Saint-Denis Academy, à la rescousse des rêves africains de football

Chaque jour vers midi, c'est le même rituel sur un terrain du parc des sports de Saint-Denis, dans la banlieue nord de Paris : un discours, une prière et une quête. Un euro par joueur pour maintenir à flot la Saint-Denis Football Academy, refuge et parfois tremplin pour les joueurs africains désenchantés.
"L’idée, c’est de donner la chance à tous ces jeunes de se réinsérer dans la société française, leur redonner leurs ambitions de footballeur", explique Kampos Bilog, 32 ans, ancien gardien de but camerounais installé en France depuis 2000, fondateur et entraîneur de cette "Academy" en passe de devenir officiellement une association après dix ans d'existence.
"Un jour je rentrais du boulot, un jeune m’a interpellé et m’a dit +J’ai appris que vous avez joué au foot et que vous étiez gardien de but, est-ce que ça vous dérangerait de me donner des cours ?+. J’ai commencé comme ça", explique le coach.
Aujourd’hui ce sont une soixantaine de joueurs, pour la plupart africains, qui se retrouvent tous les jours pour deux heures et demie d’entraînement. Certains apportent de nouveaux ballons, récoltés ici et là, et tous, même ceux qui sont dans une situation financière difficile, mettent de leur poche pour entretenir les chasubles et s’approvisionner en eau.
- Refuge pour footballeur égaré -
Parmi eux, beaucoup d’histoires se ressemblent. Des jeunes Africains se sont fait démarcher par des manageurs leur promettant des essais dans des clubs européens, qui n’ont pas abouti, voire même jamais eu lieu.
C’est le cas de Seydou Cissé, Ivoirien de 23 ans, arrivé en France en 2010 après deux semaines de déshérence en Italie où il a vu ses rêves brisés. Un manageur lui avait proposé des essais et le rendez-vous avait été pris à Bologne avec un contact, qui ne se présentera jamais à lui et aux autres joueurs venus ce jour-là.
"On était livré à nous-mêmes, se souvient Seydou d'une voix douce. On est resté à l’hôtel pendant quatre jours, après on s’est dirigé vers la gare pour voir des Africains. Moi j’ai eu de la chance, j’ai été hébergé par un Sénégalais, il a pris mes billets de train et je suis venu en France", ajoute l'Ivoirien, qui rêve de porter un jour le maillot de la Juventus Turin.
Pour l'instant, il ne côtoie pas les grands noms du championnat italien mais arrive tout de même à vivre de sa passion. Il a décroché plusieurs contrats dans des clubs de divisions inférieures en se faisant remarquer lors de matches amicaux disputés avec la Saint-Denis Academy, où il s'entraîne toujours. "Ça fait quatre ans que j’y suis, c’est comme une base pour moi..."
- La marque des pros -
Comme Kader Keita, passé par Lille et Lyon, et Edel Apoula, ancien gardien du Paris SG, nombre de joueurs professionnels se sont un jour tournés vers le club associatif de Kampos, pour ne pas perdre pied et donner une nouvelle impulsion à leur carrière.
Ce vendredi, c’est Charley Fomen, 25 ans, passé par l’Olympique de Marseille et récemment engagé avec une équipe islandaise, qui est venu "remercier le club" pour son soutien.
"Je me suis retrouvé un bon moment sans club et c’était difficile", se remémore Charley, "je savais que je devais m’entraîner avec Kampos". Pas uniquement du fait de la qualité des séances.
"Pour un joueur qui est au chômage, psychologiquement c’est un gros coup, beaucoup n’ont pas le moral", observe le frère de Charley, Thierry Yangue, également joueur à la Saint-Denis Academy. "Kampos fait un très grand travail psychologique, il nous parle, il nous galvanise..."
Au chômage depuis six mois, Thierry en avait entendu parler alors qu’il évoluait encore en première division polonaise. Et il y est venu avec un but précis : "J’espère pouvoir jouer, peu importe que ce soit dans un club de CFA, je veux juste retrouver la joie de taper dans un ballon."