KARIM TIENT TOUJOURS À SON DESTIN PRÉSIDENTIABLE
RETOMBÉES POLITIQUES DE SA CONDAMNATION

Wade-fils est condamné à 6 ans de prison ferme. On jubile à droite et on pleure à gauche. Et si tout cela n’était que mascarade et feuilleton pour berner un Peuple assoiffé de doux rêves ? Karim Meïssa Wade, fils de son père Me Abdoulaye Wade, lui-même condamné à maintes reprises dans maints procès, vient de boire à la source du graal.
On pourra le reconnaître désormais comme le fils de son père à tous points de vue. Rien ne l’empêchera désormais de sortir de l’affront du Palais de la justice pour gravir les marches du palais de la République. 6 ans ferme !
Le verdict sonne comme «un acharnement sur le fils de Me Abdoulaye Wade», ont dénoncé ses partisans. Et si ce n’était qu’une stratégie pour le conduire vers le sommet du pouvoir ? Karim ne pourra certes plus se présenter aux élections en 2017. Mais il pourra le faire en 2022. Rien n’est donc perdu. C’est le prix du sacrifice. Le prix à payer pour obtenir la grâce du Peuple.
Grâce du Peuple ? Oui ! Le Peuple sénégalais aime les victimes. Et une «grande victime», mais surtout un Messie vient de sortir du Tribunal de Ponce Pilate pour être crucifié à Rebeuss. La Crei a jugé et s’en est débarrassé. En attendant le verdict de la Cour suprême, le Peuple a pris acte, dans le silence de son cœur. Ce Peuple aime bien les victimes et il a pu capitaliser une certaine sympathie qui a poussé le Parti démocratique sénégalais (Pds) à l’investir comme son candidat pour 2017.
Ce Peuple sait toutefois que Karim dans cette histoire, n’est pas un enfant de cœur. Il a sa part de responsabilité et n’est pas blanc comme neige. On l’a bien vu tout le long du procès. Mais le Peuple n’aime pas l’acharnement. Pour lui, il faut également passer par la case prison pour devenir président de la République. Certains diront que cette période est révolue. Soit ! Macky n’a pourtant pas échappé à la règle.
Même s’il n’a jamais fait Rebeuss, le sort s’était acharné sur lui à un moment de son parcours politique. Il est devenu une victime et en a tiré de bons lauriers. Karim devenu lui aussi une « victime », il ne lui reste qu’un avenir radieux en politique.
La case prison en Afrique, osons le constater, est le lieu idéal pour se préparer à gouverner le Peuple. C’est là qu’il faut faire son chemin de croix avant la résurrection à Pâques.
Wade-père a fait la prison à partir de 1985 et est revenu en force au pouvoir en 2000. Wade-fils est en prison et reviendra sûrement en force en politique. La prison n’est ni sous nos cieux ni ailleurs une porte qui ferme le chemin du destin.
Au contraire. En Afrique, constate-t-on, «il y a président et président de la République, et tant de manières d’accéder au pouvoir suprême». «De toutes celles-ci, c’est l’initiation par la case prison qui confère parfois le titre de «vrai président de la République» ou de «président normal». Si vous êtes un homme politique, vous avez donc différentes initiations au choix», notet-on.
Pour preuve, en Afrique du Sud Nelson Mandela, après vingt-sept années d’emprisonnement dans des conditions souvent très dures, et après avoir refusé d’être libéré pour rester en cohérence avec ses convictions, a été relâché et est devenu le père de la Nation arc-en-ciel. L’ancien Président du Nigeria, Olusegun Obasanjo, a lui aussi effectué plusieurs longs séjours en prison, notamment sous le règne de Sani Abacha (de 1994 à 1998).
Laurent Gbagbo, l’ex-Président de Côte d’Ivoire, avait eu son parcours initiatique en bonne et due forme. De mars 1971 à janvier 1973, il avait été emprisonné à Séguéla et à Bouaké. L’actuel Président du Niger, Mahamadou Issoufou, n’avait pas échappé à la case prison, en raison de son engagement politique. Il y a aussi le cas Alpha Condé en Guinée. Le défunt Colonel, Lansana Conté, l’avait fait emprisonner pour «atteintes à l’autorité de l’Etat et à l’intégrité du territoire national», avant de le relâcher 21 mois plus tard, soit le 18 mai 2001.
Karim Wade écrit donc lentement et sûrement son histoire. Il aurait confié il y a quelque temps à ses proches : «Je sais que je resterai en prison mais si ça peut me permettre de contrôler le Parti démocratique sénégalais, et d’affronter directement Macky Sall aux élections à venir, ce serait une bonne chose. La prison va m’ouvrir les portes du Palais présidentiel.»
Il ne lui reste donc qu’à s’inspirer de la philosophie de son père : «Laisser le temps au temps, prendre des coups et savoir en donner avant d’arriver à conquérir le pouvoir.»
Le remède paie toujours. Car en Afrique et plus singulièrement au Sénégal, même s’il y a l’exception Idrissa Seck, le mythe de la case prison sur l’imaginaire collectif n’est pas dévoyé.