs membres du gouvernement et d’autres personnalités sénégalaises, d’ambassadeurs au Sénégal de nombreux pays et de dirigeants du secteur privé. Pour Mme Fall, Hott est «un choix mûrement réfléchi et motivé par le parcours exceptionnel et les compétences remarquables de l’ancien ministre». C’est le «choix du président de la République, Son Excellence M. Bassirou Diomaye Faye». Mieux, «c’est une candidature très forte» qui «incarne parfaitement le leadership dont la banque a besoin». L’électrification, l’alimentation, l’industrialisation et l’amélioration de la qualité de vie des Africains sont les principaux défis que doit continuer à relever la Banque africaine de développement, selon Yassine Fall. Des «défis multiples» auxquels s’ajoutent l’urgence climatique, les crises sanitaires, la consommation numérique, la problématique des jeunes et l’autonomisation des femmes.
La Banque africaine de développement(Bad) va désigner, le 29 mai 2025 à Abidjan, le successeur du Nigérian Akinwumi Adesina. Le président de la Bad est élu par le Conseil des gouverneurs pour un mandat de cinq ans, renouvelable une seule fois. Le président actuel a été élu le 28 mai 2015 et a commencé son premier mandat le 1er septembre 2015. Il a été réélu le 27 août 2020 et a entamé son second et dernier mandat le 1er septembre 2020.
La Sud-Africaine Bajabulile Swazi Tshabalala, Viceprésidente principale de la Bad, a démissionné de ses fonctions en octobre dernier en raison de sa candidature à la présidence de cette institution financière. Amadou Hott a également démissionné de ses fonctions d’Envoyé spécial du président de la Bad chargé de l’Alliance pour l’infrastructure verte enAfrique. Selon le magazine économique et financier «Financial Afrik», le Béninois Romuald Wadagni, le Tchadien Abbas Mahamat Tolli etle Zambien Samuel Maimbo sont également candidats.
Et la dernière candidature annoncée est celle du Mauritanien Sidi Ould Tah, actuel président de la Banque arabe pour le développement en Afrique (Badea). D’ailleurs, c’est une candidature qui pourrait faire la différence, car aucune candidature des pays d’Afrique du Nord ne se profile, alors qu’ils représentent plus de 20% des droits de vote. Mieux, Ould Tah est soutenu officiellement par le Président de la Côte d’Ivoire, Alassane Ouattara, qui est un atout fort pour sa candidature. Le pays des Eléphants représente 3, 6% des votes et se trouve parmi les 20 pays qui ont le plus de pouvoir de vote.
Amorcer la rupture ou assurer la continuité ?
Pour cette élection, deux logiques s’affrontent : faire dans la continuité de l’action de Adesina (réélu en 2020, mais très controversé parce qu’accusé de népotisme, et ayant même fait l’objet d’une enquête). C’est dans ce camp que se situent Amadou Hott ou le Zambien Samuel Munzele Maimbo qui est vice-président de la Bad en charge du budget. Or, cette proximité avec l’actuel président Adesina pourrait, selon Jeune Afrique, «lui porter préjudice auprès des actionnaires non régionaux», même si elle ne semble pas affecter son image auprès des pays africains. En effet, est-ce de bon ton d’être perçu comme le continuateur de l’œuvre de quelqu’un dont le mandat a été jugé peu reluisant et fortement décrié par la Société civile africaine, qui lui reproche de trop miser sur l’investissement privé ?
Et de l’autre côté, il y a les partisans d’une rupture, comme le Tchadien Mahamat Abbas Tolli très soutenu par les pays de la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (Cemac) et par la Communauté économique des Etats de l’Afrique centrale (Ceeac). L’ancien Gouverneur de la Banque des Etats de l’Afrique centrale (Beac) a réussi à fédérer toute l’Afrique centrale autour de sa candidature. D’ailleurs, le Cameroun a officiellement renoncé à présenter un candidat pour la présidence de la Bad, se rangeant derrière la candidature du Tchadien. En effet, dans l’impossibilité de départager ses deux prétendants potentiels, l’économiste Albert Zeufack, directeur pays de laBanque mondiale, et Marie-LaureAkin-Olugbade, actuelle vice-présidente de la Bad, Yaoundé a choisi de respecter son engagement régional en faveur de Abbas Tolli.
