LES SAGES-FEMMES ASSUMENT LEUR PART DE RESPONSABILITÉ
5 FEMMES MEURENT CHAQUE JOUR EN ACCOUCHANT AU SENEGAL

Les sages femmes du Sénégal ont mis à profit la célébration, hier, de la journée internationale qui est leur est dédiée pour mieux constater les goulots qui étranglent leur métier. Dans un contexte où de nombreuses plaintes sont portées contre elles, ces sages-femmes reconnaissent leur part de responsabilité dans les décès liés à la grossesse ou à l’accouchement.
En réfléchissant sur les défis et les opportunités qui se présentent devant elles pour la lutte contre la mortalité maternelle et néonatale, les sages-femmes du Sénégal acceptent de remettre en question la pratique de leur métier.
Bien qu’elles ne soient pas les seules responsables des insuffisances notées dans la prise en charge des femmes enceintes, elles ont assumé leur part de responsabilité lors de la célébration, hier, de la journée internationale de la sage-femme.
Au Sénégal, toutes les 5 heures, une femme meurt en accouchant soit 5 décès par jour. Ces décès maternels et néonatals sont imputés aux mauvaises pratiques.
«Il y a eu beaucoup d’abus et d’incompétences. J’ose le dire en tant que responsable morale de l’association parce si certaines sages-femmes ne suivent les normes par rapport à la consultation prénatale et à l’accouchement», a d’emblée reconnu Mariéme Fall, présidente de l’Association nationale des sages-femmes du Sénégal (Ansfs).
Les fautes imputées aux sages-femmes et au personnel de santé dans l’exercice de leur fonction se situent à plusieurs niveaux, au vu des nombreuses plaintes dont elles ont fait l’objet ces derniers temps. La présidente de ladite association évoque le cas d’une sage-femme du centre de santé Abdoul Aziz Sy des Parcelles assainies, qui a refusé de référer à temps une jeune femme en état de grossesse gémellaire qui a perdu ses bébés.
«Il y a aussi ce qui s’est passé à Kolda s’agissant d’une non assistance en personne en danger. C’était dans le contexte du cas d’Ebola au Sénégal, on a refusé de consulter et de prendre en charge une femme qui était sur le point d’accoucher pensant que c’est un cas d’Ebola, et comble de malheur le médecin a affirmé par erreur que c’était pas une grossesse alors qu’elle était sur le fait d’accoucher», a rappelé Mariéme Fall, sans oublier la récente affaire des jumelles décédées au centre de santé de Dalifort, faute de prise ne charge d’urgence de leur mère qui venait pour accoucher.
Un certain nombre de décès maternels et néonatals peuvent, par conséquent, être imputables à une formation insuffisante des sages-femmes. La qualité de l’offre de services fournie par les sages-femmes reste alors un grand défi à relever pour réduire considérablement les décès liés à la maternité.
MARIEME FALL, PRESIDENTE ANSFS
«NOUS AVONS BESOIN DE 4000 SAGES FEMMES POUR AVOIR UN RATIO ACCEPTABLE»
Les sages-femmes du Sénégal refusent d’endosser à elles seules la responsabilité de la mortalité maternelle et néonatale. La journée internationale des sages-femmes a été l’occasion pour Mariéme Fall et ses pairs d’interpeller l’Etat sur les nombreux goulots d’étranglement qui étouffent de leur profession. «Nous ne sommes que 1716 sages-femmes au Sénégal soit un ratio de 2 sages-femmes en a pour 1000 grossesses.
Alors que la norme est de 6 sages femmes pour 1000 grossesses, nous avons besoin de 4000 sages femmes pour avoir un ratio acceptable», affirme Mariéme Fall. Qui interpelle, ainsi, l’Etat sur l’urgence de régler le déficit en ressource humaine pour une maternité sans risques.
Encore que cette insuffisance de la population de sages-femmes est mal répartie. D’après la présidente de l’Association nationale des sagesfemmes du Sénégal, la seule région de Dakar concentre 32% des effectifs au moment où les régions de Matam, Ziguinchor, Sédhiou et Kédougou ne comptent respectivement que 1,4% de ce personnel de sages-femmes.
Alors qu’on enregistre dans ces régions les plus grands taux de mortalité maternelle et néonatale. Malgré le recrutement de 100 sages-femmes en 2013 et 500 en 2014, en plus des initiatives des partenaires techniques et financiers, l’urgence de combler le gap de sages-femmes se fait sentir.
Un besoin que l’Etat du Sénégal compte prendre en charge, selon le directeur de la Santé de la reproduction et de la Survie de l’enfant, Dr Mamadou Bocar Daff. Il a annoncé que le recrutement de 500 autres sages-femmes est attendu cette année.