DÉCOLONISER L'AVENIR
Alioune Sall rappelle l’importance des idées, des imaginaires, et la nécessité de s’insurger devant la proposition obscène d’un avenir qui n’est pas autre chose que le passé indigne des autres
Dans cet épisode on rencontre Alioune Sall, dit « Paloma ».
Anarchiste révolutionnaire, Alioune Sall est passé de la critique par les armes qui le conduira en en prison, au front des imaginaires et de la prospective, épicentre du combat dans lequel se joue l’emprisonnement du futur des multitudes.
Il est le fondateur de l'Institut des Futurs Africains, un Think tank de prospective basée en Afrique du Sud.
Tout commence dans le contexte post-indépendance où l’apparente décolonisation administrative se traduit en réalité par un renforcement de la colonisation des futurs envisageables pour les jeunes nations, à travers l’instrument de la Loi Cadre.
Alioune Sall nous rappelle l’importance des idées, des imaginaires, et la nécessité de s’insurger devant la proposition obscène d’un avenir qui n’est pas autre chose que le passé indigne des autres.
Insurrection qui doit également inventer ses propres grammaires et architectures et s’émanciper des imaginaires révolutionnaires qui ont été forgées à partir de réalités et rationalités organisationnelles différentes. Car si l’avenir des Afriques n’est pas le socialisme théorisé hier à l’Est, alors le futur du continent demeure un territoire à explorer et un domaine à construire.
On découvre le rôle qu’ont joué les idées et les intellectuels radicaux du Sud, comme Samir Amin avec la théorie de la dépendance, qui ont influencé la marche du monde, creusé des failles dans la théorie économique dominante et dans le système des Nations Unies, qui a pu être infiltré par des militants, qui ont occupé des espaces et créé des sortes d’Agences A Défendre, comme celle de l’IDEP à Dakar. l’IDEP a entamé la construction d’un avenir post-capitaliste dès les années 70’ et a donné naissance à ENDA, la première ONG de chercheurs hétérodoxes basée au Sud, qui a pensé l’alternative au développement à partir de la critique environnementale de la modernité.
Il nous rappelle également que la préoccupation du développement est venue du Sud, à une époque où tout ce qui intéressait les grandes puissances étaient l’équilibre des forces du désordre.
Alioune Sall nous invite à réinventer l’avenir, à partir d’une analyse renouvelée du présent. A observer les effets de 60 ans de développement qui se traduisent par un creusement inouï des inégalités économiques, territoriales, culturelles et une vulnérabilisation accentuée d’une partie toujours grandissante de la population.
Les défis qui se posent aujourd’hui, c’est de construire une économie qui retrouve sa vocation originelle, qui est d’être le véhicule de la chaleur que produit la confiance en l’autre et la coopération. De renouveler la réflexion sur les nouveaux mécanismes de la dépendance, de retrouver l’audace de penser en dehors des paradigmes dominants, et de produire un langage commun pour construire un futur durable et désirable. Si possible, sans acronymes.