FRANÇOIS HOLLANDE, PREMIER RESPONSABLE ?
ASSASSINAT DES JOURNALISTES FRANÇAIS À KIDAL
Les criminels qui ont froidement exécuté les journalistes de RFI le samedi 2 novembre dernier auraient été réduits en cendres voire écrabouillés si toutes les réprobations formulées contre eux étaient des lance-flammes ou des lance-bombes. Mais avant de situer la responsabilité de ces terroristes, il faut dénoncer celle de François Hollande, le président de la République française, qui a permis de faire de Kidal une zone de non-droit en dépit des accords de Ouagadougou qui stipulent que les rebelles doivent être cantonnés et désarmés.
La joie débordante et l’enthousiasme triomphaliste qui ont accueilli la libération des quatre otages français d’Arlit, au Niger, se sont vite estompés après l’assassinat odieux des journalistes de RFI, Ghislaine Dupont et Claude Verlon. En effet, samedi dernier, les deux envoyés spéciaux de la radio française au Mali ont été enlevés à Kidal, au nord de ce pays voisin du nôtre, avant d’être lâchement exécutés. Tout le monde s’est indigné de cet assassinat sordide. Aujourd’hui, comme dans un réflexe pavlovien unanimiste, on tire à boulets rouges sur les terroristes qui ont commis cet acte odieux et lâche.
Des milliers et des milliers de témoignages de compassion inondent les réseaux sociaux des médias français, particulièrement ceux de la radio RFI où travaillaient depuis plus de deux décennies Ghislaine et Claude. Le président malien Ibrahim Boubacar Keita, recevant au palais de Koulouba la délégation de RFI, a même éclaté en sanglots. Etonnant voire honteux pour une institution de fondre en larmes pour exprimer son émotion devant la mort tragique de journalistes français alors que le même IBK n’avait pas pleuré lorsqu’une centaine de soldats de son propre pays avaient été égorgés ou tués d’une balle dans la nuque à Aguelhok par les rebelles du MNLA (Mouvement National de Libération de l’Azawad). Des militaires maliens froidement exécutés alors qu’ils avaient les mains liées dans le dos. Et ce, même si, à l’époque, il n’était pas encore président de la République.
DEUX POIDS, DEUX MESURES DEVANT LA MORT
Avec la surmédiatisation de la mort de nos deux confrères, on a l’impression que c’est la première fois que des journalistes sont abattus ou trouvent la mort dans l’exercice de leur métier. Que nenni ! Rien qu’en Syrie, depuis le début de la rébellion contre le pouvoir du président Bachar El Assad, 21 journalistes dont quatre Français ont perdu la vie dans des conditions atroces. Il s’agit de Gilles Jacquier, grand reporter à France 2, tué à Homs le 11 janvier 2012 par un obus de mortier. Le défunt avait en particulier couvert des zones de conflits chaudes comme l’Irak, l’Afghanistan, le Kosovo et Israël.
D’ailleurs, c’est la très professionnelle couverture de la deuxième Intifada et de l’opération « Rempart » menée par l’armée israélienne en avril 2002 qui lui a valu, en 2003, le prestigieux prix Albert Londres. A ce grand reporter s’ajoutent Yves Debay, journaliste et fondateur de la revue spécialisée « Assaut » tué à Alep par un tireur embusqué le 17 janvier 2013, Rémy Ochlik reporter-photographe français co-fondateur de l’agence IP3 Press tué le 22 février en même temps que sa collaboratrice américaine Marie Colvin, journaliste du « Sunday Times » lors d’un bombardement d’un centre de presse à Baba Amr, bastion de la rébellion à Homs et Olivier Voisin, reporter-photographe indépendant, mortellement touché à la tête et au bras par des éclats d’obus le 24 février 2013.
Il est vrai que tous ces journalistes n’ont pas été lâchement assassinés par des ravisseurs mais ont plutôt été victimes de balles ou de missiles perdus. Toujours est-il que ces journalistes français, morts dans une zone de guerre plus dangereuse que le Mali en effectuant la même mission d’information que Ghislaine et Claude, n’ont pas eu les honneurs, les mêmes égards et les mêmes hommages de la part de leurs autorités, de leurs médias et de l’opinion internationale. Ils ont eu tort d’officier dans des médias de moindre envergure, ou en tout cas moins connus en Afrique, que Radio France Internationale. De fait, tout le monde n’est pas égal devant la mort, il existe deux poids, deux mesures !
