CARDINAL SARAH, L'OUTSIDER AFRICAIN QUI SÉDUIT LES CONSERVATEURS
Ce prélat guinéen au parcours exceptionnel, jadis surnommé "le bébé" par Jean-Paul II, cristallise les espoirs de l'aile traditionaliste de l'Église, malgré des chances d'élection jugées minces par les observateurs du Saint-Siège

(SenePlus) - Au lendemain de la disparition du pape François, les regards se tournent vers les potentiels successeurs au trône de saint Pierre. Parmi les noms qui circulent avec insistance figure celui du cardinal Robert Sarah, une figure discrète mais influente au sein de l'Église catholique, comme le rapporte Le Parisien.
Si le prélat guinéen n'apparaît pas en tête des pronostics officiels, il bénéficie d'un soutien remarquable dans les milieux catholiques traditionalistes, particulièrement en France et aux États-Unis. « C'est la coqueluche des tradis », confirme un vaticaniste cité par le quotidien francilien, soulignant l'engouement que suscite ce défenseur d'une ligne doctrinale conservatrice.
Né en 1945 à Ourouss, en Guinée, Robert Sarah est issu d'un milieu modeste – son père était cueilleur de rôniers, ces fruits récoltés au sommet des palmiers dont on tire du vin. Son ascension au sein de la hiérarchie ecclésiastique relève presque du miracle.
Ordonné prêtre en 1969, il est nommé archevêque de Conakry dix ans plus tard par Jean-Paul II, devenant ainsi le plus jeune évêque de l'époque, au point que le souverain pontife le qualifiait affectueusement de « bébé ». Un détail qui n'est pas anodin dans l'univers très protocolaire du Vatican.
Sa carrière connaît ensuite une progression fulgurante : secrétaire de la Congrégation pour l'évangélisation des peuples sous Jean-Paul II, puis cardinal sous Benoît XVI, avant d'être nommé préfet de la Congrégation pour le culte divin et la discipline des sacrements par le pape François. Il quitte ce poste en 2021, atteint par la limite d'âge de 75 ans.
La candidature informelle du cardinal Sarah « bénéficie depuis plusieurs années de relais médiatiques forts aux États-Unis ou en France », précise Le Parisien. Parmi ses soutiens les plus influents figurent son éditeur Fayard et le milliardaire français Vincent Bolloré, « catholique fervent ». Sa médiatisation avait d'ailleurs provoqué une controverse en juillet 2022, lorsque son portrait avait fait la Une de l'hebdomadaire Paris Match.
Sur les réseaux sociaux, la mobilisation en sa faveur est particulièrement visible depuis l'annonce du décès du pape François. Le Parisien cite notamment un tweet qui a recueilli plus de 74 000 « j'aime » : « The next Pope should be Cardinal Robert Sarah » (Le prochain pape devrait être le cardinal Robert Sarah).
Malgré cette popularité dans certains cercles, l'influence réelle du cardinal Sarah au sein du Vatican serait à nuancer. « En réalité, au Vatican, il n'a pas la même surface médiatique et la même influence. Il a ses amitiés, comme le cardinal Gerhard Ludwig Müller [...] mais ne fédère pas au-delà des anti-François », confie au Parisien un vaticaniste familier des arcanes du Saint-Siège.
Le prélat guinéen représenterait « un courant plutôt marginal, alors que l'église en synode, ouverte, celle voulue par François, est majoritaire au Vatican », poursuit cette source. Son principal atout réside dans « sa spiritualité, son attachement à la liturgie et aux valeurs traditionnelles de l'Église, comme le célibat des prêtres », plus que dans sa maîtrise des rouages politiques vaticans.
Robert Sarah s'est imposé comme un gardien de l'orthodoxie catholique. « Être catholique est plus qu'une identification culturelle, c'est une profession de foi. Sortir de ce contenu, tant dans la croyance que dans la pratique, c'est sortir de la foi », déclarait-il lors d'un séjour à Washington en juin dernier, selon Le Parisien.
Il exprime régulièrement « sa grande peur de la déchristianisation de l'Europe » et s'inquiète de l'évolution des pratiques religieuses dans le monde occidental. « Les États-Unis ne sont pas comme l'Europe. La foi y est encore jeune et en pleine maturation. Cette jeune vitalité est un cadeau pour l'Église », avait-il ajouté lors de cette même intervention.
Lorsqu'il évoquait en 2022 l'hypothèse de devenir pape, le cardinal Sarah affirmait : « Ça ne m'intéresse pas. Ce qui compte, c'est de retrouver Dieu. » Il soulignait également sa relation respectueuse avec les trois pontifes sous lesquels il a servi : « Celui avec lequel j'ai le plus de liens, c'est Benoît XVI, mais j'admire autant François, qui sait parler à tous, avec qui l'échange est toujours libre et auquel on a eu tort de m'opposer. »
Malgré la présence accrue de cardinaux africains au prochain conclave, les chances d'élection du cardinal Sarah demeurent minces. D'après Le Parisien, « la dynamique du collège des cardinaux penche en faveur des représentants européens ou sud-américains, globalement plus proches de l'église horizontale prônée par le défunt François ces dernières années. »
Néanmoins, comme le rappelle judicieusement le quotidien français, le nom qui sortira dans quelques semaines de la Chapelle Sixtine « reste encore un mystère et a souvent réservé des surprises. » L'histoire de l'Église catholique est jalonnée d'élections papales inattendues, et celle à venir pourrait bien en être une nouvelle illustration.