À QUOI SERT UNE DPG ?
Une Déclaration politique générale pour quoi faire ? Le grand oral- encore un- que le Premier ministre –et de trois- s’apprête à passer mérite bien cette interrogation. Que va dire Mahammad Boun Abdallah Dionne aux députés et à travers eux, leurs mandants désabusés ?
Un confrère de la place a bien raison de constater que devant les journalistes de la «Table de la Presse», le Président Macky Sall avait déjà défloré le sujet et devancé son Premier ministre face à un auditoire moins légitimé pour cet exercice que les députés. Après toutes ces préconisations du chef de l’État au lendemain d’une tournée économique repue de promesses, on se demande bien comment son Premier ministre, particulièrement actif ces derniers temps, va s’y prendre pour nous surprendre.
Comme ses prédécesseurs, Dionne va donc se prêter à ce classique de grand oral. Avec la même solennité. La même longue litanie ponctuée de références au président de la République. La même adversité d’une opposition qui n’y verra rien qui ait grâce à ses yeux. La même majorité qui comme une caisse de résonnance va tout approuver avec une discipline bolchevik. Les mêmes momies dormantes, qui ne se réveilleront de leur somnolence que pour rattraper des salves d’applaudissements organisées et programmées.
Les mêmes passes d’armes entre deux camps opposés, alliés hier, aujourd’hui ennemis jurés. Les mêmes invectives, algarades et autres grivoiseries dont les journalistes avides de petites phrases vont se régaler. Les mêmes embrassades et compliments sincères ou feints mais fortement empreints de chaleur. En fin de compte, les mêmes de tout ce qui fait le décor d’une déclaration de politique générale d’un premier ministre dans un régime présidentiel ou présidentialiste. C’est selon !
Si c’est cela et seulement là qui donne du sens et de la valeur à la DPG, il servirait à rien d’en faire un rite. Mais sans cette ritournelle, perdrait son sel de marronnier. Ce petit côté superficiel, en bien des fois téléphoné, voire puéril, constitue hélas les seules traces d’une grande déclaration préparée depuis plusieurs mois, des heures, des jours et des semaines.
Peu importe que les mêmes fonctionnaires, sherpas ou spins doctors reprennent avec le même enthousiasme, les mêmes routines, ce travail de Sisyphe. L’essentiel pour le candidat du jour se résume à réussir son passage d’examen par une maîtrise des dossiers, le sens de la répartie, la tonalité, la percussion, l’élocution, la fluidité, la mise, l’éclat des dents. Et quoi d’autres ?
En somme tous ces artifices de communication qui font passer le support avec même l’action. «Medium is message», ce mantra de Mac Luhan traversera encore les âges, même à l’ère d’internet.
L’histoire politique du Sénégal a connu onze Premiers ministres, si l’on y intègre, l’expérience parlementaire (et/ou présidentielle) de 1960 à 1962 : un ancien instituteur-économiste, Mamadou Dia, quatre administrateurs civils (Abdou Diouf, Habib Thiam, Mamadou Lamine Loum et Moustapha Niasse), trois juristes (Mame Madior Boye, Souleymane Ndéné Ndiaye et Aminata Touré), un auditeur (Idrissa Seck), un ingénieur (Macky Sall), un banquier (Abdoul Mbaye), une économiste-juriste-spécialiste en marketing et communication (Aminata Touré) et un économiste-informaticien (Dionne).
Malgré la diversité et la richesse des profils, le rituel n’a pris une seule ride, en plus de cinquante ans. Le vaillant troisième Premier ministre de Wade, Idrissa Seck a tenté de se mettre à la page, en utilisant le power point. La projection sur écran de son discours n’a pas emballé les députés. Ou tout au plus les a-t-il englués dans leur dormance proverbiale.
Les talents oratoires d’un Mamadou Dia, la brillance de Loum, le ton monocorde de Macky Sall, le manque d’inspiration de Habib Thiam et de Souleymane Ndéné Ndiaye, la distinction de Abdoul Mbaye, la sobriété de Mame Madior Boye, la fermeté de Mimi Touré n’ont pas laissé à ce rituel, des souvenirs indélébiles.
Dans un régime où tout part et tout revient au président de la République, le primus inter pares du gouvernement ne fait que de la figuration. Il demeure et restera le fusible qui saute, quand rien ne va. Le bouchon qui saute quand la bouteille sera pleine et la tête décapitée quand elle tentera de déborder l’incontournable, la seule constante.
Question en boucle ? A quoi sert alors la DPG ? Et… qu’est-ce qu’un informaticien, fût-il un fort en thème, pourra t-il y changer ?