VIDEOLE TERRORISME M’A PRIS MON FRÈRE
Rencontre avec Robert Brazza, animateur à "Canal Plus"
Robert Brazza apparaît dans la salle où devait se tenir sa conférence avec la presse sénégalaise en tunique basin blanche. Sans doute, un clin d’œil à la mode sénégalaise. Le natif du Congo brazza devait s’entretenir avec les journalistes de la diffusion de son émission nouvelle formule Plus d’Afrique live à Dakar prévue le 30 mai prochain. Malgré une journée très remplie, l’animateur vedette a accordé au journal Le Quotidien, quelques minutes pour parler de lui-même, de sa passion pour la musique, pour l’Afrique. Abordant l’actualité du continent marquée par le terrorisme, il confit avoir perdu son frère lors de l’attentat DC10 de l’Uta en 1989 ayant fait 170 morts
Les Sénégalais vous ont découvert sur les chaînes du bouquet canal. Est-ce que vous pouvez-nous dire qui est véritablement Robert Brazza ?
Un Congolais de Brazzaville qui est tombé dans la marmite du journalisme et de l’animation. Cela fait maintenant une vingtaine d’années. J’ai eu la chance de tenir le micro africain «miroirs» dans le quotidien de Africa Song et de poursuivre sur Africa n°1 tous les dimanches avec Manu Dibango.
Je dirais d’abord que je suis un passionné d’Afrique, de musique en particulier, des arts sous toutes ses formes et des sports. Parce que c’est dans un adn avec lequel on ne peut pas faire autrement.
Comment vous faites pour concilier animation et sport...?
Ça été au fur et à mesure. Et je dirais que j’ai commencé ma carrière par des films documentaires axés sur la politique, sur les conférences nationales souveraines au Congo et au Bénin. J’ai fait des reportages sur des documentaires animaliers mais la musique est toujours une toile de fond parce que j’adore la musique. Toutes les musiques d’ailleurs. Et mon envie, c’était au départ d’en parler de manière ludique dans les radios associatives en France ou ailleurs. Les premières émissions que je faisais, c’était dans des radios de fédération rock.
Donc c’était vraiment des groupes de rock. Du rock alternatif. Mais cela ne m’empêchait pas le lendemain de faire une interview avec des artistes de mon continent. Parce que comme tout bon Congolais, je suis un enfant de la rumba, de l’Afrique centrale, du Mocassa et de tout ce que s’y fait. A un moment, on a eu l’opportunité de pouvoir parler de ces choses là et on a demandé à la direction des chaînes de Canal de pouvoir le faire. Quand Jean-François (réalisateur de l’émission de Plus d’Afrique) est venu vers moi, il m’a dit : «On aimerait avoir une émission qui soit plurielle.»
Un magazine où puissent parler toutes les énergies africaines. On a eu des personnalités du monde économique, social, des cinéastes, des chorégraphes, des chanteurs, des footballeurs. A un moment donné on ne choisit pas. Dans la présentation d’un magazine pluriel, on ne choisit pas. Et je pense que c’est ce qui me définit le mieux.
Aujourd’hui, l’Afrique ne peut pas se permettre de défendre une seule catégorie de ses valeurs. Elle est obligée d’aller vraiment -pas d’aller dans tous les sens mais j’allais dire de prendre toutes les énergies et de les mettre ensemble. C’est pourquoi je disais tout à l’heure qu’un entretien de Germaine Acogny est tout aussi riche qu’un entretien de Abs Crew, de Baïdy Agne ou de Youssou Ndour.
Le Sénégal nous offre ça et les autres pays africains nous offrent ça aussi. C’est ce que nous voulons défendre sur Canal et au niveau de la direction de Canal. Tout n’est pas possible en même temps, mais c’est petit à petit qu’on arrive à faire les choses.
On vous sent particulièrement passionné d’Afrique à l’antenne. D’où vous vient ce sentiment ?
