VIDEOFRANC CFA : LA FIN D’UN CARCAN ?
Ndongo Samba Sylla et Mahamadou Lamine Sagna relèvent l'anachronisme d'un ancrage monétaire figé depuis les indépendances. Plus qu'un simple débat d'experts, il s'agit d'un choix politique majeur conditionnant l'avenir des économies africaines
Le débat autour du franc CFA continue encore à animer les discussions dans les capitales ouest-africaines. Lors d'une conversation animée sur ce sujet brûlant, l'économiste hétérodoxe Ndongo Samba Sylla et le sociologue Mahamadou Lamine Sagna ont échangé leurs analyses perspicaces, sous la modération avisée de l'ancien ministre Amadou Tidiane Wone.
Dès les premiers instants, Sylla a mis en lumière le caractère « existentiel » de ce débat monétaire, touchant aux notions fondamentales de souveraineté et de confiance en soi pour les pays africains. Qualifiant la défense du statu quo de "défensive et réactionnaire", il a démonté méthodiquement les justifications avancées en faveur du franc CFA.
Selon lui, ni les performances commerciales ni l'attractivité des investissements directs étrangers dans la zone franc ne plaident en sa faveur. La fixité du taux de change à l'euro, héritée du pacte colonial, ne se justifie plus au regard de la diversification des partenaires économiques actuels.
Sagna a abondé dans ce sens, soulignant la « violence symbolique » et les conditionnements mentaux qui persistent autour de cette monnaie, 64 ans après les indépendances. Un tel attachement psychologique au franc CFA de la part de certaines élites africaines interroge et nourrit les soupçons d'une perpétuation des intérêts d'une certaine "Françafrique".
Les deux intervenants ont insisté sur la nécessité d'un ancrage monétaire plus légitime et représentatif des nouvelles réalités économiques. Certains proposent le recours aux droits de tirages spéciaux du FMI comme étalon potentiel, plus stable que l'euro ou le dollar seuls. D'autres plaident pour la création par les pays africains de véritables réserves à même de garantir leur future monnaie souveraine, comme ce fut le cas historiquement avec l'étalon-or.
Au-delà des considérations techniques, le dilemme récurrent est revenu lors de ce débat : faut-il des monnaies nationales ou l'intégration dans une nouvelle zone monétaire solidaire mais indépendante ? Un choix politique devant être guidé par la volonté d'émancipation économique.
Une chose est certaine, à l'issue de ces échanges de richesses : le statu quo monétaire actuel dans la zone franc, loin de favoriser le développement, apparaît comme un carcan à délaisser. Un vent de changement souffle indubitablement sur les archaïsmes du franc CFA.