QUAND LE SEXE S'EXPOSE DANS LA RUE
A première vue, la société sénégalaise paraît pudique - Pourtant, derrière ce puritanisme se cache un érotisme débridé qui fait voler en éclats cette fausse réputation
A première vue, la société sénégalaise paraît pudique. Le sexe est tabou. On n’en parle pas publiquement. Pourtant, derrière ce puritanisme se cache un érotisme débridé qui fait voler en éclats cette fausse réputation. En vérité, le sexe est mis en vitrine dans la rue publique. Des draps de lit, vaisselles, petits pagnes appelés «Béthio» en passant par de suggestives perles en plus des dessous qui font tournoyer des têtes sont exposés avec en filigrane de jolis mots ou d’exquis croquis qui mettent en valeur la pratique sexuelle en plus d’un condensé de phrases que la pudeur ne nous permet pas de dévoiler. Ce qui a l’avantage de mettre à rude épreuve le sens des esprits puritains. L’œil perspicace et coquin du Témoin est allé visiter cet univers érotique à ciel ouvert.
Le sexe n’est plus un tabou au Sénégal. Ça, tout le monde doit en convenir si l’on se fie aux scandales qui meublent la toile. Qu’on le pratique ou pas, qu’on en parle ou pas, ça reste toujours pratiqué, maissouvent caché. Ce qui fait que le sexe a longtemps été un sujet tabou. Apparemment, avec le changement des valeurs et les nouvelles influences technologiques, l’approche au sexe prend des chemins pour le moins tortueux et qui montre que des cloisons se sont écroulées.
Des tabous brisés
Les tabous tombent pour laisser place à une nouvelle émancipation sexuelle. Des femmes ont été ainsi victimes des nouvelles technologies de l’information avec l’avènement desréseaux sociaux à travers Watshap et autres. Dans certaines de ces vidéos dont les femmes qui se disent libérées sont souvent victimes, elles se lâchent carrément et font tomber des masques et tabous. Elles se découvrent et montrent qu’elles ne sont plus des saintes. Le sexe se vit avec des pratiques qui dévoilent également qu’elles sont à l’école de la pornographie. Et jusque dans la rue… Au coin d’un marché de la capitale, une jeune dame expose ses articles. Draps de lit, oreillers, tasses sont posés çà et là. Jusque-là, rien d’anormal. Mais il suffit de pousser la curiosité pour se rendre compte de l’originalité de ces articles. Sur le drap de lit, on est attiré par un dessin qui représente un couple dans une position équivoque et pour le moins troublante pour des esprits chastes. C’est l’image d’un couple qui s’accouple avec des phrases suggestives qui feraient se boucher les oreilles à un imam. D’autres figures et mots plus évocateurs les uns les autres illustrent les autres articles. Les dessinssont pour le moinstrès osés et les motstout autant provocateurs. Bref, toutes les pratiques sexuelles et interdits illustrent les motifs. En tout cas, même si des personnes avouent que ces articlesleslaissent de marbre, d’autres disent que ça renforce leur fantaisie sexuelle tout en rendant plussavoureuse leur vie de couple. Toute personne normale ne pouvant rester de marbre face à ces appels du sens. « Il n y a rien de méchant, c’est dans le cadre de l’intimité et de la vie privée que tout cela se passe. Et dans l’intimité d’un couple tout est permis pour faire plaisir à son partenaire. Ce qui permet de sortir de la monotonie. Alors nay meti », lâche le regard provocateur M. Ibrahima Ly que nous avons rencontré dans un restaurant.
Toutefois, notre interlocuteur se désole que ces articles soient exposés dans la rue et au contact des tout petits. Si M. Ly se laisse aller à ce jeu d’érotisme, ce n’est pas le cas pour son ami, A Ndaw, lequel pense que ces procédés ne peuvent rien apporter en termes d’érotisme ou de sensualité. En tout état de cause, il estsûr que cette manière de procéder est anachronique par rapport à nos cultures et traditions. A en croire notre interlocuteur, tout cela participerait à rendre banal l’acte sexuel en ce sens que c’est juste une invite à une bestialité inopportune. « Je suis heureux de ne jamais rencontrer cette éventualité et de ne pas en connaître. Et pourtant, je suis sexuellement très libre et très ouvert. Il est préférable que la femme qui utilise ces trucs, attende la tombée de la nuit pour les mettre, sinon les domestiques, les enfants peuvent voir cesimages obscènes et cela pourrait avoir de fâcheuses conséquences sur le quotidien de ces innocents», fait savoir M Ndaw. D’après cet homme qui se veut pragmatique, avant, seul l’époux avait ce privilège de voir les petits pagnes et autres accessoires intimes de ses femmes. Mais aujourd’hui, tout le monde y compris les enfants y ont accès. « Une personne n’a pas sincèrement besoin de ça pour s’épanouir et réveiller son libido. Cela n’a rien à voir avec le ‘’Jongue’’. Beaucoup de femmes utilisent ces artifices pour marquer leur territoire, mais il y a d’autres manières pour y arriver sans pour autant être aussi vulgaire avec ces articles qui ne sont pas loin des images pornographiques », lâche une jeune fille qui se dit pourtant sexuellement émancipée.
