«NOUS VOULIONS LA CREATION D’UNE VRAIE ECOLE SENEGALAISE DEBARRASSEE DE L’HERITAGE COLONIALE»
MAMADOU NDOYE ANCIEN SECRÉTAIRE GÉNÉRAL DU SUDES

La lutte pour l’instauration de la démocratie a été le principal combat de Mamadou Ndoye à la tête du Syndicat unique et démocratique des enseignants du Sénégal (Sudes). Pour le leader de la Ligue démocratique (Ld), au-delà des revendications professionnelles, l’esprit du mouvement du 13 mai était de décoloniser l’école sénégalaise
Avec le recul comment analysez vous la journée du 13 mai 1980 ?
A cette époque, la vie syndicale était très difficile, car la liberté syndicale n’était pas totalement garantie.
Dès sa création en 1976, le Syndicat unique et démocratique des enseignants du Sénégal (Sudes) a tout de suite été catalogué par le gouvernement comme une organisation politique et non comme un mouvement syndical. Mais, fidèle à notre mission, nous avons tenu à être à côté des travailleurs pour les guider dans la réussite de ce grand jour historique pour tout le syndicat enseignant.
Beaucoup de syndicalistes parlaient aussi d’une volonté de décoloniser l’école sénégalaise avec le renvoi des assistants techniques européens. est-ce que cela a participé à votre volonté de créer ce mouvement ?
En dehors des revendications professionnelles, nous avions milité pour la démocratisation de l’école sénégalaise. Au sortir de cette lutte, nous voulions la création d’une école sénégalaise débarrassée de
l’héritage colonial et porteuse de la culture, de l’histoire et de l’enseignement des langues nationales. Par ailleurs, nous avions aussi pour objectif d’oeuvrer à une plus grande scolarisation des enfants.
La présence de plusieurs groupes issus de partis clandestins n’a-t-elle pas brouillé votre message auprès de l’opinion ?
Je ne pense pas! Après tout, ces militants étaient d’abord des syndicalistes et leurs revendications n’avaient aucune coloration politique. Le Sudes ne pouvait pas être considéré comme une simple
frange de l’opposition. Il accueillait aussi bien des militants de partis politiques que des adhérents qui n’étaient affiliés à aucune formation politique. Finalement, on peut dire que c’était une organisation
neutre et ouverte à toutes les énergies susceptibles de défendre la cause enseignante.
Après cette période, comment expliquer la division du mouvement syndical enseignant en plusieurs entités comme l’uden et le saes ?
Il y a eu deux actes conjoints qui ont concouru à cette division. Le premier acte tourne autour de la lutte d’influence interne à l’intérieur du syndicat à l’époque «infantile » de la gauche sénégalaise. Le deuxième acte est issu de la volonté du gouvernement de vouloir éclater le mouvement syndical enseignant pour l’affaiblir. Ainsi, ces divergences ont fini par favoriser l’émiettement du mouvement quelques années plus tard.
L’émergence du multipartisme total sous Abdou Diouf n’a-t-il pas desservi le mouvement syndical en le privant de certains leaders comme Sémou Pathé Guèye, Abdoulaye Bathily?
L’ouverture démocratique a obligé un certain nombre de personnages de pouvoir participer au jeu politique. Par conséquent, ils ne pouvaient endosser le rôle de syndicaliste et de dirigeant politique. Donc, il est clair que cela a permis à beaucoup de militants de pouvoir sauter le pas et entrer dans la vie politique.