On ne peut pas faire autrement. Il y a des amis qui sont d’autres pays. J’ai des amis en France parce que c’est là où les studios de Canal sont basés. Ils sont de la Bretagne. Ils me parlent toute la journée. Moi je leur parle de Brazzaville, du bas Congo. Je leur parle du fleuve. Je suis de la rue. Je suis petit fils d’un chef de village. Quand je viens à Dakar par exemple, je suis un enfant de Ngor. La première chose que je fais, c’est d’aller dans cette localité.
C’est à Ngor que j’ai rencontré des artistes qui sont aujourd’hui connus. J’y ai rencontré Leuk-Sène, Madou Samb. C’est là-bas où j’ai découvert toute la dimension de la lutte sénégalaise avant même de découvrir toutes les stars de la lutte : Yékini, Bombardier et tous les autres. Donc c’est dans ces endroits où on voit les petites mains faire de grandes choses même sur le plan des vêtements. J’en parlais avec Collé Sow Ardo. Elle me dit : «Voilà en Afrique nous sommes très tactiles.» Le Sénégal m’offre ça. Parce que la frontière entre la tradition et modernité, le village et la ville est très fine et c’est tant mieux.
Et il faut que le Sénégal garde ça. J’adore regarder des émissions où on ne parle qu’en wolof, ou en halpular. Je ne comprends pas tout, mais je me dis que c’est formidable. Tout comme nous. On adore parler le lingala. On défend notre lingala. Le Sénégal est wolophone.
Le Congo Brazzaville est congophone ou lingalaphone. Quand Baaba Maal vient et nous livre tout l’art de la tradition Fulbé, moi ça me plaît. Il peut faire des titres avec Bono mais, il doit faire des morceaux comme Ya Béné (Il entonne la chanson). C’est ça que nous voulons entendre en attendant d’aller à Podor un jour. (Ndlr : rires)
En dehors des plateaux de télévision, qui est Robert Brazza en coulisses ?
Robert Brazza c’est un personnage bourgeon très proche de son fief, de sa famille. Encore plus depuis que j’ai perdu mon père l’été dernier. J’ai un peu fait le tour du monde. J’ai été un étudiant brillant qui a un moment donné s’est dit qu’on peut aller partout. On peut être à l’écran, être reconnu par tout le monde, mais cela ne suffit pas. Les êtres chers sont nos socles, nos piliers. Moi j’aime toujours dire, et j’espère pouvoir partager cette expérience avec les jeunes qui font notre métier, «soyez humains, soyez proches des vôtres» parce qu’on ne sait jamais de quoi est fait demain.
L’Afrique n’est plus épargnée par le terrorisme. Récemment on a vu la Côte d’Ivoire, le Burkina et le Mali frappés de plein fouet par ce mal. Qu’est-ce que vous en pensez ?
Je l’ai côtoyé de près parce que de manière plus personnel , j’ai perdu mon frère dans l’attentat du DC10 de l’Uta en 1989. C’était le 19 septembre. Il y avait 170 morts ce jour là. Donc je peux savoir ce que c’est que d’attendre qu’on vous appelle pour vous annoncer que l’avion dans lequel était votre frère a disparu dans le désert du Ténéré au Niger. Le terrorisme, je sais ce que cela veut dire notamment l’identification des corps. Je ne souhaite ça à personne.
Je trouve que c’est la conséquence d’une folie humaine qui ne peut pas être excusée surtout par des motifs religieux. C’est aussi pour certains la conséquence d’un désespoir. Mais je ne peux pas le défendre sous cette forme. C’est aussi la conséquence de l’abandon de certaines zones de certaines populations au profit d’autres.
Mais moi je dis non à la haine. Je suis très marqué parce que c’est dans nos pays, dans nos capitales, que ça se passe comme ça : les capitales européennes Paris, Bruxelles. Il va falloir qu’ensemble les Etats y réfléchissent très urgemment. Parce que ce phénomène est inacceptable.