Dans cette même guerre, le journaliste syrien Mohammad Al Saïd, présentateur de la TV officielle syrienne, est enlevé à son domicile à Damas puis exécuté par le groupuscule extrémiste Al-Nosra qui a revendiqué son meurtre. Hatem Abu Yehiah, caméraman de la chaîne publique syrienne Al-Ikhbariya, est tué après sa capture par des rebelles. Ils sont morts dans l’anonymat parce qu’ils ont eu le malheur d’être nés syriens. Ainsi force est de constater que mourir en Syrie aujourd’hui est d’une banale normalité pour un professionnel des médias alors qu’au Mali, lorsqu’un journaliste français est tué, surtout s’il travaille à RFI, c’est un véritable drame qui doit émouvoir le monde entier.
LA RESPONSABILITE DES JOURNALISTES TUES ENGAGEE
Au-delà des larmes compassionnelles ou de crocodiles et des condoléances sincères ou principielles, au-delà des accusations hâtives contre tel ou tel groupe terroriste, indépendantiste ou djihadiste, il va falloir situer les vraies responsabilités dans les meurtres des deux reporters de RFI. Et à ce titre, la France, plus particulièrement son président, M. François Hollande, chef suprême des armées, est le premier responsable du double assassinat des journalistes de l’Hexagone. Et ce même s’il est vrai que Ghislaine Dupont et Claude Verlon ont fait fi de toutes les dispositions sécuritaires requises en pareilles circonstances. Ils avaient demandé aux militaires français de l’opération « Serval » déployés à Bamako de les escorter jusqu’au point de rencontre.
Refus des militaires qui ont argué de raisons sécuritaires tout en leur recommandant également de ne pas s’y rendre. Les militaires maliens avaient également averti qu’au Nord du pays la situation restait instable et qu’ils ne pouvaient pas assurer la sécurité des étrangers. Par amour obstiné et obsessionnel de leur métier de journalistes, ils n’ont pas suivi ces recommandations empruntant du coup un avion de la Minusma (la Mission de l’ONU au Mali). Et finalement ce qui devait arriver, hélas, est arrivé. Quand la France a libéré le Nord Mali de l’occupation des djihadistes, elle a fait preuve, comme à son habitude, d’une duplicité qui n’a d’égale que son équilibrisme criard dans la gestion de la crise malienne entre les différentes parties.
L’HYPOCRISIE MORTIFERE DE LA FRANCE
Lors de l’offensive de Konna, lancée en janvier dernier contre les groupes terroristes, qui s’est étendue sur Gao puis Tombouctou, il était plus indiqué, de la part de la France, de procéder à la libération totale de Kidal, puisque cette localité est le berceau du mal malien. Après avoir libéré le septentrion malien et chassé les islamistes de Kidal, la France, au lieu de remettre cette ville à l’armée malienne comme elle l’avait fait pour Tombouctou et Gao, a préféré… la remettre à la rébellion touarègue du MNLA ! Et ce malgré les protestations et les grincements de dents des autorités maliennes de l’époque. Les soldats français ont empêché l’armée malienne de réinvestir Kidal parce que leur intention était de ménager les rebelles touaregs dans cette région.
Or, on sait que c’est le MNLA qui a attaqué le 17 janvier 2012 les camps militaires maliens dans le nord du Mali avant d’occuper cette région en collusion avec les djihadistes du Mujao, d’Ansar Dine et d’Aqmi. Le Mujao finira par chasser les rebelles touaregs des localités qu’ils occupaient, ces derniers fuyant alors pour trouver refuge au Burkina Faso. Ainsi en remettant Kidal, après la défection des islamistes, aux rebelles du MNLA rentrés d’exil, la France a permis à ces derniers d’opérer facilement un retour dans la région nord malienne et d’y prospérer clandestinement. Tous les Maliens épris de paix, de liberté et de justice avaient dénoncé cette duplicité de la France de François Hollande qui risquait de cautionner l’impunité des rebelles du MNLA et de permettre aux troupes djihadistes en capilotade de se reconstituer.
