TOUT ÇA, POUR ÇA !

En plus de la baisse de l’impôt sur les revenus des travailleurs, la Couverture maladie universelle (Cmu), la baisse du prix des loyers, effective depuis fin janvier 2014, aura été la mesure sociale la plus révolutionnaire, prise par le régime de Macky Sall en place depuis le 25 mars 2012, en faveur des «gorgorlou» coincés entre le marteau des agences immobilières «cupides» et l’enclume de promoteurs et propriétaires «véreux».
La loi N°2014-03 portant baisse du prix des loyers n’ayant pas été calculée sur la surface corrigée a été une véritable bouée de sauvetage qui n’a épargné aucune couche socioprofessionnelle ou presque.
Seulement, même si des Sénégalais continuent de jouir encore de cette mesure salutaire, nombreux sont des locataires dont le «ouf» de soulagement n’aura été que de courte durée, faute de mesures d’accompagnement. Conséquences, ils sont laissés à la merci des propriétaires et agences immobilières qui n’ont pas hésité à user de tous les subterfuges pour contourner la loi. En atteste les nombreux contentieux nés des refus de respecter le texte, des menaces et autres plans muris par des bailleurs dont certains ont atterri à la police, à la gendarmerie ou, plus loin, à la justice. Quid des centaines d’appels enregistrés par jour (entre 300 et 400) à la Direction du commerce intérieur dès les premiers mois via le numéro vert (800 00 77 77) créé à cet effet ?
Ces plans n’ayant pas produit les effets escomptés, il ne restait plus aux bailleurs qu’à recourir, à inventer des prétextes comme «libérer les logements pour cause de travaux», «accumulations d’arriérés dus», même si parfois ce n’est pas vrai car ils profitent du fait que des locataires n’ont pas l’habitude de réclamer des reçus après paiement du loyer. Il y a aussi des motifs du genre «reprendre les maisons pour les faire occuper par des membres de la famille», des propriétaires qui décident désormais d’habiter les lieux. D’autres ce sont même empresser de créer des surfaces corrigées avec l’aide de soi-disant experts pour refuser d’appliquer les baisses, des locataires ignorant leurs droits. Que de mensonges pour contourner la loi !
Et, face au refus «d’obtempérer» des occupants des lieux, les bailleurs intentent un procès auprès du juge des référés ne serait-ce que pour obtenir de celui-ci la fixation d’un délai raisonnable pour vider les logements (trois à six mois). Des fois, des propriétaires et agences ont recours tout simplement à des huissiers de justice qui émettent des «Préavis de congé» intimant l’ordre aux locataires de «dégager» pour les mêmes motifs. Ces auxiliaires de justice motivent souvent les documents dont ils remettent copie aux destinataires par l’article 583 du Code des obligations civiles et commerciales qui dispose: «Le propriétaire qui signifie son intention de reprise pour occupation personnelle en application des articles 574 et 576 doit installer le bénéficiaire désigné dans les lieux dans le délai de trois mois suivant le jour de l’éviction du locataire. Le bénéficiaire du droit de reprise est, en outre, tenu d’habiter les lieux libérés deux années consécutives à compter de son installation».
Mais à l’arrivée, la réalité est toute autre. Aussitôt les logements libérés, les propriétaires en profitent pour augmenter les prix des loyers et à installer d’autres personnes. Et les victimes de ces basses manœuvres sont désormais obligées de casquer beaucoup plus pour trouver de nouveaux logements devenus un véritable casse-tête chinois. Ce qui fait, excepté les locataires installés avant l’adoption de la loi, la mesure de la baisse du prix des loyers ne concerne en réalité pas tous ces Sénégalais qui ont été contraints de trouver un logement après. Donc, retour à la case départ avec des loyers d’ailleurs beaucoup plus chers maintenant.
Autant de basses manœuvres qui ont fini par dévoyer et «infecter» une loi sociale qui à la longue risque de connaitre la même finalité que l’essentielle des textes sénégalais parce que le gouvernement n’aura malheureusement pas su l’encadrer véritablement. C’est à se demander que reste-t-il de l’effectivité de l’application de cette loi N°2014-03 portant baisse du prix des loyers n’ayant pas été calculé sur la surface corrigée ? On aurait tenté d’en conclure : Tout ça, pour ça !