MULTIPLE PHOTOSLE MONUMENT DE LA RENAISSANCE PREND DES RIDES
Après seulement 5 ans d'existence
Les "géants de Ouakam" font partie du décor dakarois depuis plus de cinq ans. Malgré cette relative nouveauté, la statue présente quelques signes d'usure. L'érosion marine commence à avoir raison d'un monument qui est pourtant devenu un endroit incontournable dans la capitale sénégalaise.
Il faut vraiment être d'humeur active pour gravir la dizaine d'escaliers en marbre gris qui mène au parvis du monument le plus haut de Dakar. Un vrai parcours sportif pour les plus courageux.
D'ailleurs un homme, de type européen, en tenue noire assortie à des lunettes, s'attelle à y faire son jogging malgré l'interdiction formelle de pratiques sportives placardée sur une affiche à l'entrée. Les moins téméraires s'accrochent à la rambarde de l'escalier pour reprendre leur souffle.
Mais une fois sur le parvis, le sentiment de dominer Dakar transfigure les visages essoufflés en un bonheur indicible. La tour de contrôle de l'aéroport, au loin sur la droite, et les bâtisses bourgeonnantes de Ouakam, semblent minuscules. Le monument de la Renaissance africaine surplombe et surclasse également un autre d'importance moindre, le phare des mamelles.
L'homme de 100 tonnes et son doigt tendu vers le futur, la femme 70 et l'enfant 20, qui représentent le continent noir émergeant du sous développement, sont, pour dire le moins, loin de leur forme esthétique d'avril 2010, année d'inauguration en grande pompe.
A la veille de la fête d'indépendance de cette année, l'initiateur et président de la République Abdoulaye Wade d'alors, en compagnie de 19 dirigeants africains, avait baptisé ce monument. Cinq ans plus tard, comme un cancer, un vert-de-gris (oxydation du cuivre), ronge petit à petit le métal originel de cette immensité architecturale de 52 mètres qui domine Dakar de la tête et des épaules.
La peinture chocolatée se détache, laissant paraître, à plusieurs endroits des corps, l'effet de l'érosion marine sur cette construction de 12 milliards de F CFA. Si l'entretien des objets à l'intérieur se fait quotidiennement, celui de ces géants est une autre paire de manches.
"Entretenir les statues nous coûte extrêmement cher. C'est la raison pour laquelle, il se fait tous les cinq ans. Peut-être que cette année-ci, ça va se faire, ou au plus tard l'an prochain", explique le guide qui fait faire le tour du troisième étage aux touristes nationaux et étrangers. Même si cette retouche est imminente, il refuse de s'avancer clairement sur la date exacte. Selon lui, le cuivre résiste le plus à l'érosion marine ; ce qui explique la préférence des constructeurs nord-coréens pour ce métal. "En attendant, c'est la pluie qui va faire son œuvre de nettoyage", poursuit-il.
A l'intérieur : la salle des rois, un trône de deux sièges, cadeau de l'Angola, exposé et encadré par deux cornes géantes, les représentations sculpturales des figures noires et afro-américaines.
Couru malgré tout
Ce monument fait partie de ce que d'aucuns ont appelé les "sept merveilles de Wade", faisant référence aux nombreux chantiers futuristes de l'ex-président, là où d'autres riaient sous cape en parlant d"'éléphants blancs de Wade". Mais après les chaudes empoignades verbales, les débats houleux sur l'opportunité ou non d'une telle construction, le monument de la Renaissance africaine s'impose non seulement comme la carte postale de Dakar, mais semble être adopté par ceux qui naguère s'opposaient à son érection.
"Je suis content d'être là avec mes filles pour profiter des derniers jours de vacances. D'autres lieux comme celui-ci devraient voir le jour un peu partout dans le pays", déclare Maguèye Fall dont les trois gamines exhortaient, en vain, leur maman à gravir les 158 marches pour rejoindre le monument. Plutôt sceptique au début du projet, il adhère au fait que cette construction a fait connaître sa localité au Sénégal et au monde entier.
Ces statues de Ouakam s'imposent comme un des endroits incontournables de Dakar. On s'y tient la main en amoureux, on y vient en famille ou, le plus fréquemment, on y vient en simple curieux pour pouvoir y admirer ce qui était naguère honni. Il faut dégainer 1000 F CFA pour une visite simple, c'est-à-dire au troisième étage ; et 3 000 Fcfa pour un tour complet qui suppose d'aller au quinzième, dans la tête de la sculpture mâle.
"Nous avons beaucoup de touristes, des étrangers en général. Pendant les grandes vacances, l'affluence s'améliore. En période scolaire, ce sont surtout les sorties pédagogiques qui nous aident à s'en sortir", explique le guide. Sur le parvis, les touristes attendent leur tour pour faire la visite. Certaines, à l'image d'Aurélie, sont ravies de se trouver en face du monument.
"Au fait, j'avais vu ça sur une carte postale que ma fille m'avait envoyée. Je me suis dit qu'en venant à Dakar, c'est l'une des visites que je ne manquerais pas de faire", explique-t-elle, sur le point de retourner en France. Une équipe de chercheurs de la sous-région, ayant des cartables du Codesria, était présente sur les lieux aussi. Après leur visite, ils ont trouvé que la volonté d'incarner l'Afrique est bien présente mais qu'il faut la matérialiser effectivement.
"C'est un bon début, et c'est un très bon coin de Dakar. Seulement il va falloir penser à mettre un objet d'art de chaque pays du continent pour que le continent s'y reconnaisse. Pour le moment, c'est l'Afrique vue du Sénégal", explique ce membre camerounais de l'équipe qui a profité du dimanche pour voir ce monument. Pour lui, tout l'espace de verdure en contrebas de la statue, pourrait accueillir plus d'objets d'art africains, même s'il a apprécié, durant sa visite, les échelles Dogons du Mali et du Ghana, les masques Kran du Liberia dans la salle présidentielle.
Les grandes vacances sont le moment le plus propice à l'afflux des visiteurs, explique le guide qui confirme que l'appréhension de la population envers cette représentation titanesque s'effrite peu à peu. Pour preuve, les séances de selfies se la disputent aux séances de photo en groupe sur le socle de l'édifice pour immortaliser ces moments avec ces géants. "Vous avez vu tous ces gens-là alors qu'on est loin de l'heure de pointe, après 17 heures ?" exulte le guide. Mais "les géants de Ouakam" commencent à prendre des rides.