Enfin, Hott aura aussi à faire face à Samuel Munzele Maimbo, qui bénéficie déjà de soutiens conséquents. Jeune Afrique révèle que le Zambien, vice-président à la Banque mondiale, est soutenu par «près de la moitié des pays du continent» grâce aux appuis de la Communauté de développement d’Afrique australe (Sadc) et du Marché commun de l’Afrique orientale et australe (Comesa). Il se dit que son passé de directeur de Cabinet de David Malpass, l’ex-président de la Banque mondiale proche de Donald Trump, pourrait également peser dans la balance, les Etats-Unis étant le deuxième actionnaire de la Bad avec 6, 5% de pouvoir de vote.
Obtenir la double majorité des actionnai- res africains et des actionnaires non afri- cains pour passer
Pour remporter cette élection stratégique, les règles sont précises : le futur président devra obtenir une double majorité.Il lui faudra convaincre à la fois les actionnaires africains, qui détiennent 60% des droits de vote, et les actionnaires non régionaux, principalement occidentaux, qui contrôlent les 40% restants. Côté africain, le Nigeria pèse très fortement avec presque 8, 6% des voix, derrière l’Egypte 6, 5% et l’Algérie qui pèse environ 5%, tout comme l’Afrique du Sud, la Côte d’Ivoire représentant, elle, 3, 6%. Parmi les bailleurs non régionaux, on retrouve les Etats-Unis qui représentent 6, 5%, le Japon qui possède 5% des droits de vote, l’Allemagne qui a 4, 1% de l’actionnariat, la France n’étant pas dans les 10 premiers actionnaires de référence, avec seulement 3, 7% des droits de vote
C’est dire que cette élection s’annonce complexe et le jeu des alliances n’est pas pour l’heure favorable au candidat sénégalais. En effet, là où les institutions sousrégionales du Centre et du Sud de l’Afrique font bloc derrière le candidat issu de leurs rangs, Amadou Hott devra faire face au Mauritanien soutenu par Ouattara, le puissant parrain de la zone Cedeao.
L’autre argument qui ne milite pas en faveur du Sénégalais est le «principe de la rotation» dans les institutions régionales et/ou internationales. En effet, il est de bon ton, après 10 ans de gouvernance d’un ressortissant d’un pays de l’Afrique de l’Ouest, de se tourner vers d’autres régions africaines. Donc les pays membres de l’Afrique centrale ou australe vont forcément souhaiter que le poste soit pourvu par une personnalité hors de la région ouest-africaine.
«Gros calibre» a effectivement un gros morceau
Elire Amadou Hott est une tâche ardue, un défi immense. Toutefois, il est loisible de se demander si notre diplomatie, avec à sa tête la ministre «Gros calibre», est capable de fédérer les Africains et même les non-Africains à la candidature du Sénégalais. «Gros calibre» a effectivement un gros morceau pour prouver qu’elle est à la hauteur des ambitions diplomatiques du Sénégal ; même si beaucoup en doutent. En effet, le Sénégal, pays en «ruines» et «sans marges de manœuvre budgétaire et financière», est devenu un pays isolé et sans influence. Déjà, personne n’est en mesure de dire si nos voisins immédiats (Mali, Guinée, GuinéeBissau, Gambie) apporteront leur soutien à Hott. Comme dans le domaine de la communication, une bonne communication interne (diplomatie de bon voisinage) a des effets positifs sur la communication externe (conquête de l’Afrique et de la présidence de la Bad). Si une bonne diplomatie de voisinage existait dans nos rapports avec eux, ces mêmes voisins ne seraient pas les fossoyeurs de nos ambitions africaines. La visite du Premier ministre en Mauritanie, suivie de l’envoi d’un émissaire mauritanien auprès du président Diomaye, sonne comme un désaveu du voyage de Sonko. L’on se rappelle que l’actuel Premier ministre avait fustigé l’accord de partage de la production du champ gazier de Gta. Il trouvait que ledit accord était en défaveur du Sénégal et promettait d’y revenir une fois au pouvoir, non sans dire que «ceux qui parlent de rapport de bon voisinage sont des hypocrites».En janvier 2017, lors de l’élection du président de la Commission de l’Union africaine, le candidat sénégalais Abdoulaye Bathily n’avait même pas reçu le soutien des voisins. En tout cas, le Sénégal n’a même pas pu obtenir tous les votes des pays de la Cedeao.
