ADO À L’ÉPREUVE DES FRONDEURS DU FPI ET DU PDCI
Dans le tumulte actuel qui divise le PDCI, Mamadou Coulibaly, Président de la Troisième Voie semble se démarquer de Ouattara qu’il accuse de «tricherie» et propose le report des élections d’octobre

Entre les interminables célébrations de la victoire des Eléphants à la CAN 2015, et le tumultueux procès de Simone Gbagbo, la politique arrive tout de même à se frayer un chemin dans l’actualité ivoire. Sans doute, elle passionne moins les Abidjanais que les deux autres actualités intemporelles. Mais elle est présente sur toutes les lèvres.
L’appel de Daoukro du nom du village natal de Henri Konan Bédié, ancien président de la République renversé par le Général Robert Gueï, initiateur de ‘’l’ivoirité’’, ennemi juré puis principal allié d’Alassane (Dramane) Ouattara, a sonné le glas du bloc hermétique que le PDCI (qu’il préside) a jusqu’ici constitué. En plein pays baoulé, le fils putatif et successeur de Félix Houphouët Boigny.
HKB, avait solennellement demandé à ses camarades de parti de soutenir de manière inconditionnelle, la candidature (unique) de l’actuel chef de l’Etat Alassane Dramane Ouattara (A(D)O). C’était le 14 septembre dernier, quelques mois avant l’inauguration du troisième pont reliant le quartier résidentiel de Marcory, Yopougon à Cocody et aux Deux-Plateaux. Une belle merveille dont HKB avait entamé la construction avant le putsch historique du Général Gueï le 24 décembre 2000 (jusqu’au 26 octobre 2000).
Les relations entre HKB et ADO sont aussi tumultueuses que l’histoire politique d’un pays qui aura tout connu entre seize dernières années. Ils se sont haïs hier comme ils s’adorent aujourd’hui. Ils ont traversé, il n’y a guère longtemps, les pires convulsions comme ils semblent aujourd’hui partager les meilleures délices d’une entente quasi fraternelle.
Tous deux fils putatifs d’Houphouët, ils se sont livrés les pires guerres de positionnement d’abord puis de pouvoir, en s’appuyant selon les circonstances qu’il serait fastidieux de décrire, sur les alliances de Laurent Gbagbo (ancien président, patron du FPI aujourd’hui emprisonné en attente de jugement à la Haye).
L’histoire actuelle retient en raccourci que pour renverser Gbagbo, avec l’appui de la France et des forces d’interposition onusienne, ADO avait obtenu le blanc-seing de HKB, dans le fameux rassemblement des partis houphouétistes sur des critères relevant le plus souvent d’ethnie, de religion et de localisation régionale que de démarche idéologique. Tant il est vrai que ADO et HKB flirtent plus facilement avec le libéralisme social de leur mentor décédé en 1992, alors Gbagbo, membre de l’internationale socialiste, ami de Ousmane Tanor Dieng, serait plutôt de gauche.
Sans doute, mais les rancœurs personnelles entretenues par de vieilles rivalités encouragées et soutenues par le « vieux » se sont exhumées et remontent à la surface comme de la moutarde au nez. Au finish, pour donner dix années de guerre ruineuse, des milliers de morts, une économie passablement entretenue, un peuple en doute et une profonde crise des valeurs.
Dans un tel contexte, le jugement des membres du FPI, dont les trois têtes de gondoles que sont Gbagbo son épouse Simone, l’égérie du parti, et l’activiste Charles Blé Goudé, ne fait qu’attiser la division et corser le sentiment de doute.
Devant les juridictions nationales et internationales, ils répondent de crimes de guerre, crimes économiques, génocides, toute la palette de chefs d’accusation. Sans justifiée, mais destinée toute de même, à éliminer de la scène politique, « l’effroyable FPI », coupable d’avoir plongé la Côte d’Ivoire dans les abysses de l’horreur, pendant une décennie, durant laquelle, ce pays riche avait suspendu son vol.
L’actualité vive n’arrête pas, au reste de révéler les interminables péripéties de ces dix années de braises que la Côte d’Ivoire a connues. Le jugement de Mme Simone Gbagbo, la lionne du FPI, vient de connaître un douloureux épisode.
La Cour l’a finalement condamnée à l'unanimité à 20 ans de prison pour "attentat contre l'autorité de l'Etat, participation à un mouvement insurrectionnel et trouble à l'ordre public", après plus de 9 heures de délibération du jury. Alors même que le parquet général avait n’avait requis que la moitié, soit dix ans d'emprisonnement, contre l'ex-Première dame.
On est dans l’attente de la décision par la Cour Internationale de Justice du sort de son mari, qui risque, lui aussi, une lourde peine. Dans un contexte aussi chargé, l’intégration de quelques milliers de militaires et autres milices favorables à Gbagbo et toutes les initiatives prises dans le cadre de la Commission Vérité et Justice sont comme des coups d’épée à l’eau.
