RAP’ADIO RESSUSCITE
25 ans. 25 longues années d’attente. C’est le temps que les fans du mythique groupe de rap Rapadio ont passé à guetter la sortie d’un opus. L’attente se conjugue au passé. Ci Laytay Bassi Bammel (de la couche à la tombe) est sorti il y a une semaine
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Il y a des histoires sans fin. Et celle de Rapadio en fait partie. Ada Knibal, Gun Mor, Julio l’Absolu et Meuz Goren ont décidé de perpétuer l’héritage. Ils ont mis sur le marché un nouvel album. Le message envoyé est que le mythique groupe de rap est un patrimoine qui ne doit pas disparaître, d’où le titre «Ci Laytay Bassi Bammel,», présenté en concert hier soir à Sorano. Qui va être présenté en concert ce soir à Sorano.
25 ans. 25 longues années d’attente. C’est le temps que les fans du mythique groupe de rap Rapadio ont passé à guetter la sortie d’un opus. L’attente se conjugue au passé. Ci Laytay Bassi Bammel (de la couche à la tombe, en wolof) est sorti il y a une semaine. Sur les 14 titres qui le composent, Ada Knibal, Gun Mor, Julio l’Absolu et Meuz Goren vont perpétuer l’héritage tout en s’efforçant d’y apporter une touche nouvelle. Le titre est assez illustratif du concept qui a été à la base de cet opus. En effet, l’objectif est de faire savoir au public que Rapadio est un patrimoine culturel qui va traverser le temps. Certes les précurseurs ne sont plus dans le «game», mais Rapadio va continuer à rayonner.
Ainsi, la couleur musicale reprend les codes des années 90 sur un beat dépoussiéré pour rester dans son époque. Ci Laytay Bassi Bammel ne se décrit pas. Il s’écoute. Et ceux qui ont fait le déplacement, ce soir au Théâtre Daniel Sorano, en auront eu le cœur net. Ils y verront vu du Rapadio réactualisé. Les titres du projet sont ceux des deux albums du groupe Rapadio, notamment Kara Dindi, Soldarou Mbedd, Li guddi gi murr, Tewal Real hip-hop, Life in da Jungle…, tout en excluant les titres solos. «En marge de l’alternance politique, accorder une plus grande place à l’art et aux artistes dans notre vie quotidienne devrait être une préoccupation constante des plus hauts responsables de l’Etat», plaide l’équipe qui pilote le projet.
A l’origine, quatre jeunes hommes
Créé en 1992 par quatre jeunes à l’orée de la vingtaine : Dëgg Iba, Kool Te Meuneu Dem (KTMD), abrégé en Keyti quelques années plus tard, Cool Koc Sis et Mc Wakh, le groupe Ňuul Te Rapadio se crée rapidement une petite notoriété dans l’underground dakarois. Puis il se fait remarquer auprès du grand public avec deux hits, Lady Sinaï et Rang bi Dematoul, sortis dans le projet de compile «Senerap 2», produit en 1995 par des pionniers du hip-hop au Sénégal, Positive Black Soul (PBS). Le groupe a su résister aux deux départs survenus moins d’un an après sa création. Il s’agit des départs de Koc Sis, pour rejoindre «Pee Froiss», et Mc Wakh, qui est parti poursuivre des études dans une université française. C’est autour du noyau dur Dëgg Iba et Keyti que se construira la légende. Si le titre Lady Sinaï, du nom de la rappeuse qui les rejoint en 1995, flirte avec le rythme reggae, qui fait fureur à Dakar, c’est par un retour à l’essence même du hip-hop que le groupe acquiert ses titres de noblesse : thèmes innovants, textes acérés, beats rugueux et flows puissants. Les rappeurs sont ainsi devenus des références d’une jeunesse paupérisée par la dévaluation du franc Cfa et les crises (scolaire, sociale et économique) qu’elle a entraînées. Ils sont également les héros des quartiers populaires dont ils dépeignent fidèlement le quotidien. Lady Sinaï, Braham T et Big Moz ont successivement renforcé le groupe. Mais, c’est une recrue de taille qui va donner à Rapadio une autre dimension. Daddy Bibson, transfuge de Pee Froiss, apporte sa notoriété et son style incandescent à l’album «Ku Weet Xam sa Bopp», sorti le 18 août 1998.
Cet ovni musical connaît un début fulgurant. Toutes les copies sont épuisées moins d’une heure après la sortie. Plusieurs dizaines de milliers de copies s’écoulent en quelques semaines. L’animateur star de la télévision nationale, Moïse Ambroise Gomis, ne peut s’empêcher de s’extasier devant ce succès musical et commercial dans son émission Midi Première : «Je ne sais pas qui sont ces artistes, mais les cassettes de Rapadio se vendent comme des petits pains.» Des tubes retentissants, notamment dans «Xibaaru Underground», leur titre d’ouverture, aliènent à jamais une partie des ténors du hip-hop qu’ils ont égratignés, tous sans exception. Le style disruptif inquiète les anciennes générations. Ce qui constitue une rupture dans la direction de la création hip-hop et impulse une nouvelle dynamique. Mais les B. Boys se régalent. Les artistes, qui arborent la cagoule pour leurs sorties, sont les anonymes les plus célèbres de Dakar. Des concerts d’anthologie ont lieu à travers le Sénégal jusqu’en Mauritanie.
Le départ de Daddy Bibson, vite remplacé par Makhtar Le Kagoulard, n’empêche pas une collaboration fructueuse entre lui et ses anciens acolytes du groupe qui a pris le nom de Rapadio, plus court et aisé à prononcer. Après des collaborations remarquées sur l’album, Frères ennemis, Gunman Xuman et surtout l’indépassable «100 commentaires», Rapadio sort une masterclass avec son second album «Soldaaru Mbedd» aujourd’hui, en passant le témoin à une jeune génération tout aussi talentueuse, le groupe roule vert l’immortalité.