LE MAL DE L'ATTAQUANT SÉNÉGALAIS
L’inefficacité des attaquants sénégalais devient de plus en plus un sujet de débat pendant les compétitions auxquelles prennent part nos sélections nationales
L’inefficacité des attaquants sénégalais devient de plus en plus un sujet de débat pendant les compétitions auxquelles prennent part nos sélections nationales. Même le chef de l’État en a fait la remarque aux dirigeants du football sénégalais, à l’occasion de la réception de l’équipe locale, victorieuse du Chan, et des champions d’Afrique de Beach Soccer. Qu’est-ce qui explique cette maladresse et quelles solutions pour y remédier ?
L’équipe locale du Sénégal a remporté le Championnat d’Afrique des nations (Chan) de football en s’imposant en finale face à l’Algérie (0-0, 2 tab 4), samedi dernier. Ce sacre historique a donné un coup de projecteur sur le football local sénégalais qui, de l’avis du sélectionneur national, est ‘’sous côté’’. Il n’a pas tout à fait tort, compte tenu de la qualité du joueur sénégalais qui est bien appréciée dans les grands championnats européens. Mais dans ce coup d’éclat des Lions locaux, la maladresse des attaquants était notoire, même aux yeux du plus profane des supporters sénégalais.
Lors de l’accueil des Lions au lendemain de leur sacre à Alger, le président de la République n’a pas manqué d’en faire la remarque. ‘’On doit former des attaquants de pointe plus solides. Les académies doivent revoir ça. Il y a un manque de 9. On doit avoir des attaquants qui fassent trembler les filets régulièrement. C’est une carence dans le football sénégalais. Peut-être les coaches et la fédération sont en train d’y penser, mais il faut marquer des buts. Au football, si on ne marque pas, on ne peut pas gagner des coupes. Le beau jeu c’est bien, le football défensif aussi, mais on ne va pas dans un tournoi pour défendre. Il faut être offensif pour gagner’’, a regretté Macky Sall.
Ce manque d’efficacité offensive est même parfois reproché aux hommes d’Aliou Cissé. Est-ce un défaut de l’attaquant sénégalais ? Certainement pas. Le chargé de la formation au Racing de Dakar indexe le système de jeu mis en place par le sélectionneur national Pape Thiaw. ‘’Tout s’explique par le système de jeu mis en place depuis le début du tournoi, avec le 3-5-2 qui ne facilitait pas la tâche aux joueurs offensifs qui étaient dénaturés. Comme ils jouaient en 4-3-3 dans leurs clubs, ça leur a causé d’énormes problèmes. Ils dépensaient beaucoup d’énergie et, arrivés au dernier tiers, ils manquaient de lucidité pour marquer’’, explique El Hadj Cissé.
Pour l’ancien coach du Dakar université club, ‘’la réussite d’une attaque est aussi sujette à l’organisation défensive’’ de l’adversaire. ‘’Si en face ce n’est pas tellement solide, la réussite vient naturellement. Mais si au contraire c’est solide, ça devient difficile. Le football est une organisation aussi offensive que défensive’’, explique Abdou Karim Mané.
Mais qu’est-ce qui explique donc cette inefficacité déconcertante ?
Manque de maitrise et de confiance
Si la maladresse n’est pas un défaut propre à l’attaquant sénégalais, celui-ci s’illustre par son manque de ‘’maitrise’’ et de ‘’confiance de soi’’. C’est le constat fait par les techniciens. ‘’L’attaquant sénégalais est souvent dans les nuages, une fois devant le gardien. Souvent, dans sa tête, il marque le but avant d’avoir frappé le ballon. C’est ce manque de lucidité qui fait que l’attaquant sénégalais a des problèmes’’, souligne coach Cissé. Il souligne aussi le manque de confiance qui découle de la non-maitrise des fondamentaux du football.
‘’Parfois, c’est le manque de confiance en soi, parce que, pour marquer un but, il faut être serein, avoir de la clairvoyance. C’est ce qui explique la maladresse de Pape Diallo, surtout Cheikh Ibra qui faisait beaucoup de débauche d’énergie. Arrivé au dernier tiers, il tergiversait pour savoir quelle surface du pied utiliser. Ce manque de confiance est aussi dû à la mauvaise connaissance du haut niveau’’, explique Karim Mané.
‘’Par rapport à nos gosses qui viennent de jouer une première finale dans leur carrière, ils sont en terre étrangère en Algérie, un grand pays de foot, dans un stade archicomble. Subitement, dans le jeu, l’occasion se présente, le joueur a envie de marquer, mais dans la précipitation, il peut rater le geste facile. C’est l’aspect mental qui joue, à partir de ce moment’’.
Sur cet aspect, coach Cissé préconise de ‘’forcer le joueur à vivre la réalité du terrain, savoir quand il est en position d’ailier droit ou gauche, comment marquer, quand il sort du centre du terrain, comment il doit se positionner pour marquer le but’’.
Déficit d’exercices personnels
Ainsi, coach Mané plaide pour le renforcement du coaching mental. ‘’Les entraineurs travaillent d’arrache-pied pour assurer l’efficacité de leurs attaquants. Dans la semaine, il y a des jours où l’entraineur ne fait que travailler devant les buts avec les joueurs d’une manière répétitive. Parfois, le jour du match, mentalement, le joueur est bloqué’’, explique-t-il.
Malgré l’importance du coaching, le travail individuel du joueur aussi occupe une place primordiale dans son rendement, les jours de match. Selon le chargé de formation au Racing Club de Dakar, les attaquants sénégalais ne font pas souvent assez d’exercices pour s’améliorer. ‘’Le joueur doit être en éternelle répétition des différents gestes, même s’il n’y a pas match. Après chaque séance, laisser du temps aux joueurs de travailler, comme le font les professionnels qui en ont les moyens. Mais ici, l’attaquant sénégalais n’a pas beaucoup de temps de travail déjà et après la séance collective, lui personnellement ne va pas au terrain pour s’exercer davantage dans son domaine. Il se contente de ce qu’il fait à l’entrainement’’, regrette-t-il.
En plus des exercices, El Hadj Cissé recommande de mettre l’accent sur la formation. ‘’Dès la formation, si on ne fait pas répéter aux enfants les fondamentaux, cela devient compliqué offensivement, une fois en équipe senior où ils doivent être des joueurs confirmés. C’est pourquoi, au niveau de la formation, il faut voir le profil des encadreurs de ces enfants, pour leur permettre de développer cette phase offensive’’.