Les partisans de l’ancien régime n’ont pas été désarmés au propre comme au figuré. Même si la ligne officielle du FPI s’est prononcée en nette faveur du boycott des élections, des voix discordantes prônent d’autres options plus édulcorées, sans vouloir, pour autant, apporter une caution à la « politique discriminatoire d’ADO.
Pascal Afi Nguessan ancien du numéro du parti et ancien premier ministre n’en finit de surprendre les Ivoiriens depuis son appel de Bougouananou destiné à soutenir Ouattara. Auparavant, il avait tenté vainement de persuader ses camarades d’invalider la candidature de Laurent Gbagbo à la présidentielle d’octobre. Cet ancien faucon du FPI veut échapper aux filets de la cour internationale de justice et compte sur la bienveillance de Ouattara.
D’ailleurs, alors que Simone Gbagbo écope de vingt ans de prison, Pascal Affi N'Guessan, le patron contesté du Front populaire ivoirien (FPI), qui souhaite représenter ce parti pro-Gbagbo à l'élection présidentielle d'octobre, n’a été condamné qu'à 18 mois de prison avec sursis.
Giflé publiquement par Simone Gbagbo, qui lui reprochait sa naïveté politique, Nguessan file aujourd’hui vers d’autres cieux et affaiblit comme Mamadou Coulibaly, autre faucon de Gbagbo, les socialistes ivoiriens.
Dans le tumulte actuel qui divise le PDCI et hante le pouvoir en place, Mamadou Coulibaly, Président de la Troisième Voie semble se démarquer de Ouattara qu’il accuse de « tricherie » et ne propose rien de moins que le report des élections d’octobre. Raison invoquée et pas insensée, toutes les difficultés liées aux recensements des populations, une énorme source de problème lors des élections de 2010. Le tonitruant Coulibaly a très peu de chances d’être entendu.
Un éventuel report des élections insupporterait beaucoup les Ivoiriens, qui y verrait purement et simplement le syndrome des années 2000, quand le « boulanger Gbagbo » de report en report n’arrêtait pas de les rouler en farine. Plus « normé » que son ennemi juré, ADO ne se hasarderait jamais à envisager une telle perspective. Un, parce qu’il donnera un vilain coup de canif à son image de libéral démocratique, avec le risque de perdre le soutien des Américains et des François. Deux, parce qu’il risquerait d’être rangé dans la triste liste des présidents africains manipulateurs de constitution, aux côtés de son ami et « protégé » Blaise Compaoré réfugié en Côte d’Ivoire. Et trois, il donnera un coup d’impulsion à la révolte dormante en Côte d’Ivoire, animée par des irrédentistes de plus en plus nombreux.
Autant alors affronter l’hostilité manifeste des « frondeurs » du PDCI, qui s’opposent à l’appel de Daoukro. Cette ligne nouvelle de fraction dans le camp du Rassemblement Démocratique des Houphouettistes gêne énormément ADO. Cette coalition, moins étendue que notre Benno Bok Yakar, avait été créé le 18 mai 2005 alors que Gbagbo plastronnait au pouvoir.
Cette alliance mi d’actions mi-organique était constituée par quatre formations le PDCI dirigé par Henri Konan Bédié, le RDR de Ouattara, l’UDPCI de Albert Mabri Toikeuse et lme MFA d’Innoncent Kobenan Anakry. Leur seul dénominateur commun, c’est d’être d’anciens ministres et dignitaires du feu président, et ennemi jurés de Laurent Gbagbo. Associés au pouvoir de Ouattara depuis 2010, leurs partisans occupent d’importants postes ministériels (dont celui de Premier ministre), les alliés de ADO assumaient jusqu’ici les résultats, assez élogieux du régime actuel.
Dans la foulée, Pascal Affi Nguessan et Mamadou Koulibaly viennent de mettre sur les fonds baptismaux une nouvelle coalition contre le chef de l'Etat ivoirien, seul candidat d'envergure déclaré avant la présidentielle d'octobre. Des représentants du Front populaire ivoirien (FPI, opposition) et du Parti démocratique de Côte d'Ivoire (PDCI, majorité), deux partis majeurs fortement divisés avant l'élection d'octobre, ont participé à la réunion fondatrice de ce nouveau front, selon l’Agence France Presse.
Se voulant "victorieuse contre Ouattara" cette coalition rassemble "tous ceux qui jugent son bilan catastrophique, tous les frustrés, les peureux, les hésitants", les "déçus" des deux camps pour qui "Ouattara ne mérite pas un second mandat", de l’avis de Mamadou Koulibaly, lui-même candidat déclaré au scrutin. Feront-ils assez de poids pour mettre ADO en difficulté lors de la prochaine présidentielle ? Resteront-ils soudés jusquu'à cette échéance ? Le temps nous le dira. Certains dignitaires du PDCI restés en marge de cette coalition dénoncent une alliance contre-nature.