PRÉDICTION PESSIMISTE, PARANOÏA SÉCURITAIRE
Le Sénégal, à la veille du délibéré du procès de Karim Wade, donne l’image d’un bateau qui tangue, avec une cargaison de politiciens qui bafouillent et de juges qui cafouillent dans leur procédure

L’approche irréversible du verdict du procès de Karim Wade ferait-il monter le mercure de la tension au point qu’Abdoulaye Wade et ses partisans perdent leur sang-froid et les forces policières et les autorités judiciaires, qui doivent rasséréner le climat social, deviennent les premiers perturbateurs de l’ordre public ? En tout cas une prédiction pessimiste s’est emparée des libéraux à 48 heures de l’acte final du procès de Karim Wade et de ses supposés complices, tout comme une paranoïa sécuritaire a envahi les forces de l’ordre.
Plusieurs signaux d’alerte rouge attirent l’attention sur les outrances discursives des libéraux et les méthodes répressives de la police et de la justice depuis quelques temps comme répondant. Aux diatribes incandescentes et autres manœuvres louches des contempteurs de la Cour de répression et de l’enrichissement illicite (Crei), les autorités policières et judiciaires répondent par des interdictions de marches pacifiques, des interpellations, des arrestations et des gardes à vue, illégalement, prolongées.
Le ton est donné, les choix semblent être faits. Wade menace. La gendarmerie, la police et certains juges y vont à fond dans la répression en multipliant les maladresses effarantes.
Après l’arrestation de Bathie Seras, d’Amina Nguirane d’Horizon 2017, du maire Cheikh Dieng et d’autres responsables de moindre envergure, c’est au tour du tonitruant avocat El Hadji Amadou Sall d’être appréhendé avant d’être envoyé en prison. Cette série d’arrestations met à nue la frilosité de l’Etat et laisse échapper, à travers les interstices de la CREI, l’issue finale et fatale du procès de Karim Wade.
Le Sénégal, à la veille du délibéré du procès de Karim Wade et de ses supposés complices, donne l’image d’un bateau ivre qui tangue sur une mer démontée, avec une cargaison de politiciens qui bafouillent dans leurs discours va-t-en-guerre et de juges qui cafouillent dans leur procédure.
Et cela semble faire le jeu des libéraux qui jouent la carte de la provocation et le registre de la victimisation puisque, tant que le délibéré n’est pas prononcé, tout acte de répression peut être considéré comme un acharnement plus ou moins justifié contre les partisans ou sympathisants de Karim et de son père.
Le Président Macky Sall, traité de descendant d’esclave et d’anthropophage par son prédécesseur à la tête de l’Etat, a joué la carte de l’indifférence intelligente, du mépris répressif et voilà que les obscénités wadiennes sont tombées vite dans l’oubli. (voir à ce sujet le sondage de SenePlus.Com dans la rubrique "SONDAGES" du site). Et c’est sur ce registre de la sérénité qu’on attend les forces de l’ordre et les autorités judiciaires sans, bien sûr, faire preuve de faiblesse ou de laxisme devant toute action visant à troubler la sécurité publique.
Dans l’histoire politique de notre pays, le Pds, aujourd’hui à nouveau sous les feux de la rampe médiatique, est perçu comme un océan de barbarie menaçant de submerger à tout instant cet îlot de paix qu’est le Sénégal. Et le comportement débridé actuel des forces de police et de certains juges prête le flanc à Abdoulaye Wade et ses affidés qui, regimbant de passer sous les fourches caudines des autorités policières et judiciaires, promettent de mettre à feu et à sang le pays en cas de condamnation de Karim Wade. Aussi, il ne faut pas donner l’impression qu’on assiste à un «Karim-bashing» ripoliné en défense intransigeante sacro-sainte de la République.
Il n’est pas dans notre propos l’intention de donner caution aux sorties vitriolées de Me El Hadji Amadou Sall ni de donner onction aux communiqués de presse comminatoires et incendiaires émanant des structures de cadres, de jeunes et de femmes libéraux. Si des faits caractérisés sont établis au regard du code pénal, c’est à la Justice de sévir sans esprit vindicatif ni prise de position dictée par la couleur politique ou la filiation des présumés coupables. Et quelle que soit l’issue finale de ce procès où ne sont jugés que des justiciables, la primauté et la sacralité de la Res publica transcendent le clivage destructeur Apr/Pds.
Et demain que Karim Wade et ses co-accusés soient relaxés ou condamnés, la machine judiciaire ne doit pas s’arrêter dans la traque des pilleurs de la République. Ils doivent rendre compte et le Sénégal doit continuer de vivre. Tout répit pourrit, voire périt, le délit. Le cas échéant, raison à ceux qui ont toujours soutenu mordicus que la reddition des comptes lancée par le régime de la gouvernance sobre et vertueuse n’était qu’un trompe-l’œil pour régler les comptes d’un empêcheur de tourner en rond.