CES INSTITUTIONS D’EXCEPTION
CODE DES MARCHES PUBLICS : ASSEMBLEE NATIONALE ET CONSEIL ECONOMIQUE
Senelec à travers son fameux plan Takkal, le Cetud, l’OHlm, la Lonase, le Soleil, l’Artp, l’Adie, l’Ancar, l’Ofejban, le Port autonome de Dakar ont tous été épinglés par le rapport d’audits 2011 de l’Armp (Autorité de régulation des marchés publics). Celle-ci a présenté hier, jeudi, un rapport accablant pour certains démembrements de l’Etat qui ont érigé en règle des marchés de plusieurs milliards passés par entente directe ou par fractionnement. Sans oublier les « bons élèves », le rapport a tout de même mis le doigt sur l’Assemblée nationale et le Conseil économique, social et environnemental (Cese), les invitant à se soumettre au Code des marchés publics pour cadrer avec la rupture prônée par l’actuel régime.
L’Assemblée nationale et le Conseil économique, social et environnemental (Cese), rechignent toujours à se conformer au code des marchés publics. Admettant que l’administration de l’Assemblée ne peut pas se soustraire aux procédures de passations de marchés, Saer Niang, le patron de l’Armp (Autorité de régulation des marchés publics) reste convaincu que « toute structure qui gère les deniers publics doit se conformer au code des marchés publics qui est la référence».
«J’ai saisi le président de l’Assemblée par courrier pour voir les modalités d’implication de l’assemblée dans le giron du code des marchés publics. C’est aussi le cas pour le Conseil économique, social et environnemental », a-t-il ajouté.
Pour Abdel Kader Ndiaye, chef d’entreprise et membre de l’Armp, « malgré les sensibilisations, nous constatons qu’il y a eu persistance au niveau de ces institutions à refuser de mettre en application les dispositions du code des marchés. Ça pose problème en matière de bonne gouvernance. Elles ne sauraient continuer de faire exception ».
Parlant de l’ « exception sénégalaise », il a signalé par ailleurs que les différentes institutions parlementaires des autres pays membres de l’Union monétaire et économique ouest africaine (Uemoa) sont soumises aux dispositions du code des marchés publics. « Je ne crois pas qu’il y ait une volonté d’application. Depuis Youssou Sakho jusqu’à aujourd’hui, nous avons entamé maintes tentatives. Il s’agit de l’utilisation des deniers publics qui doit se faire avec rationalité et dans une transparence efficiente », a-t-il ajouté.
En tout état de cause, le respect par ces deux institutions du code des marchés publics est l’une des fortes recommandations du rapport d’audits 2011 de l’Armp.
SENELEC, LONASE, ARPT, ADIE… EPINGLEES
Sans surprise. Le rapport d’audits 2011 de l’Agence de régulation des marchés publics (Armp) n’a pas fait dans l’ambigüité et les chiffres font froid dans le dos. Les auditeurs ont fait part de marchés pas du tout en conformité avec le code régissant la passation des marchés publics. Il s’agit entre autres de Senelec à travers notamment le Plan Takkal, l’Agence de régulation des télécommunications et des postes (Arpt), le Conseil exécutif des transports urbains de Dakar (Cetud), la Loterie nationale sénégalaise (Lonase), le Soleil, l’Agence nationale du conseil agricole et rural (Ancar), l’Office pour l’emploi des jeunes de la banlieue (Ofejban), ou encore l’Agence de l’informatique de l’Etat (Adie).
Dans les marchés passés par entente directe non autorisée, il est clairement indiqué que Senelec et la Lonase sortent du lot avec des marchés gré à gré respectivement de 145 milliards FCfa et de 3 milliards 697 millions FCfa. Le Port autonome de Dakar suit avec un marché de 1 milliard 837 millions FCfa. Pour le Cetud, les auditeurs signalent un gré à gré de 362 millions FCfa de marchés non autorisés et 306 millions F Cfa pour l’OHLM. Sans occulter les gré- à- gré de l’Arpt et du Soleil estimés respectivement à 952 millions F Cfa et 778 millions F Cfa.
40 portables à 15 millions
Le fait marquant dans la présentation du rapport d’audit 2011 est sans nul doute le gré à gré par fractionnement ou d’autres déviations relatives au code des marchés de l’Adie et de l’Ofejban. Il s’est agi à l’occasion d’une commande de matériels d’une valeur de 79 millions, d’une commande passée par l’Adie de trois ordinateurs IMAC à 4 millions 600 F Cfa, des barrettes d’informatique de mémoire 110 achetées à 13 millions 600F Cfa et enfin une quarantaine de portables achetés à 15 millions F Cfa.
La passation de marchés publics gré à gré par fractionnement devient plus flagrante avec l’Ofejban. Cette structure chargée de lutter contre le sous emploi n’a pas trouvé mieux que de faire l’achat de casquettes, de tee-shirt d’une valeur estimée à 15 millions F Cfa.
L’Ancar n’a pas dérogé à la « règle » en fractionnant un marché de 289 millions F Cfa qui ne respecte pas le code des marchés.
L’autre cas le plus épatant soulevé par les auditeurs dans le rapport reste sans nul doute des entreprises fictives pourtant crées par décret et bénéficiant des commandes publiques.
« Il y a des entreprises qui ont été crées par le passé mais qui n’ont jamais existé. On a nommé un directeur par moment mais il était seul. La structure n’existait pas », a déploré le Dg de l’Armp. Avant de poursuivre : «nous nous en sommes rendus compte lors des audits. Nous sommes allés partout mais personne ne connaissait ces structures. Le décret de leur création existait pourtant. Elles ont été crées mais jamais fonctionnelles ».
