UNIVERSITÉ EL HADJI IBRAHIMA NIASSE : LE PLAGIAT ÉMERGENT
Les plagiaires pullulent dans le monde. Mais, qu’ils soient haut perchés au sommet de l’Etat, c’est proprement la République qui marche par la tête. Dans cette fièvre du tout émergent qui envahit le Sénégal, on parlera de plagiat émergent

A moins d’un «wax waxeet», moins de 22 mois seulement nous séparent du 1er tour de l’élection présidentielle de février 2017. Une date fatidique dont l’imminence, à mesure que l’on s’en approche, colle la frousse à une galaxie apériste prise de panique générale, fortement divisée et qui tire sur tout ce qui bouge. La raison, le président Macky Sall n’a pas encore capitalisé une masse critique de réalisations à même de constituer un bilan en béton à présenter aux électeurs.
Faisant une course contre la montre et en mettant les bouchées doubles, le président Macky Sall fait sien le refrain cher à Mimi Touré, i.e. «accélérer la cadence», afin qu’une fois la ligne d’arrivée de l’élection présidentielle de 2017 empiétée, il puisse se prévaloir d’un actif du bilan assez consistant pour emporter l’adhésion des électeurs. Pour ce faire, le président Macky Sall fait dans l’agitation et dans l’activisme.
Tout y passe. Les programmes, dits sociaux mais aux relents politiques trop perceptibles pour que les Sénégalais tombent facilement dans le panneau, sont brandis comme des trophées: les bourses de sécurité familiale, la couverture médicale universelle, la baisse du prix des loyers et de certaines denrées, etc.
Les conseils de ministres dé- localisés que d’aucuns ont rebaptisés par «tourisme gouvernemental» ont fini par révéler leurs soubassements profonds.
En effet, en marge des séances diurnes de parlottes du gouvernement qui pouvaient se faire au palais présidentiel à Dakar, comme d’habitude, les séances nocturnes sont par contre des moments forts de recrutements et de débauchages de militants et de responsables de l’opposition, à coups de mallettes d’argent cachées sous le manteau.
Les cérémonies d’inauguration en grandes pompes d’infrastructures conçues et même entamées par le régime précédent: autoroute à péage, gare routière des Baux-Maraîchers, hôpital pédiatrique de Diamniadio, maison de la presse, stades omnisports régionaux, pont de Kolda, centrale électrique de Kahone, etc.
Ce qui fait dire aux mauvaises langues que le sport favori du président Macky Sall est de «baptiser les bébés d’autrui» au lieu d’enfanter, ou de peindre, en marron-beige s’il vous plaît, des bus de Dakar Dem Dikk commandés par le régime précédent, ou encore de réceptionner deux bateaux, Aguène et Diambogne, commandés, eux aussi, par le ministre des infrastructures de l’époque, un certain Karim Wade.
Certes, il y a le principe de la continuité de l’Etat, tout le monde en convient, mais tout de même… A l’exception de l’une des rares infrastructures réalisées par le régime actuel, le centre international de conférence Abdou Diouf de Diamniadio, le président Macky Sall passe le plus clair de son temps à présider des cérémonies de pose de première pierre d’infrastructures comme les universités.
C’est ainsi que la future Université de Dakar 2 (Unidak2) a été rebaptisée Université Amadou Mahtar Mbow, la future Université Sine Saloum de Kaolack (Ussk) a été rebaptisée Université El Hadji Ibrahima Niasse.
Encore que si la pose de la première pierre est une chose, la réception de l’infrastructure achevée en est une autre. Il y a loin de la coupe aux lèvres. C’est la magie de l’effet d’annonce qui opère. Au demeurant, nous passons sous silence les clins d’œil faits respectivement au «peuple des Assises nationales» et aux disciples Niassène dans le choix intéressé des parrains de ces deux universités.
Tout est calculé et réglé comme du papier à musique. Le hic à ce niveau, c’est qu’à force de vouloir racoler et inaugurer à tout va, partout et toujours, le président Macky Sall en oublie même d’y mettre les formes ou de prendre les précautions d’usage les plus élémentaires comme la vérification préalable des noms à donner aux différentes infrastructures qui doivent sortir de terre rac-tac et pousser comme des champignons.
Ce lundi 13 avril 2015, on a Université El Hadji Ibrahima Niasse le plagiat émergent failli sauter au plafond quand l’information faisant état de la décision prise par le président Macky Sall de rebaptiser l’Université Sine Saloum de Kaolack au nom d’El Hadji Ibrahima Niasse a été rendue publique. D’emblée, il faut préciser que nous nous réjouissons pour le vénéré «Baye Niasse».
Sauf qu’il existe déjà au Sénégal, à Dakar plus précisé- ment, une université qui porte le nom de…El Hadji Ibrahima Niasse. Eh oui ! Quand bien même c’est une université privée, elle a le mérite d’exister et d’avoir été la première à porter le nom d’Université El Hadji Ibrahima Niasse.
Pour l’information des Sénégalais, ladite Université se trouve à Dakar, à l’adresse suivante: Point E rue 2 X Canal IV (rue de Kaolack). Avis aux intéressés qui pourraient aller faire un petit tour dans le coin pour vérifier.
Aussi, sommes-nous fondés à penser que les promoteurs de l’Université El Hadji Ibrahima Niasse de Dakar ont été bien avisés et bien inspirés de protéger leur label au Bureau Sénégalais du Droit d’Auteur (BSDA) afin de se prémunir de tout risque de plagiat ou de violation de la propriété intellectuelle.
En effet, les plagiaires pullulent dans le monde. Mais, qu’ils soient haut perchés au sommet de l’Etat, c’est proprement la République qui marche par la tête. Dans cette fièvre du tout émergent qui envahit le Sénégal, on ne mettra pas de gants pour parler de plagiat émergent. Quelle légèreté ! Quel amateurisme à ce niveau de responsabilité !
Et dire que le président de la République a des conseillers en et sur tout. A croire que ces derniers sont payés à se prélasser.
La légèreté et les carences de ces conseillers sont-ils si criards qu’ils les empêchent de faire le travail d’investigations nécessaires et préalables pour éviter au chef de l’Etat de s’exposer au ridicule et de se voir peint sous les traits de vulgaire plagiaire qui n’a pas eu le moindre scrupule pour aller piquer les idées et les fruits de la réflexion d’autrui pour s’en servir à son propre compte.
Il n’y a rien de plus facile pour saper l’autorité du chef de l’Etat et partant, de l’institution qu’il repré- sente et incarne. Imaginez un peu, après tout le tintamarre et le raffut faits autour de cette cérémonie qui a permis au président Macky Sall de mettre une bonne partie de la communauté des Niassène dans son escarcelle, de voir l’Etat du Sénégal attrait à la barre du tribunal pour plagiat.
Quelle honte ! Par la faute de collaborateurs du chef de l’Etat qui manquent cruellement de rigueur et de professionnalisme. Bref, des irresponsables qui méritent d’être sévèrement sanctionnés pour leur incompétence et leur incurie notoires.
Cela pose derechef le problème de casting et de sélection des collaborateurs du chef de l’Etat et de certaines hautes autorités car le sérieux et la respectabilité des fonctions stratégiques qu’ils exercent dépendent pour beaucoup des performances de leurs éminences grises et conseillers en tout genre.