ARTISANAT : LES CHANTIERS DE LA RECONSTRUCTION

En vertu de la constitution, c’est le président de la République qui définit la politique de la Nation appliquée par le gouvernement sous la coordination du Premier ministre. Le secteur de l’artisanat n’échappe pas à la règle. C’est la raison pour laquelle, plusieurs conseils des ministres ont consacré des mesures importantes tendant à faire de l’artisanat, un secteur prioritaire dans le développement économique et social.
Lors du Conseil des ministres de Tamba, pour marquer sa volonté, le président de la République a fait trois commandes :
La réforme des chambres de métiers pour leur permettre de jouer un rôle de pivot dans le développement local de leur région d’implication.
La révision des missions de l’Apda pour plus d’efficacité et d’efficience dans l’exercice de ses missions d’encadrement et de promotion du secteur.
La définition d’une nouvelle stratégie nationale de développement de l’Artisanat comme un cadre de référence pour une plus grande cohérence dans la formulation et la mise en œuvre de la politique gouvernementale de l’Artisanat.
Les autres conseils des ministres, qui se sont succédé par la suite, ont mis l’accent sur des particularismes qu’on retrouve dans le cadre beaucoup plus globalisant de la Stratégie nationale de développement de l’artisanat (Snda).
Il s’agit notamment de l’ouverture de la commande publique aux artisans, de la mise en place d’un comptoir d’or extrait des mines de Sabadola pour l’approvisionnement en matière première des bijoutiers, du projet du mobilier national entre autres. Ce bref rappel de mesures issues des Conseils des ministres montre à suffisance, la volonté politique du président de la République d’impulser le développement du secteur de l’Artisanat.
Quand le secteur peut se targuer d’avoir dans cette décennie, un ministre ayant des compétences avérées, une probité morale indiscutable et une humilité qui ne souffre d’aucun doute, il lui appartient de réussir obligatoirement.
Deux (2) ans après l’expression de cette volonté politique, il est opportun de s’interroger sur l’état d’avancement des axes stratégiques déclinés lors du Conseil des ministres de Tamba :
Aucune réforme n’a été enregistrée en ce qui concerne les chambres de métiers, qui restent en l’état. En ce sens, des réformes capitales sont attendues aussi bien sur le plan organique que dans le domaine des textes qui régissent le fonctionnement des chambres de métiers, les titres de qualification et le mode de délivrance des cartes professionnelles, qui cristallisent à la fois une qualification professionnelle et un droit de vote, faisant naître ainsi des suspicions légitimes dans la mesure où le signataire est également candidat au même titre que les autres, surtout avec les élections prochaines qui auront lieu au courant de cette
année 2015. Par ailleurs, l’avènement du code communautaire de l’Uemoa, adopté en mars 2014, entré en vigueur le 1er juillet dernier, repositionne le secteur de l’artisanat dans son rôle de développement économique, social et environnemental dans les pays membres.
Aucune campagne de sensibilisation n’est organisée jusqu’ici pour une appropriation de ce nouveau texte par les acteurs d’une part, et la vérification de la conformité des textes qui régissent l’artisanat au Sénégal avec ce nouveau code d’autre part.
A l’heure actuelle, l’Apda a révélé le peu d’intérêt que lui accordent les artisans, au regard de la nonexécution des projets qui leur sont destinés et pour lesquels, les décaissements des financements sont effectifs sur plusieurs exercices budgétaires. L’absence de réalisations de ces projets est au détriment de nos intérêts. Pour élucider ces zones d’ombre, un audit approfondi doit être fait pour faciliter la reddition des comptes et situer les responsabilités.
En vertu du principe de la redévabilité, l’obligation de rendre compte est de mise après utilisation des fonds publics. La nécessité impérieuse de réviser les missions de l’Apda, de remettre cette agence, pourtant utile, au travail est une évidence pour donner corps à la volonté du Président de la République.
Un cabinet de consultance a été sélectionné pour réaliser une étude sur la Snda, après que les chambres de métiers et certaines Opa comme le Cadre national de concertation des artisans du Sénégal (Cncas/Artisanat), l’Union régionale des professionnels artisans de la métallurgie (Urpam) ont déposé leur contribution.
Il a rendu ses travaux depuis bientôt une année. A l’unanimité de ceux qui en ont pris connaissance, le document est un référentiel pertinent pour promouvoir le développement de l’Artisanat au Sénégal. La Snda que nous avons lue, comporte 6 axes stratégiques qui sont des propositions concrètes tendant à faire émerger le secteur de l’Artisanat.
Au delà de la déclinaison des projets, le document de la Snda propose un outil de pilotage, un mécanisme de reddition des comptes et la clarification du rôle de chaque acteur ainsi que la mise en place d’un cadre de concertation pour harmoniser les interventions dans le cadre de la recherche de l’efficacité et de l’efficience. Au total, il s’avère que ces 3 points qui résument la volonté politique du président de la République sont encore malheureusement à l’état de projet.
Pourtant, la journée du 22 décembre 2014 sur les terres du Cayor, un des berceaux de l’Artisanat, aurait pu être une tribune pour la validation de la Snda et le point de départ de la mise en œuvre des projets du Pse destinés a l’Artisanat. De ce point de vue, la première édition de la journée de l’Artisanat aura été un rendez-vous important pour les artisans que nous sommes. Pourtant, les projets déclinés dans les discours entrent en droite ligne des projets structurants de la Snda.
Autant dire que l’option a été prise délibérément de puiser une partie d’un ensemble qui forme un tout. Il aurait été plus indiqué de faire adopter la Snda à l’occasion de cette journée, après l’organisation des séances de partage avec les artisans, pour une appropriation effective.
Il s’avère indispensable de continuer le processus de concrétisation des mesures du Conseil des ministres de Tamba jusqu’à son terme en levant tous les blocages, de quelque nature qu’ils soient et quel qu’en soit l’auteur. Il est remarquable que dans le secteur de l’Artisanat, des forces de résistance aux changements se développent chaque fois qu’il est question de progrès. Suivez mon regard.
Pour matérialiser la volonté du président de la République, il est nécessaire d’organiser un nouveau casting et de repenser les paradigmes sur lesquels se fonde le secteur. Le nouveau casting devra entériner nécessairement le choix de nouveaux acteurs aptes à porter les changements induits par les réformes dans toutes les stations de responsabilités aussi bien des leaders d’Opa que de l’encadrement de l’Artisanat.
Les paradigmes nouveaux seront définis après une démarche de déconstruction (dites ailleurs) des fondements du système d’encadrement actuel, de refondation sur la base des axes stratégiques de la Snda et de reconstruction du secteur au moyen des programmes et projets structurants. Mettre un terme à cette dualité que les artisans vivent entre la tutelle et l’Apda, avec cette prétendue évaluation sectorielle de la journée de Ngaye organisée par cette dernière le 26 février 2015.
Lors de la séance d’évaluation, les participants n’ont pas été avares en critiques contre le Directeur général de l’Apda, qui a toujours affiché un mépris vis-à-vis des organisations professionnelles. Ils ont déploré le mauvais traitement qu’ils ont subi à l’occasion de leur participation à la journée du 22 décembre 2014.
Ils ont passé la journée sans boire ni manger, alors que promesse leur avait été faite. Il s’en est suivi une grosse déception que nous avons vertement signifiée au directeur de l’Agence pour la Promotion et le Développement de l’Artisanat (Apda).
C’est à mon avis, à ce prix que la nouvelle politique de l’Artisanat, définie par les pouvoirs publique, aura des chances de progrès.