QUELLES SOLUTIONS POUR ENDIGUER LA CRIMINALITE DANS LA BANLIEUE ?
Face aux nombreux crimes perpétrés dans la banlieue, des voix s’élèvent pour dénoncer, mais aussi pour proposer des solutions afin que les populations puissent dormir sur leurs deux oreilles.

Face aux nombreux crimes perpétrés dans la banlieue, des voix s’élèvent pour dénoncer, mais aussi pour proposer des solutions afin que les populations puissent dormir sur leurs deux oreilles.
Dans l’imaginaire collectif, la banlieue est source de crimes. Et malheureusement, les faits donnent parfois raison à cette idée reçue. Même si elle n’est pas la seule partie du Sénégal à enregistrer des crimes, de nombreuses morts violentes y ont été enregistrées ces derniers mois, et ces dernières années. Face à cela, populations et observateurs souhaitent trouver des solutions. Pour le psychosociologue Abdoulaye Cissé, la clé doit venir d’en haut. « Ce qu’il faut faire, à mon avis, c’est plutôt de renforcer la sécurité dans la banlieue avec une présence remarquée des forces de défense et de sécurité dans les zones criminogènes. Si des structures à orientation sociale doivent être installées, ce sera plutôt dans les établissements scolaires.
Cela existait avant avec notamment l’affectation d’un assistant social au sein de l’établissement ce qui permettait de régler énormément de problèmes y compris des germes de violences. L’Etat a également mis en place des mécanismes avec les maisons de justice, les maisons de la jeunesse, les centres conseils pour adolescents, les centres départementaux d’éducation sportive et populaire entre autres, mais leurs missions ne sont pas très connues par les populations », souligne M. Cissé. Toutefois, l’Etat ne peut en aucun cas tout faire tout seul. Abdoulaye Cissé prône en effet une participation de tous afin d’endiguer ce fléau. Selon lui, il doit y avoir « une éducation de base au sein de la famille, la reprise par l’école de sa double vocation (éducative et instructive).
Il serait également primordial de faire recours à nos valeurs traditionnelles de solidarité, d’entraide et de don de soi pour l’autre. Abdoulaye Cissé constate aussi que le « jòm » et le « ngor » font défaut dans nos manières de faire et d’agir et les derniers événements le démontrent à suffisance. « L’individuel doit être au service de la communauté et vice-versa. Pour dire in fine que le salut du peuple ne réside que dans cela, les valeurs cardinales acquises dans les instances de base de socialisation à savoir, la famille et l’école.
Le jour où l’on réussira à donner à ces deux instances de base leur lustre d’antan, il n’y a aucun doute que certains comportements et pratiques violents diminueront dans notre société. Le jour où la société redeviendra ce qu’elle était en termes notamment de valeurs immatérielles et que les discours violents et haineux disparaîtront sur la place publique, la violence diminuera sans conteste », reste persuadé Abdoulaye Cissé.
Les forces de l’ordre attendues au tournant
Benoît Tine, criminologue, a lui aussi une idée de ce qui pourrait contribuer à faire baisser les crimes. « La société sénégalaise banalise le crime. La violence est en train de s’incruster durablement dans la société sénégalaise. Il n’y a pas de solution miracle. La solution ou l’alternative n’incombe pas aux seuls politiques. On ne peut pas non plus « mettre un gendarme derrière chaque citoyen ». Les populations ne doivent plus être considérées seulement comme bénéficiaires de la sécurité, mais surtout comme des acteurs à part entière dans la mise en œuvre des politiques sécuritaires. Les décideurs devraient associer les populations à la gestion de la (leur) sécurité. La nécessité d’un partenariat « État-Population » pour lutter contre l’insécurité, l’incivisme et la violence s’impose », propose M. Tine.
Chez les principaux concernés, les habitants de la banlieue, c’est un plaidoyer qui est lancé. Assis sous un arbre près du marché Ndiarème, non loin du Lycée Seydina Limamoulaye, Idrissa a un téléphone dans les mains, les écouteurs dans les oreilles. Il confie écouter le bulletin d’information de 12h. La question de la criminalité dans la banlieue l’interpelle. Lui qui est né et qui a grandi à Guédiawaye, rêve que son terroir soit enfin débarrassé du sobriquet de zone criminogène. « Les jeunes qui volent, agressent jusqu’à commettre des homicides, tout cela aurait pu être évité. Si ces gens-là avaient poursuivi leurs études, trouvé un emploi, rien de cela ne serait arrivé. Ce n’est pas pour leur trouver une excuse, mais ces jeunes sont seulement mus par un besoin d’argent.
C’est vrai que les autorités font des efforts, mais on en attend un peu plus », renseigne Idrissa. Une autre zone criminogène dans la banlieue est celle du Technopole. Cette avenue recense de nombreuses agressions. « On ne se sent pas en sécurité. La vérité c’est que la police est complètement dépassée par la population de Pikine. La démographie augmente sans cesse, alors qu’on n’a pas assez de postes de police. Les actes de banditisme sont monnayés courante aux environs du Technopole, les malfaiteurs se cachent dans les parages car ils ne sont pas inquiétés. Il n’y a aucune sécurité ici. On devrait au moins avoir un poste de police à la Cité Technopole pour éviter certains actes de banditisme notoires », déplore Laye, un voisin d’Aziz Dabala, qui a été assassiné chez lui à Pikine il y a quelques mois.
A la fin du mois d’août 2024, les autorités policières ont fait une sortie pour rassurer les populations. Le commissaire Mouhamed Guèye, alors chef du Bureau des relations publiques de la police nationale, avait, en effet, assuré que les forces de l’ordre allaient prendre le problème à bras le corps avec le renforcement des effectifs sur le terrain. Quelques heures plus tard, le ministre de l’Intérieur et de la Sécurité publique, le général Jean Baptiste Tine, avait essayé de calmer les inquiétudes. « Il y a eu des morts, des meurtres (…). Nous voulons rassurer la population, que personne n’ait peur de sortir, de vaquer à ses occupations. Nous sommes là pour les protéger », promet-il.