Le monument de la Renaissance qui a suscité beaucoup de tollé à l’époque de par son montage financier, s’est aussi invité au débat. Mais le directeur général de l’Armp se veut clair d’emblée : « de mon point de vue ce n’est pas un marché. C’est régi par le code foncier ».
Pour lui, « les positions n’ont jamais été tranchées. C’est une attribution de terrain de l’Etat vers un promoteur privé. Les terres sont régies par le code foncier. Personnellement je l’ai arrêté. Dans le programme d’audit normal de l’Arpm nous ne l’avons pas inclue dans les marchés audités à l’époque ».
Cité parmi les structures ayant violé les dispositions du code des marchés, l’Agence de presse sénégalaise est toutefois, selon le consultant Baye Ibrahima Diagne, un cas « singulier ».
Invitant les autorités à mettre des moyens à la disposition de l’agence, le consultant a expliqué que « l’Aps a rencontré de nombreuses difficultés pour réaliser ses acquisitions en raison d’un stock élevé de dettes auprès des fournisseurs et du fait d’une insuffisance de ses ressources ».
Mairie de Dakar, l’Adm, l’Agéroute, Apix… cités en exemple
Parmi les « bons élèves » dans le rapport 2011, l’Arpm a cité en exemple certaines structures dont la Marie de dakar, l’Agence de développement municipal (Adm), l’Agence nationale de la promotion de l’investissement et des grands travaux (Apix), l’Agence des travaux et de gestion des routes (Ageroute).
« La ville de Dakar a une excellente progression depuis les audits de 2008, car toutes les recommandations de 2009 et 2010 ont été apurées », a fait savoir Baye Ibrahima Diagne, ajoutant que « une très bonne progression a été notée pour certaines structures comme l’Adm, le Cnls, l’Apix, l’Agéroute et l’Hôpital principal de Dakar ». Cependant dans sa présentation du rapport, M. Diagne a pu relever «certains marchés fractionnés en demande de renseignement de prix afin de contourner les seuils de passation par appel d’offres ouvert. C’est le cas des ministères de la Santé et du tourisme et la commune de Linguère ».
Le paradoxe du gré à gré
Dans les conclusions du rapport, les Autorités de l’Armp ont voulu lever toute équivoque sur le gré à gré relativement au débat qui fait flores depuis quelque temps concernant le marché de la centrale à charbon prévue à Sendou et octroyé la société Africa Energie. Prévu par le dispositif du code des marchés publics, explique Saer Niang, « Le gré à gré doit être soumis à une autorisation préalable de la Direction centrale des marchés publics. Quand le marché est lancé dans ces conditions, il n y pas de problème.» Pour le patron de l’institution tripartite et paritaire, le problème réside lorsqu’un gré à gré est lancé hors de toute « autorisation de la Dcmp. A partir de ce moment-là, ces marchés en principe sont d’une nullité absolue ».
La réforme du code, un défi
Les responsables de l’Armp ont relevé que le projet de modification du code des marchés publics entamé depuis 2011 est sur la table du gouvernement. Pour Abdel Kader Ndiaye, l’heure est venue d’accélérer cette réforme afin d’améliorer «les procédures de passation des marchés et l’exécution de la dépense publique».
Constant la « lourdeur» et la « lenteur» dans le processus d’attribution des marchés, l’Armp entend engager un processus de dématérialisation des procédures de marchés permettant de faciliter les passations de marchés. Une dynamique qui sans doute plaira au Président Macky Sall qui fustigeait, il y a peu, cet aspect du code des marchés publics.
« Tout le processus de passation jusqu’à l’attribution et l’exécution du marché se fera via un dispositif électronique pour permettre de renforcer la célérité dans les marchés publics», a souligné Saer Niang.
L’Etat invité à une bonne exploitation du rapport
Le rapport d’audits 2011 est depuis avant-hier, mercredi, sur la table du gouvernement, de la Présidence, de l’Assemblée nationale, du ministère de l’Economie et des Finances et de la Cour des comptes. Toujours est-il que dans les recommandations du rapport, les auditeurs ont invité l’Etat du Sénégal à une bonne exploitation desdits rapports d’audits.
« Notre rôle encore une fois est d’apprécier les procédures utilisées, leur conformité par rapport aux textes. Si des procédures sont mal utilisées, nous rendons compte », a expliqué M Niang tout en ajoutant que « lorsqu’on voit de façon évidente un acte assimilable à un détournement ou à une prévarication réelle nous pouvons saisir le procureur de la République ».
Le rapport 2012 en mi septembre 2013
En à croire le directeur général de l’Armp, Saer Niang, le rapport d’audits pour l’exercice 2012 sera rendu public en mi septembre. « On doit coordonner avec le premier Ministre pour la publication. Nous avions voulu le faire ensemble avec le rapport de 2011. Nous avons jugé nécessaire de le faire en début de la deuxième quinzaine du mois de septembre », a-t-il soutenu.
L’Arpm a rappelé que 4 281 marchés ont été passés en 2011 dont 1 967 audités sur un montant global de 370 milliards. Ils sont 99 structures pour l’exercice 2011 concernées par le présent rapport. Il était question pour les auditeurs d’évaluer le respect des procédures de passation des marchés publics par les autorités contractantes et comparer les niveaux effectifs de décaissement par rapport au niveau d’exécution des marchés.