LA PEINE DE MORT, SOLUTION OU REGRESSION FACE A LA CRIMINALITE ?
La peine de mort a été abolie au Sénégal en 2004, par la loi n° 2004-38 du 28 décembre 2004. Quant à la dernière exécution par ce procédé, il remonte au mois de juin 1967 avec la mise à mort d’Abdou Ndaffa Faye.

La peine de mort a été abolie au Sénégal en 2004, par la loi n° 2004-38 du 28 décembre 2004. Quant à la dernière exécution par ce procédé, il remonte au mois de juin 1967 avec la mise à mort d’Abdou Ndaffa Faye.
Et même avant cela, une seule personne avait été exécutée, en avril de la même année. Deux exécutions en 44 ans d’existence. Mais face aux nombreux meurtres recensés dernièrement dans la banlieue et au Sénégal, de nombreuses voix se lèvent pour demander le retour de la peine de mort.
Les semaines se suivent et les meurtres font l’actualité. Face à cette série de crimes violents, plusieurs voix se lèvent pour demander le retour de la peine de mort. Ils pensent, en effet, que cette mesure serait assez dissuasive pour que tuer constitue une barrière infranchissable. C’est ce que pense l’Imam Diop. « Il faut chercher des punitions à la hauteur des crimes, de fortes répressions. Quand quelqu’un commet un homicide volontaire, préparé et tout, on doit le tuer.
Si les gens ne craignent pas Dieu, ils craignent la mort. Ceux qui font ça, on doit les tuer. Si les gens savent que s’ils tuent, ils le seront eux aussi, ils ne tueront plus. C’est dissuasif. J’ai toujours été pour la peine de mort. Ceux qui ont aboli la peine de mort au Sénégal l’ont fait simplement pour sauver des gens mis en cause, des criminels. Toutefois, il ne faut pas mettre tous les auteurs d’homicide dans le même sac, certains sont involontaires.
Ceux-là peuvent mériter la clémence. L’Islam préconise de tuer ceux qui sont auteurs d’homicides volontaires, prémédités », défend l’imam Diop. Celui-ci précise en outre que même dans les cas où quelqu’un tue son prochain par imprudence (accident de la route par exemple), il y a une peine appliquée par l’Islam. La personne doit en effet affranchir un esclave, et si elle n’en a pas, elle doit jeûner durant deux mois consécutifs, sans oublier de dédommager la famille endeuillée à hauteur de 100 chameaux.
Chez le Sénégalais lambda de la banlieue, cet avis est largement partagé. A Keur Massar, non loin du marché, un étal vend du petit déjeuner. Petits pois, mayonnaise, thon, sont au menu. Les discussions vont bon train entre l’actualité sportive, celle politique, et le double meurtre de la Cité Technopole qui a ébranlé l’opinion publique. Et ce dernier fait semble éveiller le besoin de voir revenir la peine capitale. « L’Etat doit faire revenir la peine de mort. C’est un besoin urgent pour que ces nombreux crimes s’arrêtent », assène l’un des protagonistes du débat, appuyé dans son argumentaire par son voisin.
Un retour en arrière
Nonobstant cette ruée dans les brancards, d’autres ne sont pas de cet avis. Ils réfutent l’idée selon laquelle prendre une vie pourrait compenser la perte d’une autre. Benoît Tine, criminologue, est contre le retour de la peine de mort. Selon l’enseignant, il y a d’autres mécanismes qui peuvent aider à endiguer la criminalité. « La peine de mort, n’a pas un effet dissuasif et elle ne rend pas justice aux victimes ; c’est de la vengeance ; c’est de la violence qui s’ajoute à la violence. A mon avis, la peine de mort n’est pas une solution, et pour plusieurs raisons », débute-t-il.
Selon lui, cette sentence qui a existé au Sénégal et qui n’a été utilisée que deux fois avant son abolition en 2004, n’est pas une solution. Il ajoute que la plupart des pays du monde ont arrêté d’y recourir alors que dans les pays où elle existe, les meurtres sont légion. « L’État c’est nous. Qui sommes-nous pour ôter délibérément la vie à quelqu’un d’autre ? Ça va à l’encontre des droits des plus fondamentaux, le droit à la vie, protégé par nos législations et nos religions. Je pense au 5ème commandement : « tu ne tueras point ». Il s’agit du châtiment le plus cruel, inhumain et dégradant qui soit. La peine de mort, c’est nier tous les progrès de ces derniers siècles. C’est un retour en arrière ; c’est l’homme à l’état de nature ; c’est œil pour œil, dent pour dent ; c’est la loi du talion », renchérit Monsieur Tine.
Selon des chiffres d’Amnesty International datant de fin 2023, 112 pays dans le monde ont aboli la peine de mort, alors que 55 pays maintiennent toujours cette sentence. En Afrique subsaharienne, par exemple, en 2023, 38 personnes ont été exécutées par la peine capitale, contre 11 en 2022. Sur le continent, quatre pays ont pris des mesures législatives pour l’abolition de la peine de mort en 2023.