LE VETO DE MIMI TOURÉ
ÉVENTUELLES RETROUVAILLES LIBERALES
Ces temps-ci, la question des retrouvailles entre Macky Sall et Abdoulaye Wade fait débat dans les écuries bleu et beige-marron. Nous sommes loin du temps où le président de la République, va-t-en-guerre, traitait le chef du Pds et ses ouailles, qui le chargeaient sur l’affaire Karim Wade, d’«opposition sans foi ni loi à laquelle il fera face». Aujourd’hui beaucoup d’eau semble avoir coulé sous les ponts avec un assouplissement des positions et une dilution du discours de part et d’autre.
La récente interview accordée au magazine Jeune Afrique où le Président reconnait l’encadrement et la formation dont il a bénéficié d’Abdoulaye Wade vient conforter la thèse selon laquelle les deux camps se sont engagés dans une dynamique quasi-irréversible d’apaisement assortie d’un rapprochement. D’ailleurs quelqu’un comme Maître Djibril War a toujours prôné ces retrouvailles au moment où soulever une telle position taboue au sein de l’Apr était considéré comme une hérésie, voire une trahison des alliés de Macky 2012 et de Bennoo Bokk Yaakaar.
Les prodromes d’un rapprochement politique
Depuis que le palais et Touba ont raffermi leurs liens refroidis avec la chute de Wade, un vent d’apaisement semble souffler entre les frères libéraux ennemis. Touba a joué un rôle prééminent dans le rapprochement qui se trame chez les marrons-beige et bleus. La poignée de main entre Premier ministre et le président Abdoulaye Wade le jour de l’Aïd, jour de pardon et de paix, semble véhiculer un pareil message symbolique, surtout à l’endroit des sceptiques qui ne croient plus à ces retrouvailles entre frères libéraux. L’ambiance fraternelle créée par la mosquée Massalikoul Djinane le jour de la tabaski est un signe annonciateur d’un rapprochement imminent.
Si des tierces personnes, n’appartenant pas forcément à l’un des partis en question, sont impliquées pour matérialiser une pareille initiative, c’est pour éviter des manœuvres souterraines de torpillage. Car, il est clair que les faucons, tapis dans les deux camps et ne voulant pas de ces retrouvailles, s’activent pour qu’un tel projet fasse long feu.
Du côté de l’Apr, il apparaît que l’ancien Premier ministre Aminata Touré rechigne à toute idée de retrouvailles. Le 13 octobre dernier, elle a saisi la tribune que lui a offerte la RFM pour bannir toute idée de rapprochement de son parti avec le Pds. À une question du journaliste Macoumba Bèye sur sa position par rapport à ces retrouvailles qui font actuellement l’objet de discussion au sein de l’Apr, elle répond d’abord que l’absence d’un texte validant une pareille initiative ne lui permet pas de tirer des plans sur la comète. Ensuite elle rappelle aux promoteurs d’une telle idée d’avoir à l’esprit que la lutte contre ces libéraux a laissé sur le champ de bataille huit vaillants soldats de la démocratie.
Donc pour elle, il n’est pas question de s’allier avec Abdoulaye Wade qu’il a considéré comme un « diable » du temps où il était membre du gouvernement de majorité élargie du président Abdou Diouf. Et cette posture, elle la partage avec certains de ses camarades de parti– précisément ceux qui n’ont jamais été nourris à la sève libérale du Pds–, lesquels au lieu d’élever une voix dissonante, soit par crainte soit par stratégie, préfèrent faire un travail de termite pour saper toute velléité de retrouvailles entre l’Apr et le Pds.
Négociations en coulisses
En tant que politique, Aminata Touré sait bien qu’il y a beaucoup de choses en politique qui ne se règlent pas au sein d’un bureau ou d’un secrétariat exécutif, mais dans les officines des partis. Et des tractations de ce genre ne se discutent au sein d’une instance d’un parti politique mais dans ses méandres sinueux. Par conséquent, s’il doit y avoir retrouvailles, les sillons seront tracés par des personnalités influentes et discrètes à la limite.
Quand Idrissa Seck menait ses pourparlers avec le Pds pour un éventuel retour au sein du Pds, après les élections de 2007, Abdoulaye Wade avait tancé Oumar Sarr de Rewmi au palais de la République sur son attitude nihiliste qui consistait à rejeter partout une telle initiative. Le président de la République d'alors n'a pas pu s'empêcher de lui signifier qu’il perd son temps dans des jactances médiatiques inutiles parce qu’il ignorait toutes les manœuvres entre son patron et lui. Ce qui veut donc dire que certaines questions sont traitées dans la discrétion. La négociation en coulisse est une réalité en politique.
Pour preuve, le protocole de Rebeuss entre Wade et Idy n’a jamais été couché sur papier et pourtant personne n’ose en nier l'existence. C’est dire que si Aminata Touré parle négativement des éventuelles retrouvailles entre frères libéraux à travers la presse, c’est pour s’insurger contre une telle initiative et avertir les démarcheurs sur la gravité et la vanité d’une telle entreprise, politiquement mortifère pour l’Apr.
Et le premier averti est le président Macky Sall. On connait les principes, la rigidité et l’inflexibilité avec lesquels Aminata Touré gère certains dossiers. Dans la traque des biens mal acquis, il n’a jamais été question de faire machine arrière quand elle gérait le département de la Justice. La même opiniâtreté est observée dans l’affaire Cheikh Béthio Thioune. Et c’est forte de ces convictions que la dame de fer refuse toute tractation devant déboucher sur un deal ou un rapprochement compromettant avec le prédécesseur de son leader, lequel porte une responsabilité ineffaçable sur la mort tragique des combattants de la deuxième alternance démocratique.