JUGÉE POUR LE CRIME D'INFANTICIDE
La divorcée voulait éviter le déshonneur
Divorcée et mère de deux enfants, Aïssata Ba risque 20 ans de travaux forcés pour infanticide. Traduite hier à la barre de la chambre criminelle de Dakar, elle est accusée d’avoir tué son troisième enfant né hors mariage, pour éviter le déshonneur.
En voulant éviter le déshonneur, pour avoir contracté une grossesse, 4 ans après son divorce, Aïssata Ba s’est finalement retrouvée en prison depuis 2012. Le pire, elle encourt 20 ans de travaux forcés. Elle est accusée d’avoir tué son nouveau-né, après son accouchement, dans la nuit du 22 au 23 septembre 2012. Il résulte des faits que sa mère était partie en Guinée. Etant seule cette nuit-là, elle a accouché dans sa chambre et s’est débarrassée du nouveau-né. Alors qu’elle pensait avoir trompé son monde, dès le lendemain, elle a été dénoncée par une personne anonyme. Celle-ci a appelé au commissariat de la Médina et a fait part aux policiers de ce qu’Aïssata aurait accouché et aurait dissimulé le bébé.
Sur ces entrefaites, les éléments enquêteurs se sont transportés aussitôt sur les lieux. Arrivés au domicile de la dame suspectée, ils l’ont trouvée en train de laver ses habits tachetés de sang. Conduite à la police et entendue, elle a confessé avoir accouché à terme. Mais devant le magistrat instructeur, l’accusée a complètement changé de version en alléguant avoir accouché, à 6 mois, d’un mort-né. C’est la raison pour laquelle elle a enveloppé le cadavre dans des draps avant de le déposer dans le véhicule qui ramasse les poubelles.
Hier, à la barre, elle a réitéré la même version, mais a tenté de se justifier pour se dédouaner. ‘’Le bébé était un mort-né. J’étais sous le coup de la peur et de la honte. Donc, je ne pouvais rien dire à mes voisins, ni à ma famille. Alors, je l'ai enfilé dans un morceau de tissu avant de le jeter à la poubelle’’, s’est défendu l’accusée. Elle a avoué avoir caché sa grossesse à son entourage, car elle ne voulait pas que sa maman et ses frères soient au courant.
‘’Elle a accouché dans une maison en baraque avec de l'eau partout’’
Suffisant pour que le parquet requière sa culpabilité. ‘’Cette grossesse, elle l’a cachée à sa famille. Elle n’a pas fait de visites prénatales. Sans l’aide, ni l’assistance de personne, elle s’est également enfermée toute seule dans la chambre de sa mère pour accoucher. Tout porte à croire que c’est un plan qu’elle a mûri. Et c’est une grossesse non désirée’’, a argumenté le substitut Saliou Ngom. Avant de marteler : ‘’On peut cacher une grossesse sans se faire remarquer, mais on ne peut pas accoucher et détruire une vie sans se faire remarquer. C’est la raison pour laquelle elle a attenté à la vie du nouveau-né en le jetant dans le véhicule d’ordures.’’
Mais, pour Me Fatima Sall, ‘’tout est basé sur la supposition’’, car il n’y a pas de preuve comme un certificat de genre de mort et une autopsie pour connaître les circonstances du décès du bébé. Elle a évoqué des raisons sociales pour essayer de justifier les raisons pour lesquelles sa cliente a caché sa grossesse. ‘’Issue d'une famille peulh et en tant que femme divorcée, elle se sentirait gênée d'être enceinte hors mariage’’, a-t-elle-expliqué. Elle a ajouté que l’accusée ne pouvait pas prévoir que sa mère et sa sœur seraient absentes des lieux, au moment de son accouchement. ‘’Je vous demande de l'acquitter, parce qu'il n'y a pas d'éléments de preuve. Elle a accouché dans une maison en baraque avec de l'eau partout’’, a conclu Me Sall.