LE LAC ROSE RENAÎT DES CENDRES DU RALLYE PARIS-DAKAR
Tombé en désuétude depuis plusieurs années avec l’arrêt du Rallye Paris-Dakar qui attirait de nombreux touristes, le Lac Rose tel un sphinx est redevenu, avec ses hôtels et son cadre convivial et discret - REPORTAGE
Le Lac Rose a complètement fait sa mue. Tombé en désuétude depuis plusieurs années avec l’arrêt du Rallye Paris-Dakar qui attirait de nombreux touristes, le Lac Rose tel un sphinx est redevenu, avec ses hôtels et son cadre convivial et discret, une destination de choix des Sénégalais, surtout les jeunes.
Yeux écarquillés, bouche bée, Coumba n’a pas les mots pour décrire ce qui lui arrive. En effet, elle vient de souffler une nouvelle bougie. Mais pas n’importe où. Elle fête son anniversaire dans une pirogue au milieu du Lac avec ses amis qui lui ont fait la surprise. L’étonnement de l’élue du jour est justifié parce que l’ambiance est à la fois festive et originale. Comme Coumba, nombreux sont les jeunes qui ont fait du Lac Rose leur destination préférée en cette période estivale. Ils viennent passer la journée dans cet endroit au lieu d’aller dans les plages de Dakar. Beaucoup raisons guident leur choix. Trouvé à l’hôtel «Tool-bi» en compagnie de ses amis dont certains se baignent dans la piscine tandis que les autres font des «selfis», Abdoulaye Diallo explique les raisons de sa venue dans ce coin. «Nous avons choisi de venir à Lac Rose parce que les hôtels d’ici sont luxueux, en plus c’est très calme. Et contrairement aux plages de Dakar qui refusent du monde, ici personne ne nous dérange», lance cet élève en classe de seconde qui est venu passer deux jours dans cet hôtel avec ses amis. Le caractère paisible du Lac attire également Diénaba.
Accompagnée de ses deux sœurs, Zéina comme l’appellent ses intimes confie : «Au lieu d’aller à la plage de Ngor ou à la Voile d’Or, j’ai décidé de venir à Lac Rose, parce que ses hôtels sont attirants et on peut prendre tranquillement des photos.» Souriante et en toute complicité avec ses sœurs, l’adolescente cite l’autre avantage du Lac que les autres plages n’ont pas. «Nous pouvons aussi être à l’abri des regards indiscrets et des garçons dragueurs», dit-elle en se photographiant dans le beau jardin de l’hôtel. La ruée des visiteurs vers le Lac est en train de redonner ses lettres de noblesse à ce lieu touristique qui a connu une traversée du désert suite à l’interruption du rallye Paris-Dakar. Cette nouvelle donne fait le bonheur de beaucoup de jeunes dakarois. C’est le cas de Dially Wade, étudiant en deuxième année de marketing et qui fait office de guide pendant les vacances. «Comme on est en vacances, je suis là pour me faire de l’argent», soutient-il avant d’ajouter : «je suis guide touristique. Je fais les commentaires historiques et scientifiques au niveau du site et je propose aussi des balades en voiture, en pirogue, en moto ou en cheval et j’ai même créé une page Facebook intitulée «Lac Rose Découverte.»
A l’en croire, les «les visiteurs ont l’embarras du choix avec des tarifs différents et abordables. Pour les balades en moto, le tarif varie en fonction de la durée. Lorsqu’on prend une heure, on fait le tour du lac, on passe par les dunes, on fait les safaris et descend par la plage avant de revenir au point de départ ; tout cela revient à 30.000 Fcfa», explique l’étudiant trouvé au restaurant d’un de ses amis construit avec des pneus. De temps en temps, on entend le trépignement d’un troupeau de vaches. Une scène qui donne au Lac un décor pittoresque. L’affluence notée dans ce lieu situé à 30 km de Dakar fait aussi l’affaire des piroguiers. «Les affaires marchent à merveille et durant les vacances, on peut gagner jusqu’à 25.000 FCFA par jour», révèle fièrement Badu, une tasse de «café Touba» à la main. A l’en croire, les tarifs ne sont pas fixes et peuvent varier entre 5.000 et 6.000 FCFA par personne et par balade. Néanmoins, il ne manque pas de relever quelques dérapages. «Les jeunes sont imprévisibles et parfois on peut avoir des clients qui s’embrassent dans la pirogue», indique le piroguier qui relativise cependant les choses en soutenant : «nous sommes dans un milieu touristique et nous devons nous attendre à ce genre de comportements, mais je vous assure qu’on voit du tout ici.»