De plus, le Sénégal pourrait-il battre le candidat soutenu par ADO et la Côte d’Ivoire qui pèse 16 mille milliards de budget pour 2025 avec une balance commerciale excédentaire, première producteur de cacao et deuxième en café ? Non sans oublier que Birame Soulèye Diop, actuel ministre de l’Energie, alors opposant, avait créé un incident diplomatique en accusant le Président Ouattara d’avoir fait assassiner son successeur désigné, Amadou Gon Coulibaly. Les populistes ne règlent pas les problèmes, ils en créent d’autres pour cacher leur incompétence.
MOUSSA BALA FOFANA DELIVRE UN PLAN POUR PIKINE
Le Ministre de l'Urbanisme, des Collectivités Territoriales et de l'Aménagement des Territoires a consacré sa deuxième journée de séjour à Saint-Louis à une descente sur le terrain pour visiter quelques chantiers dans le cadre du renouveau urbain
Le Ministre de l'Urbanisme, des Collectivités Territoriales et de l'Aménagement des Territoires a consacré sa deuxième journée de séjour à Saint-Louis à une descente sur le terrain pour visiter quelques chantiers dans le cadre du renouveau urbain Moussa Bala Fofana révèle que le quartier de Pikine va être une priorité dans le Programme National d'accès au logement et de rénovation urbaine.
Également, la restructuration de Pikine sera une priorité du point de vue des enjeux et du poids démographique, a promis le Ministre avant d'inviter tous les citoyens et l'ensemble des délégués et conseillers de quartier à se mobiliser autour de l'activité du "Sétal Suñu Réew" de ce samedi.
La journée d’hier, vendredi 31 janvier, a été consacrée au renouveau urbain à travers une visite de travail effectuée par le Ministre de l’Urbanisme, des Collectivités Territoriales et de l’Aménagement des Territoires, Moussa Bala Fofana accompagné d’une forte délégation de chefs de services.
« Quand on parle de renouveau urbain on parle à la fois de structuration urbaine mais aussi de rénovation urbaine. C’est dans le cadre du programme national d’accès au logement et au renouveau urbain. C’est un programme qui vise à aider les Sénégalais à avoir accès à au logement mais surtout aussi à un cadre de vie mais un cadre de vie qui répond à nos besoins et nos aspirations. Ce qu’il faut retenir c’est que Pikine est un exemple et un cas d’école avec des enjeux majeurs liés au poids démographique ; à l’assainissement ; au changement climatique qui me change rien aux besoins d’accès au logement et à un cadre urbain rénové et renouvelé. Voilà pourquoi nous sommes venus parler avec les citoyens, descendre sur le terrain voir nous-mêmes ce que le conseil de quartier voit comme priorité et objectif avec nos services, la Fondation Droit à la ville ; l’Urbanisme ; le cadre de vie et l’adjoint au Gouverneur qui nous a accompagné pour que nous puissions voir sur le terrain l’applicabilité des instructions que nous a donné le Président de la République, à savoir d’être proche des populations », a-t-il expliqué avant de reprendre les propos de celuici qui disait « gouverner, c’est écouter ». L’autorité ministérielle a rappelé que c’est bien de recevoir des rapports faire des audiences et faire des études mais à un moment donné il faut descendre sur le terrain et écouter le citoyen qui est tous les jours en contact avec les problèmes. Il a promis que Pikine va être une de leurs priorités dans le Programme National d’accès au logement et de rénovation urbaine.
« La restructuration de Pikine sera une priorité du point de vue des enjeux que nous avons, mais surtout du poids démographique qui est un poids assez conséquent. Aujourd’hui, nous sommes venus sur le terrain pour parler avec l’ensemble des services du Ministère, pas uniquement pour une concertation à propos de la décentralisation, mais nous voulons parler d’accès au logement et gestion du cadre de vie », a fait savoir M. Fofana. Ce samedi, il compte redescendre sur le terrain pour prendre part à l’activité de nettoiement communément appelée « Sétal suñu Réew ». Nous allons faire ce que nous avons l’habitude de faire à savoir sortir pour changer notre cadre de vie et j’encourage vraiment tous les citoyens et l’ensemble des délégués et conseillers de quartier à se mobiliser autour de cette activité et nous voulons qu’elle soit portée par nos communautés notamment les conseillers de quartier qui sont aujourd’hui les cellules de base de notre politique publique. Nous voulons faire de nos délégués de quartier les acteurs de ce changement systémique mais nous ne pourrons jamais réussir si ces derniers ne prennent pas en charge le changement que nous voulons », a-t-il conclu.
