AÏDA NDIONGUE ET SES CODETENUS RISQUENT 10 ANS FERME ET LA SAISIE DE LEURS BIENS
POURSUIVIS POUR ESCROQUERIE SUR DENIERS PUBLICS ET DETOURNEMENT DE DENIERS PUBLICS

L’ancienne sénatrice Aïda Ndiongue et ses codétenus sont dans de beaux draps. Poursuivis pour escroquerie sur deniers publics, détournement de deniers publics et complicité de détournement de deniers publics, ils risquent 10 ans ferme, la saisie de tous leurs biens et le paiement d’une amende de 5 millions F Cfa.
Ca sent le roussi pour Aïda Ndiongue, Abdoul Aziz Diop, Modou Sall et Amadou Ndiaye. Ces derniers - qui ont fait face au juge du tribunal correctionnel de Dakar, hier, pour répondre des délits d’escroquerie sur deniers publics, de détournement de deniers publics et de complicité de détournement de deniers publics - n’ont pas convaincu le procureur de la République qui a requis contre eux 10 ans ferme, la saisie de tous leurs biens et le paiement d’une amende de 5 millions de F Cfa.
Le montant du préjudice est estimé à 20 milliards de F Cfa. Le marché concernait des motopompes, des bacs à ordure, des produits phytosanitaires et des tentes.
Dans son réquisitoire implacable, le représentant du ministère public a estimé qu’Aïda Ndiongue et compagnie sont dans l’impossibilité d’établir que les marchés qui leur valent un séjour carcéral ont été véritablement exécutés.
A signaler qu’en ce qui concerne Abdoul Aziz Diop, le Procureur a demandé que les faits qui lui sont reprochés soient requalifiés en complicité d’escroquerie sur deniers publics.
L’ancienne sénatrice se lave à grande eau, les témoins la disculpent
Devant la barre du tribunal correctionnel de Dakar, tous les prévenus ont nié les faits qui leur sont reprochés.
Sur son arrestation, l’ancienne sénatrice libérale a soutenu qu’on voulait juste la mettre en prison, soulignant avoir rempli correctement son contrat vis-à-vis de l’Etat du Sénégal.
«Je suis propriétaire d’une seule entreprise à mon nom : Diaga Waly. J’ai commencé à travailler avec ‘Jaxaay’ en 2008, et j’ai gagné un seul marché», a t-elle précisé.
Avant d’ajouter : «Le matériel a été livré. C’était 5000 tentes, 500 motopompes de 500 mètres cubes. J’ai livré 520 mètres cubes. Il fallait me mettre en prison, mais un huissier a fait le constat au niveau de l’entrepôt. Il restait plus de 1000 tentes là-bas. Le marché a été totalement exécuté. D’ailleurs, c’est Moussa Diouf qui a réceptionné ce matériel, et il a refusé de signer en soutenant qu’il ne signera le bon de livraison, tant que tout le matériel ne sera pas disponible. Je ne peux pas dire que les gendarmes racontent des histoires, mais l’enquête a été biaisée. Je n’ai jamais été épinglée, ni par l’Ige ni par la Cour des comptes».
Cette version sera confirmée par Amadou Cissé, un des témoins. Selon lui, ils ont livré 4000 tentes et les 1000 qui restaient sont toujours à l’entrepôt de Colobane, où ils ont procédé à la livraison.
Quant à l’agent du contrôle des opérations financières de l’Etat, Khadidjatou Sy, elle a déclaré : «J’ai réceptionné avec Amadou Ndiaye, l’agent comptable, le matériel. Et après vérification personnelle, j’ai constaté que tout est conforme à la commande. Tout a été livré. Le bordereau de livraison que j’ai signé n’est pas faux».
L’agent du contrôle des opérations financières de l’Etat confirme Aïda Ndiongue
A noter que cette dernière n’a pas été entendue par les enquêteurs. C’est grâce aux avocats de la défense qu’elle a été entendue à la barre.
C’est d’ailleurs pour cette raison que Me Mbaye-Jacques Ndiaye et ses confrères ont demandé au juge de délivrer un mandat d’amener à David Hubert Thioune, un agent comptable administratif qui a été entendu à l’enquête.
Mais, c’était sans compter avec le parquet qui n’a pas jugé utile la comparution de ce dernier.
Finalement, le tribunal a rejeté la demande de la défense.
Pour sa part, Abdoul Aziz Diop (ndlr : directeur de Cabinet à l’époque d’Oumar Sarr) a souligné qu’il n’intervient pas dans la formation du marché : «C’est la cellule de passation du marché dirigée à l’époque par Birane Sène qui faisait les appels d’offres. J’ai souscrit au marché, le ministre a approuvé la souscription. Je ne travaille qu’avec des pièces. Je n’interviens pas dans la réception, elle est faite par une commission, et je ne suis pas membre. Je ne suis pas présent au moment de la livraison. Mon rôle, c’est de signer un ordre de paiement».
Amadou Ndiaye, membre de la commission de réception, a soutenu avoir payé deux marchés de 5 milliards concernant les motopompes et des tentes. «On s’est rendu aux entrepôts, on a trouvé Khady Sy et on a procédé aux vérifications techniques pour voir si les quantités étaient conformes».
Sa version a été confirmée par Aïda Ndiongue et Abdoul Aziz Diop, coordonnateur du marché.
L’ancienne sénatrice libérale dit avoir reçu deux chèques de 5 milliards en 2013.
La défense convoque la jurisprudence Bara Tall
Dans leur plaidoirie, les avocats d'Aïda Ndiongue ont exprimé leur désolation : «Mettre en prison des gens qui n’ont rien à se reprocher est inadmissible dans un Etat de droit. Les gendarmes de la Section de recherches n’ont pas joué leur rôle dans cette affaire».
Me Mbaye-Jacques Ndiaye de fulminer : «Je suis vraiment désolé de le dire M. le président, mais je suis vraiment outré. Si l’on met une personne en prison, moi, je suis d’accord, mais que ce soit sur la base de faits sérieux, vérifiés. Toutes les livraisons ont été faites en qualité et en quantité. Ce dossier jugé en audience spéciale devant le tribunal correctionnel de Dakar n’est pas sérieux. La preuve, en 2013, un juge avait refusé de décerner à ma cliente un mandat de dépôt, parce que conscient qu’il y avait beaucoup de contestations dans cette affaire. Le montant global est de 16 milliards et non 20 milliards, comme ont voulu le faire croire les enquêteurs».
L’avocat a ainsi demandé au juge et à ses deux assesseurs d'appliquer la jurisprudence Bara Tall (Affaire des chantiers de Thiès), en relaxant Aïda Ndiongue et ses trois co-prévenus.
Le juge de la 3e chambre du tribunal correctionnel de Dakar a décidé de renvoyer l’affaire au 30 avril prochain pour la suite des plaidoiries des avocats constitués pour la défense d’Aïda Ndiongue et de ses co-prévenus.