LA NUIT D'HORREUR DE PAPE ABDOULAYE TOURÉ
La Maison des Reporters a pu se procurer les images de la séance de torture endurée par ce militant dans une caserne de gendarmerie. Le nez en sang, suppliant, il est menacé : "Brisez-lui les jambes !"
Une vidéo consultée par La Maison Des Reporters jette une lumière nouvelle sur les violences policières dont a été victime l'activiste sénégalais Pape Abdoulaye Touré aux mains de gendarmes en juin 2023. D'une durée de seulement deux minutes, cette vidéo confidentielle versée au dossier judiciaire de l'affaire montre l'étudiant le nez en sang et l'œil rouge, entouré de nombreux gendarmes armés de matraques dans une salle exiguë.
Selon les images décrites par La Maison Des Reporters, Pape Abdoulaye Touré supplie le "Chef Sow" présent: "Est-ce que je peux parler ?". Mais l'un des gendarmes rétorque cruellement: "Brisez-lui les jambes !". Pendant l'interrogatoire, un autre agent tente à plusieurs reprises de verser sur Touré le contenu d'une bouteille contenant un mélange abrasif de sable et d'eau, destiné à rendre les coups plus douloureux.
Ces faits trouvent leur origine dans l'arrestation de l'activiste le 1er juin 2023, en marge des manifestations contre la condamnation d'Ousmane Sonko. Alors qu'il rentrait chez lui après une discussion téléphonique avec sa compagne, Pape Abdoulaye Touré a été intercepté par des individus se réclamant d'un membre du gouvernement, qui l'ont menacé: "C'est la dernière fois que tu parleras!". Craignant pour sa vie, il a réussi à appeler à l'aide un gendarme non loin de là, qui l'a conduit dans les locaux de la caserne de Leclerc.
C'est là que commencera son calvaire, comme en atteste la vidéo glaçante. Pendant de longues heures, les gendarmes lui infligeront coups et blessures, lui causant une double fracture à la jambe et à la main ainsi que de multiples hématomes. Réclamant en vain de pouvoir prouver son identité, Touré sera accusé faussement de complicité avec Ousmane Sonko. Il passera finalement 9 mois derrière les barreaux.
Après sa libération, l'étudiant présente encore des séquelles psychologiques importantes selon son médecin. Injustement exclu des universités publiques, il n'a toujours pu terminer sa licence. "Rien que cela peut suffire à te traumatiser", déplore le praticien. « Parfois je me demande si je suis réellement Sénégalais », confie amèrement Touré, toujours soumis à un acharnement qu'il peine à comprendre.
La Maison Des Reporters indique que ses tentatives pour recueillir la version des faits des autorités militaires sont pour l'instant restées sans réponse.