ENGAGER LES HOMMES POUR ATTAQUER LE MAL À LA RACINE
COMBATTRE LE MARIAGE DES ENFANTS
Dans le combat qu’elles mènent contre le mariage des enfants, les Ong Yellitaare et World vision misent sur l’engagement des hommes. Au cours d’un forum de haut niveau sur la question hier à Dakar en prélude au Forum régional de lancement du projet «Combattre le mariage des enfants : les hommes s’engagent» à Kolda, les acteurs pensent que dans nos sociétés patriarcales, l’engagement des hommes est une nécessité pour l’atteinte de l’objectif d’éradication de cette pratique culturelle.
Visage innocent, mine souriante, la jeune Fatou Kamara raconte son histoire : «On m’a donnée en mariage à l’âge de 15 ans. J’aurais aimé poursuivre mes études avant de me marier, mais mes parents m’ont donnée en mariage sans mon consentement.»
Le témoignage de cette jeune fille qui, apparemment, n’a aucune conscience de ce qui lui arrive renseigne à bien des égards sur l’ampleur du mariage des enfants dans la région de Kolda en particulier, et au Sénégal en général. Les statistiques font tressaillir de peur : «En 2011 au Sénégal, environ 33% des femmes âgées de 20 à 24 ont été mariées avant l’âge de 18 ans.» Et dans ce classement des villes où le phénomène est plus répandu, la région de Kolda caracole en tête avec le taux de 68%, «suivi de Tambacounda 57%, Matam 56%, Louga 47%, Diourbel 46%».
Cette pratique ancestrale encore répandue dans nos sociétés conservatrices fait des victimes. Pour renverser cette tendance, les Ong «Yellitaare» et World Vision ont, avec le concours de l’Unicef, lancé un forum de haut niveau hier à Dakar en prélude du lancement au mois d’avril à Kolda du projet «Combattre le mariage des enfants : les hommes s’engagent».
Ce projet ambitionne de mettre en place un réseau international d’acteurs afin de mettre fin à ce qui est conçu par la présidente de la délégation du Sénat français, Gonthier-Maurin, comme «un viol à répétition».
L’atteinte de cet objectif nécessite l’engagement des hommes qui sont les détenteurs du pouvoir dans nos sociétés patriarcales. D’ailleurs, pense la directrice de l’Unicef Dakar, Ann Thérèse Ndong Jatta, «impliquer les hommes, c’est attaquer le mal à la racine».
L’idée est d’arriver à convaincre et de faire des hommes, acteurs principaux de cette pratique, le fer de lance de la politique de lutte contre ce fléau qui porte atteinte à la dignité de la femme. D’après les études faites, les jeunes filles sont souvent promises à des hommes de l’âge de leur père qui, très souvent, les enlèvent pour consommer le mariage.
Cependant, la responsabilité des mères de famille n’est pas à occulter. Du moins de l’avis du ministre-conseiller, Amsatou Sow Sidibé, qui souligne que pour des considérations bassement financières ou sociales, elles donnent leur fille en mariage «de gré ou de force».
Toutefois, le combat noble pour lequel tous les acteurs que ce soit l’Etat, la société civile et les organisations internationales se sont engagés, s’avère très rude.
Ce, du fait des résistances culturelles. En effet, dans certaines ethnies, le mariage des enfants est encore perçu comme un moyen de sauvegarder chez la petite fille certaines valeurs. Pour corriger cela, l’appui des porteurs de voix est sollicité.