LA RENAISSANCE RÊVÉE DE PONTY
Berceau de l'élite africaine moderne, l'école coloniale William-Ponty garde une place à part dans l'histoire du Sénégal et de la sous-région. Si ses murs s'effritent, la volonté de ses vétérans perdure pour qu'elle renaisse de ses cendres
À Sébikotane, à une quarantaine de kilomètres de Dakar, se dressent les ruines de ce qui fut autrefois l'école William-Ponty, "fabrique à élites" de l'Afrique occidentale française (AOF) au début du XXe siècle. Créée en 1903 par la France coloniale, cette école a formé des générations de cadres africains qui ont ensuite pris les rênes des pays nouvellement indépendants. Aujourd'hui, les anciens élèves rêvent de réhabiliter ce site historique, comme l'a rapporté RFI le 28 novembre 2023.
Devant le grand amphithéâtre en ruines, Mamadou Kandji, ancien doyen de la faculté de lettres de l'université Cheikh-Anta-Diop, se remémore avec émotion ses années d'études dans les années 1960 : "Ce bâtiment date de 1938. Il y avait une salle de conférences en haut, un laboratoire de recherche en bas", décrit-il. Selon l'historien Gana Fall, l'école formait alors des "cadres moyens" pour servir l'administration coloniale française.
Mais elle a aussi vu éclore des figures majeures de l'indépendance africaine telles que Modibo Keïta, Abdoulaye Wade ou Hamani Diori. On parle d'un "esprit de Ponty" ayant uni ces jeunes élites. Pour Mamadou Kandji, "le bâtiment détruit a une histoire" et représente "la camaraderie" forgée sur ses bancs.
Aujourd'hui, le site est délaissé, entre bâtiments détruits ou transformés. Créée en 1991, l'amicale des anciens milite pour sa réhabilitation. Un projet avait failli se concrétiser sous Abdoulaye Wade mais a échoué. Les anciens rêvent désormais d'un "musée" et de "locaux d'éducation", confie Issakha Gueye. Le ministre de la Culture leur a promis de plancher sur le sujet. Autant de promesses qui résonnent avec nostalgie pour ceux qui furent les pionniers de l'élite africaine moderne.