Au même moment, la France a empêché l’Etat malien de désarmer cette rébellion touarègue et l’ont obligé même à lever des mandats d’arrêt lancés contre certains de ses dirigeants qui avaient donné l’ordre à leurs sicaires d’éventrer ou d’égorger sauvagement plus d’une centaine de soldats maliens à Aguelhok. Avant la signature de l’accord de Ouagadougou de juin dernier, le président de la République par intérim du Mali, M. Dioncounda Traoré, avait supplié M. Hollande d’œuvrer pour le cantonnement et le désarmement de tous les mouvements armés, notamment le MNLA et le HCUA (Haut Conseil pour l’Unité de l’Azawad, qui n’est qu’Ançardine reconverti). Finalement, les autorités maliennes avaient avalé des couleuvres en se pliant aux injonctions de la France qui reconnaissait une légitimité des Touaregs à Kidal.
Tout cela pour dire que si la France a libéré le Mali des griffes des terroristes djihadistes, elle a concomitamment contribué à créer une enclave touarègue autonome à Kidal devenue une zone de non-droit où les djihadistes reconvertis du HCUA et les rebelles du MNLA, bandits et narcotrafiquants de tout acabit circulent avec armes et drogue. Nonobstant les accords de Ouagadougou qui font injonction à ces rebelles de s’installer à Kidal sans combattre personne, ils restent les maîtres du nord malien avec la bénédiction de la France. D’ailleurs, selon le site du journal français Le Monde, le HCUA dispose d’un camp à Kidal dans lequel vivaient les trois suspects de l’enlèvement des deux journalistes de RFI.
Toujours dans cette propension à absoudre les rebelles touaregs, IBK élu président de la République malienne en août dernier et investi en septembre, a libéré, dès le 2 octobre, les criminels du MNLA, levé les mandats d’arrêt lancés contre 28 chefs rebelles accusés d’assassinats, de crimes de guerre, de trahison, d’incendies volontaires, de viols, de trafics de drogue et d’armes. Et ce sous la pression implicite de la France. Mieux le gouverneur nommé par Bamako à Kidal a été obligé de délocaliser son bureau à la mairie de ladite ville, le sien étant occupé par les bandits du MNLA, ce qui montre que ces derniers demeurent encore les seigneurs du septentrion malien.
Si la France montre tant de sollicitude à l’égard du MNLA, c’est parce que les dirigeants de ce mouvement sont ses alliés majeurs. Il paraît même qu’ils ont joué un rôle fondamental dans libération des otages d’Arlit au Niger. La France de François Hollande est victime de ses errements, de ses tergiversations et de son hypocrisie dans la gestion de la crise malienne. En voulant ménager la chèvre et le chou, le président français s’est mis dans une posture bifide, perfide et mollassonne qui corrobore toute sa duplicité diplomatique entre Bamako et Kidal.
LE MNLA, UN COMPLICE (IN)DIRECT DE CE DOUBLE CRIME
On ne saurait passer sous silence la responsabilité du MNLA dans ce double crime abject obscurci par plusieurs zones d’ombre même si Aqmi l’a revendiqué. Si les journalistes français ont été kidnappés non sans opposer une résistance courageuse devant la maison du chef touareg Ambéry Ag Rhissa qu’ils venaient d’interviewer, pourquoi ce dernier qui a vu les ravisseurs les embarquer n’a pas averti l’armée française ou la Minusma ? Et comment se fait-il que le domicile d’un chef rebelle ne soit pas gardé par ses éléments pour des raisons sécuritaires ? Comment comprendre que les ravisseurs puissent en plein jour circuler tranquillement jusqu’à 12 kilomètres de Kidal et emprunter sans être repérés une sortie de Kidal située à 250 mètres d’un poste des forces onusiennes de la Minusma, et à 500 mètres du camp militaire où stationnent les forces françaises de « Serval » ? Des questions, hélas, qui risquent de ne pas trouver réponses tant l’implication des forces françaises, onusiennes et rebelles touarègues est engagée directement ou indirectement. Finalement à qui profite le crime ?