Par Fadel DIA
TRUMP IS BACK !
Il a démontré des ambitions dignes d'un monarque : grâce collective pour les assaillants du Capitole, expulsions médiatisées d'immigrés sous escorte militaire, et projets de déportation massive à Gaza et Guantanamo
Vous aviez aimé le 1e Trump ? Vous adorerez le 2e…et peut-être le 3e, puisque le nouveau président des Etats-Unis n’exclut pas de renier le 24e Amendement de la Constitution américaine qui limite à deux, les mandats présidentiels, tout comme il tente de révoquer le 14e Amendement, qui reconnait le droit du sol à ceux qui naissent sur le territoire américain.
Le moins qu’on puisse dire, c’est qu’il y a un monde, un gouffre plus profond que la Rift Valley, entre le discours inaugural du 45ème et 47ème président des Etats-Unis et celui du 35ème.
Le 20 janvier 1961, le président J.F. Kennedy (44 ans) invitait ses concitoyens à se dépasser et prononçait ces mots qui sont restés gravés au cimetière national d’Arlington : « Ne demandez pas ce que votre pays peut faire pour vous, demandez-vous ce que vous pouvez faire pour votre pays…et ce qu’ensemble nous pouvons faire pour la liberté de l’Homme » ! Son discours avait duré moins de 14 minutes et celui prononcé le 21 janvier 2025 par Donald Trump (78 ans) n’est pas seulement deux fois plus long, c’est surtout une plate, fade et décousue énumération d’attaques contre ses prédécesseurs, de vantardises, de menaces et de fantasmes qui fait peu cas des droits humains et qui est indigne du chef de la première puissance mondiale. On croyait pourtant avoir déjà fait le tour des extravagances et des fanfaronnades de Donald Trump et on pensait que son second mandat nous réserverait moins de mauvaises surprises et même qu’il ferait profil bas, puisqu’il est poursuivi pour plusieurs délits et qu’il a même été condamné quelques jours avant son investiture dans une affaire de mœurs et n’a été dispensé de prison que de justesse.
D’ailleurs que pouvait-il faire d’autre de plus radical, que de fermer les frontières de son pays à ses voisins du Sud, aux pauvres et aux musulmans, de remettre en cause tous les acquis sociaux de ses concitoyens les plus démunis, d’encourager le port des armes ou d’accorder à Israël le droit de faire ce que bon lui semble au Moyen-Orient ? C’était sans compter sur son esprit fantasque puisque, dès le premier jour de sa prise de service, il a montré par ses prises de position et par ses gestes que nous n’étions pas au bout de nos surprises.
L’un des plus éminents historiens américains, Robert Paxton, qui est aussi l’un des meilleurs spécialistes du fascisme, avait trouvé « galvaudée et inadéquate » l’idée d’accuser Trump de fascisme. Il est revenu sur ses positions et en observant avec effarement les prises de position de celui-ci lors de son inauguration, son comportement et celui de ses militants et de ses proches, il pense désormais que le « Trumpisme » a bien des relents de fascisme.