« Ces pratiques rendent agréable la vie conjugale »
Face à ce flot de critiques, Amy Sylla, une vendeuse de ces produits, affirme que ses articles s’écoulent discrètement. Certaines parmises amies n’osant pasles exposer dansla rue en vue d’épargner les regards chastes. « A part celles qui les connaissent et qui veulents’en procurer, personne ne connaît ces pagnes. Ils sont gardés hors de vue des enfants. Même chez moi, je fais attention afin que les enfants n’aient pas accès à ces produits», rassure-t-elle. Et si notre interlocutrice avoue de l’intérêt de beaucoup de femmes et d’hommes pour ces produits, d’autres les regardent de façon dédaigneuse. C’estle cas de Mariétou. Cette belle liane avoue n’être pas intéressée par ces pagnes aux dessins provocateurs. «Je ne vois vraiment pas l’utilité de ces pagnes. Je les trouve encombrants. On est obligé de les cacher dans la chambre. Or, ce n’est pas évident, vu la configuration de nos chambres. Pour la plupart d’entre- nous, nos enfants ont accès à tous les coins etre coins de nos chambres. Alors moi, je préfère sauvegarder du mieux que je pourrais l’innocence de mes enfants et mon intimité plutôt que de faire plaisir à un homme qui, très souvent, a tendance à aller voir ailleurs», analyse-t-elle froidement. Pour Aïssatou Seck, ces pagnes font partie de nos us et coutumes, qu’on le veuille ou non. Avant d’ajouter, qu’il y a une nette différence entre les femmes qui utilisent ces pagnes et celles qui font sans cet arsenal de séduction. Suivant ses explications, ces femmes qui se veulent prudes ont tendance à voir leur mari aller bitumer ailleurs et, elles se réveillent un beau jour pour s’entendre dire que celui-ci leur a trouvé une coépouse.
‘’Kharitou Jeeg Yi’’, un vendeur qui se frotte les mains
Bien entendu, ces articles ne pourraient existersansles orfèvres du dessin. La plupart d’entre eux sont des hommes. Cependant ils avouent n’exécuter que des commandes de la clientèle. « On ne leur propose rien, ce sont elles qui nous disent ce qu’elles veulent et on exécute la commande sans se faire prier », confie ce jeune homme quise réclame être l’ami des femmes mariées et dont l’officine, nichée à l’Unité 4 des Parcelles Assainies, est connue des femmes qui tiennent à leur époux. C’est la raison pourlaquelle on l’appelle ‘’Xaritou Jeeg Yi’’. « Depuis très longtemps je m’active dans ce commerce, car ça marche à merveille », tient-il à nous rassurer. Cet ami desfemmes mariéestravaille avec une équipe de jeunes pé- tris de talent qui ont tous atteint la majorité. « Nous confectionnons ces étoffes car les femmes en raffolent », fait- il savoir. Et à l’en croire, selon la confession de ses nombreuses clientes, cela participe à donner du sel et du piquant à leur vie conjugale. « Des femmes qui ne s’épanouissaient plus dans leur couple viennent souvent m’annoncer que leur mari est devenu plus attentionné et accroc qu’avant ». Ce qui fait que chaque jour, celui quise réclame être l’ami des dames mariées reçoit une vingtaine de femmes qui viennent se procurer de nouveaux articles avec à chaque commande, de nouveaux croquis plus « hot ».
Cependant, avoue notre interlocuteur, la plupart de ces femmes le font en cachette. « Ce sont des articles qui ne sortent des tiroirs ou armoires que la nuit. Même nous qui les fabriquons, nous n’osons pas les exposer et c’est à huis clos que l’on exécute les commandes. L’accès de nos ateliers étant interdit aux enfants », fait-il savoir. Dans le lot de sa belle brochette de clientes, des femmes de toutes les classes d’âge et de catégoriessociales dont des cadres mariées sur le tard, il compte également dans sa clientèle des filles célibataires qui viennent se procurer ces « mari bonheur » pour faire plaisir à leurs copains. Des produits très recherchés et dont les prix s’échangent selon les accessoires. Par exemple, les lingettes coûtent 8000 FCFA et les draps de lit s’échangent entre 10 000 ou même 12 000 FCFA. Bref, des produits offerts à une clientèle exigeante que de petits détaillants viennentse procurer pour les étaler au coin de nos nombreux marchés. Ce qui donne souvent des allures d’un marché érotique à ciel ouvert. Dans tous les cas, nombreux sont les femmes quirestent accrochées à ces produits pour mieux ferrer les hommes. Et rares sont les mecs qui ne tombent pas dans le piège face à une invitation pareille. Une libération sexuelle qui ne dit pas son nom. C’est de bonne guerre…