L'ÉNERGIE, UNE HISTOIRE DE FEMMES
MARIE-ROGER BILOA, JOURNALISTE ET ÉDITEUR DE PRESSE

Les femmes doivent se battre pour prendre une part active dans la révolution énergétique, en passant de statut de consommatrice à celui de productrices. C’est le point de vue de la journaliste Marie-Roger Biloa, consultante pour le département des énergies renouvelable de la CEDEAO (ECREE).
Quels sont les enjeux de l’intégration de la dimension genre dans la politique énergétique de l'Afrique de l'Ouest ?
Il y a un véritable enjeu à intégrer la dimension genre dans la politique énergétique parce que les femmes sont grandes consommatrices et parfois même les premières consommatrices de l’énergie ne serait-ce que dans le domaine domestique et familial. Les modes de cuisson traditionnels, extrêmement dangereuses les exposent à beaucoup de risques. La responsable de ONU Femmes a insisté sur tous les problèmes de santé que pose la fumée. L’accès à l’énergie expose également les femmes à la violence dans certaines zones. Voyez l'exemple d'un camp de réfugiés au Tchad où c'est au moment où les femmes se déplacent pour aller chercher du bois de chauffe que surviennent 60% des agressions sexuelle : harcèlement, tentative de viols et viols. Ce sont des cas extrêmes qui sont dramatiques. L’accès à l’énergie dans les formes traditionnelles est un problème pour les femmes mais même l’accès à l’énergie moderne est un problème. Il s’agit donc de faire en sorte que le problème d’accès soit réglé à l’échelle de la CEDEAO et en préservant par la même occasion la santé des femmes.
Avec le projet énergétique régional de la CEDEAO, encouragerez-vous les femmes à investir ce secteur ?
Il faut que les femmes passent d’un statut de consommatrices d’énergie à celui de productrices d’énergie. Parce qu’après la révolution numérique qui a vu se profiler de grandes figures comme Bill Gates., il n’y a pas de femmes dans cette révolution, même au niveau mondial. Les femmes ont loupé la révolution numérique alors qu’on dit que le numérique instaure une forme d’égalité des chances, démocratise un peu les possibilités.
Comme on aborde une révolution énergétique, je crois qu’il faut voir plus loin que le simple accès, un peu misérabiliste du genre : ‘’les pauvres femmes, oh là là … Comment les aider à éviter la fumée dans les yeux’’. C’est vrai qu’il y a des problèmes à régler de ce point de vue. Mais il faut se dire que nous sommes au seuil d’une nouvelle ère en matière de production et d’approvisionnement énergétique.
On est en train, petit à petit, de tourner le dos à l’énergie fossile, à l’énergie polluante pour privilégier les énergies renouvelables, propres. Pourquoi les femmes ne prendraient-elles pas leurs parts de ce marché naissant, à la fois dans l’innovation et dans la production ? C’est-à-dire la partie économique du secteur énergétique. Elles ne doivent pas être que de grandes consommatrices. Demain, il faut espérer qu’il ait aussi des Bill Gates féminins du secteur énergétique.
Une fois le programme validé quel va être le plan concret de mise en œuvre, quel est le coût du projet et la CEDEAO a-t-elle les moyens de ses ambitions ?
On va procéder de la manière habituelle. Le programme validé, il faut que chaque pays se l’approprie, que toutes les entités se l’approprient et le mettent en exécution avec le soutien évidemment de la CEDEAO et des partenaires. C’est très important déjà d’avoir une vision : que voulons-nous collectivement ? Dans ce secteur comment voulons-nous aborder les problèmes qui ont été identifiés à travers ces colloques ?
Les impacts négatifs du manque d’énergie ou de son accès hasardeux sur les femmes sont connus. Donc on connait un peu le diagnostique. Maintenant, il faut établir un plan de vision. Il ne faut jamais naviguer à vue. C’est la première étape du succès. Pour le moment, on n’a pas terminé cette étape. Et pour ce qui est des moyens, je crois que la CEDEAO doit se donner les moyens de sa politique. Moi, je suis toujours d’avis que les financements se trouvent quand on a des projets pertinents, bien réfléchis et qui ont un impact positif et certain sur les populations. Lorsque cette pertinence est avérée, je crois que la deuxième étape consiste à recueillir les fonds et mettre à utilisation.