VIDEOREMETTRE LES PAYSANS AU COEUR DU DÉVELOPPEMENT
"Notre agriculture paysanne a été démantelée depuis les indépendances." C'est le cri d'alarme de Mariam Sow, présidente d'Enda Tiers-Monde. L'experte en agroécologie révèle les dérives d'une politique agricole coupée des réalités locales
Dans un entretien pour "30 minutes avec" animé par Rama Salla Dieng, Mariam Sow, figure de proue de l'agroécologie au Sénégal, a lancé un vibrant plaidoyer pour la souveraineté alimentaire. Du haut de son parcours allant des Maisons Familiales Rurales à la tête d'un réseau international prônant des alternatives au développement, la présidente de l'ONG ENDA Tiers-Monde, a dressé un constat sans appel : "Notre agriculture paysanne a été démantelée depuis les indépendances au profit de modèles importés prônant l 'utilisation d'intrants chimiques au détriment des savoirs locaux."
Pourfendant les dérives d'une politique agricole oublieuse de ses racines, elle appelle les nouveaux décideurs à opérer un virage crucial : "Il faut d'abord que l'État arrive à croire en notre foncier, notre première richesse. Les terres doivent servir à "Nourrir les Sénégalais, pas à enrichir les multinationales avides de spéculation."
Quand à l'interrogation sur les trois priorités à assigner au nouveau régime, Mariam Sow est cinglante : "Premièrement, accepter et croire que l'agriculture paysanne, l'élevage et les produits forestiers sont des leviers incontournables de création d'emplois, notamment pour la jeunesse."
"Deuxièmement, revoir en profondeur notre système éducatif pour réconcilier l'enfant avec son terroir, ancien dès le bas âge aux réalités du monde rural et inculquer le respect de ces métiers."
"Troisièmement, décentraliser réellement le développement vers les communes, leur donner les moyens d'impulser des dynamiques locales en s'appuyant sur les communautés paysannes et la société civile", martèle-t-elle avec conviction.
Mariam Sow est formelle : pour faire face aux défis des changements climatiques, "l'agroécologie est une obligation pour les pays africains". Une dynamique nationale rassemblant tous les acteurs prend d'ores et déjà corps au Sénégal.
"Il faut que l'État nous écoute et intègre ces alternatives éprouvées dans sa vision politique, intime-t-elle. Les paysans étaient les premiers écologistes naturels, cessons de les délaisser au profit de fausses solutions toutes importées."
Mariam Sow rappelle avec force que bâtir la souveraineté alimentaire, c'est d'abord se réapproprier son destin alimentaire en puisant dans les immenses capacités encore trop souvent ignorées du monde paysan.