MONTEE EN PUISSANCE DU TOURISME LOCAL
Même si le site accueille des touristes européens, il urge de préciser que le tourisme local se développe de plus en plus, selon Paul Dioguoye, gérant de l’hôtel «Etoile du Lac». «Il faut bien reconnaitre que c’est la population sénégalaise qui soutient le tourisme à travers l’organisation de colonies de vacances et la tenue de séminaires», déclare l’hôtelier. Les week-ends, souligne-t-il, tous les hôtels et les campements affichent le plein. Et parmi les clients, il y a presque pas de blancs. «Sincèrement, c’est le tourisme local qui fait marcher nos affaires», dit-il. S’agissant du regain d’activités du Lac, M. Diogoye estime que «la Petite Côte est saturée maintenant et les touristes préfèrent découvrir d’autres endroits comme le Lac Rose». Le site du Lac revit aussi grâce à de nombreux artistes et autres célébrités sénégalaises qui y possèdent des résidences. «La semaine passée seulement, j’ai vendu une maison au lutteur Moustapha Guèye», confie un promoteur immobilier qui préfère garder l’anonymat tout en nous montrant les maisons qui bordent le Lac et en révélant les noms de leurs propriétaires. «Vous voyez cette maison qui à côté de l’hôtel. Eh bien elle appartient à Modou Lo», indique le promoteur immobilier qui souligne : «d’autres célébrités sont en train de construire, mais je préfère taire leur nom.» De son vrai nom Lac Retba, le Lac Rose était au début un bras de mer. Mais avec la sècheresse des années 1970, le lac s’est rétréci et la teneur en sel a augmenté. Du coup, toutes les espèces de poisson sont mortes et se sont transformées en allophyles qui, sous les effets du vent et du soleil, donnent la couleur rose
GESTION DU LAC : Pas si rose que ça !
La gestion du lac, qui constitue l’une des principales attractions de cette station balnéaire, est décriée par certains acteurs touristiques. Ces derniers fustigent entre autres l’anarchie qui règne sur le site, l’absence de certaines infrastructures sociales de base et enfin le manque de promotion de l’espace touristique.
Le Lac Rose attire. Il est convoité. Malgré tout, il est confronté à beaucoup de goulots qui étranglent sa bonne marche. En tout cas, c’est le sentiment d’Abdou Sèye Dieng, musicien et propriétaire du restaurant «Miroir du Lac». «Le lac n’est pas très bien organisé. Il n’y a pas de règles strictes d’aménagement. N’importe qui peut venir et s’installer ici tranquillement», peste l’artiste. Ce qui lui fait le plus mal, c’est le nonrespect du code de l’environnement. «La manière dont le site est découpé est mauvaise. En plus, les lieux ne sont pas bien entretenus», déplore-t-il. Ces griefs sont partagés par un de ses amis et guide qui considère que, «les promoteurs ne sont mus que par leurs propres intérêts. L’environnement du lac leur importe peu. C’est le cadet de leurs soucis. Il est anormal de déposer des ordures aux abords du lac. Autre aspect déplorable, c’est le volet marketing. La destination du lac n’est pas bien vendue. On doit vraiment l’améliorer pour attirer les touristes». Abondant dans le même sens, Paul Diogoye demande aux «autorités d’améliorer l’éclairage public qui est défectueux». Soulignons par ailleurs que le site est entouré de villages comme Niagues, Deny Biram Ndao, Bouyé Mbam, Deny Guédie. Et si l’on en croit le guide, «l’Etat a légué la gestion du lac à ces villages qui gèrent les transactions. Ce qui fait que personne ne paie d’impôts. Et les bénéfices tirés de l’exploitation du lac sont réinvestis dans ces villages à travers à la construction de postes de santé, d’écoles et de soutiens aux plus démunis», informe le guide.