LA VIE NE S’ARRETE PAS AU 23 MARS

On a comme l’impression que la vie, la nôtre, la vôtre aussi, s’arrêterait à cette fameuse date du 23 mars, suspendus que nous serions à l’épilogue d’un procès, celui du détenu Karim Wade jugé pour enrichissement illicite supposé, et quasi superstar d’une sorte de feuilleton judiciaire qui s’impose à nous. Entre ces témoins plus ou moins «crédibles», ces vrais ou faux prête-noms, cet ancien président de la République métamorphosé en père inconsolable, son combat pour faire libérer son fils bien-aimé, cette « suspecte » Cour de répression de l’enrichissement illicite(Crei), cette accusation «instrumentalisée» ou ces avocats de la défense convaincus que leur client est entre le détenu politique, le bouc émissaire et la victime d’un simulacre de justice qu’ils condamnent avec passion etc.
En début de semaine, Me Amadou Sall, l’un des avocats de Karim Wade, prononçait d’ailleurs, et en toute irresponsabilité, des mots d’une bassesse indigne d’un ancien ministre de la Justice (fonction qu’il occupera sous le régime d’Abdoulaye Wade), au mépris des institutions, au mépris de la Nation, et surtout au mépris de citoyens qu’il n’hésitera pas à mettre en danger, comme si leur vie se monnayait au rabais.
Puisqu’il leur demandera, alors qu’il participait à une manifestation de soutien à Karim Wade dans la banlieue de Dakar, d’être les bras armés d’une résistance populaire accrochée à ses gourdins, ses pilons et ses écumoires dérisoires, si et seulement si Karim Wade devait rester en prison après le 23 mars. Se contentant de n’être que des marionnettes déguisées en boucliers. Pas un mot sur les éventuelles conséquences de cette « résistance » comme il dit, ni sur la probable riposte des forces de l’ordre, rien sur les pots cassés, et à quel prix d’ailleurs ? Non, les citoyens ne sont pas de la chair à canon, qu’on ne les prenne pas en otage !
Que Me Amadou Sall puisse douter de la crédibilité de la Crei, c’est son droit le plus absolu. Et rien ne l’empêche non plus de penser que ses arguments juridiques ne serviront à rien ou de penser que son combat est perdu d’avance : «Karim Wade sera emprisonné le 23 mars», disait-il. Idem s’il veut faire de cette affaire la triviale revanche de Macky Sall contre le Parti démocratique sénégalais(Pds) et contre la famille Wade.
On peut aussi comprendre ses prises de position braquées, son indéfectible soutien à Karim Wade, ou ses combats politiques, mais on avale difficilement que l’ancien garde des Sceaux puisse se moquer de nos institutions et des valeurs de la République. Ni qu’il puisse menacer la stabilité de l’Etat du Sénégal, que l’on donne d’ailleurs l’impression de vouloir pousser à la faute : à lui de prendre de la hauteur, et de ne pas réprimer pour réprimer.
Me Amadou Sall déclarait à qui voulait l’entendre que Macky Sall ne passerait « pas une seule nuit au Palais » s’il venait à « emprisonner Karim Wade ». Des propos qui lui ont valu d’être envoyé à la prison de Rebeuss comme son client, mais pour « atteinte à la sûreté de l’Etat » et « offense au chef de l’Etat ». La vie ne s’arrête pourtant pas au 23 mars !