‘’LES INSTITUTIONS SONT, SOUVENT, BRIDÉES PAR LE POLITIQUE’’
MOUHAMADOU MBODJ, COORDONNATEUR GÉNÉRAL DU FORUM CIVIL

Le coordonnateur du Forum Civil, en marge d’un atelier de restitution d’une étude sur: «Jeunesse et intégrité» tenu mardi à Dakar, a relevé une absence de volonté politique dans l’application des conclusions des rapports que les institutions du Sénégal, comme l’Autorité de régulation des marchés publics, présentent à l’autorité qui doit veiller à la mise en œuvre de ces résultats. Selon Mouhamadou Mbodj, ces institutions sont, souvent, bridées par le politique.
Par rapport aux institutions, vous avez soulevé des inquiétudes dans votre communication. Pouvez-vous y revenir?
Comme le Sénégal est ouvert au monde, à chaque fois qu’il y a une convention internationale, le pays la ratifie. Beaucoup d’institutions viennent de l’extérieur. La Cour des comptes nous vient de l’Uemoa (Union économique et monétaire ouest africaine :ndlr), la Centif (Cellule nationale de traitement des informations financières : ndlr) des conventions internationales. Et l’Etat en a créées aussi.
Dans les débats sur les scandales financiers des douze dernières années, les gens ont questionné l’efficacité de toutes ces institutions qui ont été créées. Ils disent comment, en douze ans, il y a eu autant de scandales sans que ces institutions ne puissent réagir.
Alors qu’elles ont été créées pour asseoir la bonne gouvernance. Le mimétisme institutionnel doit nous obliger aujourd’hui, face à la période des douze ans, à nous interroger sur l’efficacité des institutions qui ont été créées pour asseoir la bonne gouvernance.
A votre avis, ces institutions ont-elles réussi leurs missions?
Souvent, elles sont bridées par le politique. Et je crois que ce n’est pas lié aux institutions. Elles peuvent faire des rapports, des investigations, asseoir tout, présenter des rapports, faire des conclusions. Maintenant, c’est la volonté politique qu’il faut questionner.
Dès qu’ils déposent leurs rapports, l’autorité politique dit non. On crée des institutions qu’on laisse travailler, et on bloque les résultats de leurs travaux. Et c’est une possibilité. Il se peut aussi qu’elles soient simplement en phase de développement.
Elles viennent de naître ; elles sont en train de développer leur stratégie qui n’est pas encore très opérationnelle. Il ne s’agit pas, simplement, d’avoir des institutions. La volonté politique s’oppose à leur travail.
Donc, il faut une volonté politique réelle des autorités pour laisser ces institutions travailler, amener les dossiers à la Justice. Les rapports de l’Autorité de régulation des marchés publics (Armp), souvent, ont été bloqués dans les bureaux. Le foisonnement des institutions est utile. Mais, il faut que la haute autorité politique intervienne pour empêcher les gens de saisir la Justice ou de protéger des segments.
S’il y a eu autant de scandales, c’est parce qu’on a empêché l’exploitation des rapports. On donne des instructions au procureur qui dépend du ministère de la Justice. Et ça pose la question du procureur.
Il faut qu’on laisse ces institutions travailler et qu’elles aillent jusqu’au bout de leur logique. C’est pourquoi nous demandons à la Crei (Cour de répression de l’enrichissement illicite :ndlr) d’aller jusqu’au bout avec les 25 personnes listées par le procureur.
Pour combattre la corruption, vous appelez à une synergie des acteurs.
Le secteur privé aurait pu nous aider pour lutter contre la corruption. On ne peut pas gagner la lutte sans son engagement. La société civile est un acteur indirect, la presse aussi.
Donc, pour arriver à un résultat, il faut une synergie des acteurs avec l’administration centrale, la collaboration du parlement, lieu qui produit les lois pour lutter contre la corruption. Si tous ces acteurs n’agissent pas dans la même direction, on ne peut pas avoir de résultats. Et il faut faire un travail de sensibilisation pour les comportements.