Il lui a suffi de regarder la tribune : ce sont les chefs des grandes entreprises capitalistes qui sont aux loges d’honneur, scellant ainsi l’union entre le pouvoir et l’argent ! Trump est le premier président américain à inviter à son investiture des chefs d’Etat ou de gouvernements étrangers, mais il les a relégués au second rang, derrière une rangée d’oligarques. Pourtant si Elon Musk est l’homme le plus riche du monde, il n’exerce son pouvoir, toutes entreprises confondues (X, Tesla, SpaceX…) que sur moins de 150.000 personnes, qui ne sont que des employés, alors que Giorgia Meloni est la Première ministre, élue, de la 4e puissance européenne et d’un état de près de 60 millions d’habitants. Il est vrai qu’on peut aussitôt s’étonner qu’elle, tout comme le président argentin Milei, aient accepté de figurer à une place indigne de leur rang et irrespectueuse des règles du protocole diplomatique international. Cela découle d’un autre constat : Trump fascine tous ceux qui rêvent d’un pouvoir fort et il n’hésite pas à exercer un chantage sur ceux qui lui résistent. Paxton a aussi sans doute, écouté les premiers mots de Trump qui s’est présenté non comme un président élu par le peuple, mais comme un roi de droit divin, sauvé de la mort par Dieu pour rendre sa grandeur à l’Amérique. Son pays, ses concitoyens sont au-dessus des autres et au-dessus des lois et Il a le pouvoir de rebaptiser des mers et des montagnes, de s’accaparer d’entreprises ou de territoires étrangers, voire d’un pays indépendant et plus vaste que le sien, ou encore d’annuler d’un trait de plume des pratiques politiques instituées par ses prédécesseurs pour les remplacer par les siennes. Il célèbre la force et le culte de la masculinité et pour répondre aux vivats de ses militants, c’est une épée de cérémonie qu’il brandit. Il a fait du mensonge une arme politique et sa porte-parole peut, sans ciller, accuser Joe Biden d’avoir payé des capotes aux Gazaouis pour 50 millions de dollars !
Mais il n’y a pas que des milliardaires autour de lui, y compris certains qui l’avaient vertement critiqué et qui se sont ralliés à lui, sous la menace ou par intérêt. Il y a aussi des foules de personnes de tous les âges et même de toutes les couleurs qui le traitent comme un Messie, arborent sa photographie sur leurs tee-shirts, applaudissent à ses gestes, à ses frasques et à ses excès de langage, et sont prêts à tuer pour le défendre, comme le montrent les menaces de mort lancées contre l’évêque de l’église St John qui avait osé lui demander de faire preuve de miséricorde et qu’il a sommée de s’excuser.
Dans la hiérarchie de ses souteneurs, il y a un homme qui est un peu son clone et qui ne se retient plus. Il a achevé la journée d’investiture au Capitol One Arena par un salut fasciste, avant de s’illustrer par des propos minimisant le passé nazi de l’Allemagne.
On pourrait multiplier l’énumération des attributs monarchistes que s’est attribués Donald Trump en rappelant qu’en l’espace de quelques jours, il a gracié 1600 personnes qui avaient pris d’assaut le Capitole, forcé le barrage des policiers (en faisant des morts) et saccagé des bureaux, qu’il a fait procéder à une rafle médiatisée d’immigrés et à leur expulsion, menottés aux mains et aux pieds, par des avions militaires, en menaçant de représailles leurs pays d’origine ou de départ et qu’il se propose de déporter la population de Gaza et de transférer des milliers d’immigrés à Guantanamo, prison tristement connue comme lieu de détention et de torture de terroristes capturés par l’armée américaine, etc.
Qui arrêtera Donald Trump ? Certainement pas les Européens, divisés et paralysés par ses menaces de représailles et de hausse des droits de douanes, alors qu’ils pourraient être les principales victimes du Trumpisme ! Ce ne sont pas nous non plus, citoyens et dirigeants d’Afrique, qui amèneront Trump à refréner ses pulsions. Parce que nous n’existons simplement pas à ses yeux et sans doute ignore-t-il même que l’Egypte se trouve sur le continent africain.
D’ailleurs il suffit de comparer les menaces d’expulsion qui pèsent sur les immigrés en provenance des pays d’Amérique Latine d’une part- (plus de 250.000 personnes, chacun, pour le Guatemala et le Mexique, soit 1/3 du nombre total de la première vague de « déportables » ! ) - et sur ceux qui viennent du continent africain - (où, curieusement, la Mauritanie occupe l’une des premières places avec près de 4000 personnes concernées, probablement celles qui avaient fui les massacres de Ould Taya ! ) - pour comprendre que nous ne sommes pas la cible principale du courroux du nouveau président américain qui est bien trop occupé à se demander s’il doit combattre la Chine ou conclure un deal avec elle pour nous prêter attention.
S’il reste un espoir, il réside dans la Justice américaine, à condition que ceux qui la tiennent en mains, et qui ont la même légitimité populaire que Trump, continuent à se battre pour la séparation des pouvoirs, ce qui est le fondement de la démocratie américaine. Elle est à l’œuvre puisqu’elle a déjà mis à mal une des mesures phares du programme républicain, la suppression du droit au sol, et peut-être qu’un jour les menaces de Trump ne seront plus que des vœux pieux !