LES POPULATIONS DE DOUGAR CRIENT AU SCANDALE
Après la polémique foncière sur le littoral de Dakar, les dossiers Ndingler et Tobène, c’est au tour de Dougar de se signaler.
Après la polémique foncière sur le littoral de Dakar, les dossiers Ndingler et Tobène, c’est au tour de Dougar de se signaler. Les populations de cette localité dénoncent l’accaparement de leurs terres par des promoteurs immobiliers et la présence de militaires sur un site jugé litigieux.
La présence de militaires à Dougar inquiète les populations locales qui ont saisi l’huissier de justice Me Fatoumata Diémé pour constater ce facteur afin de sauvegarder leurs intérêts présents et futurs. Sur les lieux, l’officier assermenté indique avoir trouvé le 10 août 2020 des militaires sur le site en train d’effectuer des travaux de terrassement.
D’après son constat dont «L’As» détient copie, Me Fatoumata Diémé dit avoir trouvé un engin en train de terrasser le site et des militaires sur place. Le site en question s’étend sur 86 hectares et constitue le «8457R».
Selon les populations locales, l’armée ne devrait pas se hasarder à intervenir sur un terrain litigieux. «Certainement, ils ont été mal informés. Auparavant, c’est la Dscos qui venait, mais dernièrement c’est l’armée qui est venue. Peut-être que c’est pour nous intimider», a souligné le coordonnateur du Cadre d’Echanges, de Réflexions et d’Actions pour le Développement (Cerad) de Dougar. Daouda Faye soutient que jusque-là les populations ne savent pas qui est derrière le terrassement effectué actuellement par l’armée. «On a fait des démarches et jusqu’à présent on n’a pas vu les traces de ceux qui sont réellement derrière. On a entendu dire que c’est un titre de l’Etat. Mais nous pensons que l’Etat ne peut pas titrer jusqu’à titrer des écoles qu’il a fait construire.
L’Etat ne peut pas demander à ce qu’on titre des maisons et des cimetières qui sont à Dougar depuis 60 ans. Donc, ce n’est pas l’Etat ; mais ce sont des gens tapis dans l’ombre qui utilisent l’Etat pour s’enrichir. Le problème, c’est cela», explique Daouda Faye. En plus du site sur lequel se trouvent des militaires, il y a un autre titre 5586R d’une superficie de 72 hectares qui est également litigieux. Celui-ci oppose la société immobilière «Peacock Investments» et les populations de Dougar.
En réalité, souligne le sieur Faye, il a été alloué à la société immobilière le site initialement prévu en 2010 pour abriter le projet malaisien de 80 hectares pour des logements. «Mais la société a glissé à 2 km là où c’est plus accessible à l’autoroute et à l’aéroport sans pour autant bénéficier d’un acte administratif», renseigne le coordonnateur du Cerad de Dougar. Pis, il relève une incongruité dans cette affaire puisque le titre dont a hérité «Peacock Investments» des Malaisiens est de 80 hectares alors que le site dont elle prétend être bénéficiaire est de 72 hectares et empiète sur les terres des populations de Dougar. «Peacock Investments a confisqué les terres des cultivateurs avec la complicité de certains agents de l’administration. Donc, ils ont chassé les cultivateurs et occupé par la force le site. En juin 2019, encadrés par la Dscos, ils ont détruit tout ce qui était debout dans cette partie là», peste Daouda Faye. Sur l’espace, il y avait des vergers, des habitations, des bâtiments en construction, etc., et tout a été détruit par la Dscos sans sommation», se désole-t-il.
«LES POPULATIONS SONT TRES EN COLERE ET CELA RISQUE VRAIMENT DE CHAUFFER»
D’ailleurs, selon Daouda Faye, les deux sites litigieux empiètent dans le village traditionnel de Dougar Peulh à hauteur de 50 hectares. Et si cette emprise continue, souligne-t-il, le village devra être rasé ainsi que l’école de formation CSDPT «si cher au président de la République», les deux centres de formation en hôtellerie et en aviculture en construction présentement, les cimetières de Dougar Lossa et de Dougar Peulh, les deux mosquées de la zone et le terrain de football municipal qui a fait l’objet d’une délibération depuis 1998 par l’ancienne Communauté rurale de Yenne. «Ces titres vont tout engloutir alors qu’ils sont récents», souligne Monsieur Faye. Pour l’heure, les populations ont entamé des démarches administratives et envoyé tous les documents concernant ces deux titres à toutes les autorités en charge de ce dossier, jusqu’au plus haut niveau. «Mais jusqu’à présent, on n’a pas senti quelque chose bouger», précise-t-il.
D’après Monsieur Faye, tout a été fait pour contenir la colère des populations qui n’en peuvent plus. «Elles sont très en colère et le jour où elles vont sortir pour régler elles-mêmes leurs problèmes, cela risque vraiment de chauffer. Même si nous essayons de les contenir pour leur faire comprendre que la démarche administrative est la meilleure voie, mais on ne s’est pas entendu jusque-là», affirme-t-il. Il dit ne pouvoir estimer les dégâts qui sont énormes. A cela, s’ajoute le fait qu’il y ait toujours la psychose de la démolition. «C’est une question de survie qui se pose. Les populations sont obligées de rester pour ne pas perdre ce qu’elles ont aujourd’hui», a conclu le coordonnateur du Cerad de Dougar.